La grève à Enedis et Grdf est extraordinaire….

samedi 7 juillet 2018.
 

C’est une grève massive, dynamique qui a commencé il y a plus de six semaines du côté de Marseille en appui et coopération à la grève des cheminots lorsque la fédération CGT de l’énergie a appelé à accompagner la lutte qui démarrait à la SNCF par une lutte dans l’énergie sur des revendications propres à l’énergie mais sur des modalités semblables à celle des cheminots et dans un esprit convergent pour la défense du service public. Déjà, cela a quelque chose d’extraordinaire. Mais il y a beaucoup plus.

Cet appel de la fédération CGT de l’énergie a été peu suivi dans les faits sinon essentiellement par les électriciens et gaziers des Bouches du Rhône qui ont tenu leur lutte longtemps. On aurait pu croire que les choses allaient s’arrêter là. Mais cela a généré de proche en proche une autre grève tout aussi importante que celle des cheminots, voire probablement encore plus. La première caractéristique de ce mouvement c’est sa force, son importance, sa détermination et probablement sa durée. En effet, depuis une dizaine de jours environ, surtout une semaine et encore plus ces derniers jours et certainement encore plus les jours à venir, les sites Enedis et GRDF de la distribution sont entrés dans la grève les uns derrière les autres, beaucoup de manière perlée, pour déboucher ensuite et de plus en plus rapidement aujourd’hui vers des grèves reconductibles ou illimitées avec blocage ou occupation, faisant de ce mouvement la plus grande grève dans l’énergie depuis dix ans.

Il est très difficile de chiffrer exactement le nombre de sites en mouvement, depuis ceux avec simple débrayage perlé ou ponctuel et ceux qui sont totalement bloqués voire occupés jour et nuit, parce que tout bouge très vite et change de jour en jour. Pour donner toutefois un ordre d’idée de l’importance du mouvement, j’ai compté pour ma part à ce jour près de 300 sites qui sont dans le mouvement général en cours et peut-être pas loin de 160 ou 170 qui sont bloqués ou occupés avec une extension très rapide de cette dernière forme de lutte dans les derniers moments.

Ce qui est formidable encore c’est que bien des grévistes électriciens ont fait passer en heures creuses des centaines de milliers d’usagers donnant une image de ce que pourrait être un véritable service public de l’énergie au service des usagers, tandis que d’autres ont organisé des coupures de courants ciblées aux impôts ou aux Conseils départementaux jusqu’à ceux qui ont coupé l’électricité, son et lumière, à un meeting de E. Philippe, montrant toute la force et la puissance de ceux qui travaillent et comment gagner la sympathie des usagers. Les grévistes viennent même de couper le gaz à Jupiter comme il est coupé à quantité de familles (voir communiqué ci-dessous de la CGT)

Enfin, ce qui est remarquable c’est que ce sont le plus souvent des jeunes qui sont à l’initiative de cette grève dont la CGT se montre solidaire plus qu’elle ne dirige véritablement le mouvement même si elle se trouve à sa tête et s’en fait le porte parole à sa manière vu sa force dans ce secteur.

Les grévistes veulent pour l’essentiel une augmentation mensuelle de 200 euros et 4 NR, c’est-à-dire en gros une augmentation mensuelle de 400 euros, un mini de 1 800 euros, l’embauche des CDD et intérimaires, l’arrêt des suppressions de postes et emplois programmés pour les années à venir, la réinternalisation de tous les services externalisés ces derniers temps et enfin la nationalisation de tous les secteurs de l’énergie pour un véritable service public de l’énergie au service des usagers et pas des capitalistes. Ce mouvement se cherche depuis un certain temps et ne sort pas d’une situation de calme plat, puisque les électriciens et gaziers ont mené pas mal de luttes bien suivies et de longue durée ces deux dernières années avec notamment ce qui a été appelé les « mardi de la colère » pendant plusieurs mois début 2017 mais sans pour autant atteindre la même ampleur et détermination qu’aujourd’hui.

Le deuxième élément très particulier de cette grosse grève, au delà de ses particularités intrinsèque, c’est la situation dans laquelle elle se déroule et le fait que malgré son importance, elle est très peu visible, très peu connue… En effet, sans même parler des médias qui font silence au niveau national sur ce mouvement, très peu de directions de syndicats ou de partis la font connaître, en tout cas au niveau où elle le mériterait. Ce silence assourdissant est révélateur de la peur profonde qu’inspire cette grève aux dirigeants politiques et économiques du pays. Et c’est ce qui est important à comprendre.

Car au delà de ses caractéristiques propres ; vaste, massive, dynamique avec des jeunes ouvriers à la pointe du combat, elle a des revendications offensives, hardies, audacieuses et pas simplement défensives qui correspondent à tout ce que peuvent vouloir également tous les salariés du public, cheminots, hospitaliers, postiers, enseignants, étudiants, lycéens… qui voient avec colère mais aussi une certaine impuissance que le gouvernement est en train de démanteler tous les services publics du pays. Ce mouvement peut devenir pour eux tous, un étendard de ce qu’il faudrait faire, un encouragement fantastique à rentrer à son tour dans la lutte. Or, en plus, cette grande grève surgit non seulement quand il peut y avoir un accueil favorable des militants, salariés et usagers mais aussi et surtout au même moment où les cheminots connaissent la plus longue grève de leur histoire sans avoir pu pour leur part cristalliser la colère latente dans le pays contre la politique de Macron.

Or, deux grandes grèves, en même temps et qui défendent toutes deux le service public, c’est-à-dire avec une possibilité de convergence, c’est tout à fait autre chose qu’une seule.

C’est en effet un nouvel espoir pour de très nombreux salariés, usagers, citoyens qui commençaient à ne plus croire dans les possibilités de la grève des cheminots.

C’est pour ça que les médias font le silence le plus total sur ce mouvement. Il ne faut surtout pas pour eux que les gens sachent que cette grève existe afin de ne pas susciter un nouvel espoir comme il y en a eu un au début de la grève des cheminots, voire plus important encore, d’une part parce que ce n’est pas un seul mouvement comme les cheminots auquel devait faire face Macron mais deux dans des secteurs importants qui peuvent bloquer l’économie et d’autre part parce que les électriciens et gaziers ne font pas une grève perlée qui rend difficile la « coagulation » mais une grève reconductible avec occupation.

Dans les circonstances particulières de cette grève, le silence sur ce mouvement pourrait pousser logiquement vers des solutions corporatistes, qui sont toujours perdantes face à un gouvernement qui veut tout détruire et dont la tactique et de démolir chaque mouvement l’un derrière l’autre. C’est le but du silence : isoler la grève pour qu’il n’y ait pas d’agrégation avec les cheminots ni avec les autres professions ni encore avec les usagers, faire que chaque site s’installe dans les joies et la convivialité de l’occupation, coupé des autres sites, coupé de l’ensemble, un peu comme l’avaient fait les étudiants en avril/mai qui occupaient les facultés, mettaient toute leur énergie là dedans et n’en avaient plus vraiment pour construire une coordination qui puisse entraîner, peser sur la situation actuelle et leur permettre de gagner.

Alors nous devons tout faire pour sortir cette grève du silence dans laquelle on essaie de l’enfermer, pour que les électriciens et gaziers en grève puissent aller jusqu’au bout de ce qu’ils veulent et gagner.

Aider les grévistes de l’énergie à faire connaître leur grève est un acte hautement politique, le plus politique du moment.

- Par Jacques Chastaing

2) Poussée de grève dans le secteur de l’énergie (Le Monde)

A l’appel de la CGT, une fronde multiforme se déploie depuis plusieurs semaines dans les filiales d’EDF, qui risque de faire tache chez Engie.

C’est un mouvement moins visible que celui des cheminots, mais qui commence à prendre discrètement de l’ampleur. Depuis plusieurs semaines, à l’appel de la CGT Mines-Energie, des grèves et des actions pour « la défense du service public de l’énergie » se multiplient un peu partout dans l’Hexagone. Mardi 19 juin, 150 sites étaient concernés par des grèves ou des blocages, dont plus de 80 chez Enedis (ex-ERDF), filiale d’EDF chargée de la distribution d’électricité, et une trentaine chez GRDF, filiale d’Engie chargée de la distribution du gaz.

D’autres actions ont été menées, comme des occupations de boutiques EDF, ou la réduction de la production dans certaines centrales nucléaires. Mardi, le plus grand barrage hydroélectrique de France, Grand’Maison (Isère), était temporairement à l’arrêt.

Cette fronde multiforme, qui se déploie dans les différentes filiales d’EDF, risque de faire tâche d’huile chez Engie, où les salariés préparent une action contre la privatisation du groupe. « Il y a un socle commun de défense du service public de l’énergie », explique Loïc Delpech, de la CGT « mais il y a aussi des revendications spécifiques qui s’ajoutent localement ou selon les entreprises ». La direction se veut sereine

Ainsi, chez Enedis, le non-renouvellement de 2 500 départs en retraite d’ici à 2021 inquiète la CGT, pour qui il s’agit d’un plan social déguisé. La direction de la filiale d’EDF répond en assurant que l’entreprise continue d’embaucher dans des proportions comparables, tout en expliquant que les métiers ont évolué, et les besoins aussi. Si elle reconnaît que la mobilisation monte en puissance, la direction se veut sereine, estimant que cela ne devrait pas entraîner de coupures d’électricité.

La CGT appelle à une journée plus importante de mobilisation jeudi 21 juin, en agrégeant plusieurs revendications : l’opposition à l’ouverture à la concurrence des barrages hydroélectriques, le maintien des centrales à charbon et plus globalement la renationalisation des entreprises de l’énergie pour revenir au modèle d’EDF-GDF. « On sait très bien qu’on ne gagnera pas demain ou dans trois jours, c’est une bataille d’idées. Mais on pense qu’il est temps d’arrêter l’hémorragie », estime M. Delpech.

Une initiative pour l’instant portée uniquement par la CGT, majoritaire dans le secteur, les autres syndicats ayant décliné, pour l’heure, l’invitation à se joindre à la mobilisation.

1) Energie : 150 sites Enedis et GRDF occupés ou en grève (AFP le 14 juin 2018)

Quelque 150 sites GRDF et Enedis étaient occupés ou en grève jeudi, selon la CGT, qui est mobilisée depuis début avril pour défendre "l’accès aux énergies pour tous" et réclamer "l’arrêt des suppressions d’emplois".

"Ça commence à prendre de l’ampleur", a déclaré à l’AFP Stéphane Tison, responsable fédéral à la FNME-CGT, première organisation syndicale dans l’énergie, qui appelle les salariés à la grève depuis début avril.

Mardi, 80 sites GRDF (filiale d’Engie, fournisseur de gaz) et d’Enedis (filiale d’EDF, fournisseur d’électricité) étaient déjà mobilisés selon lui.

La FNME-CGT défend "l’intérêt général et le besoin d’un service public de l’énergie" mais aussi "la ré-internalisation des activités sous-traitées", une hausse du pouvoir d’achat des salariés et "une reconnaissance des qualifications". Elle proteste également contre la baisse d’effectifs prévue selon elle chez Enedis d’ici 2021 (-2.500 emplois).

Par ailleurs, après le feu vert mardi de Bercy à des cessions d’actifs d’Engie - l’État doit actuellement détenir au moins 30% du capital - le syndicat a estimé dans un communiqué que "l’État abandonne sa souveraineté gazière au marché".

Quatre centrales, dont trois nucléaires sont touchées par le mouvement, avec des baisses de charges, selon le syndicat : Vaires-sur-Marne (77), Saint-Laurent-des-Eaux (41), Dampierre (45), et Cruas-Meysse (07).

À Nanterre, un bâtiment Enedis était bloqué jeudi par 30 à 40 personnes, de source policière. Les manifestants ont installé des chaînes sur les portes et garé des utilitaires devant les accès.

Le site d’aide opérationnel GRDF de Rennes, le plus gros site de Bretagne était également bloqué par une vingtaine de personnes, par roulements. Les pneus des véhicules de service ont été dégonflés et, sur certains, les plaques ont été retirées. "On est installés depuis dix jours et nous sommes partis pour durer", a déclaré Loïc Mace, syndicaliste CGT.

Contactée par l’AFP, Enedis "confirme qu’il y a bien un mouvement social en cours sur plusieurs" sites, et "réaffirme que la continuité du service public de l’électricité est la priorité de l’entreprise".

"Les blocages ou malveillances qui perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise ne sont pas acceptables vis-à-vis de nos clients", a déclaré le groupe dans une communication écrite.

Depuis le début du mouvement, certaines directions locales ont accepté de "rouvrir des postes", ou de "ré-internaliser des activités" mais globalement, "on est toujours sur un simulacre de négociation", a estimé Stéphane Tison.


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