Union européenne. Macron veut des gares de triage pour migrants

mercredi 18 juillet 2018.
 

Un sommet sur les flux migratoires se tenait, hier, avec la participation de 16 États européens. Au même moment, un navire avec 239 migrants ne trouvait pas preneur en Méditerranée.

Bis repetita. Il y a deux semaines, le navire Aquarius, affrété par l’ONG SOS Méditerranée, s’était vu signifier par le ministre de l’Intérieur d’extrême droite, Matteo Salvini, l’interdiction d’accoster dans un port italien. Deux jours durant, 629 migrants avaient été ballottés sur la Grande Bleue. Finalement, ils avaient pu trouver refuge à 1 500 kilomètres de là… à Valence en Espagne, sans que Paris n’ait daigné proposer de les accueillir. La tragédie se répétait hier, et ce n’était malheureusement pas une farce.

Lifeline, le bateau battant pavillon néerlandais d’une ONG allemande, n’a, depuis vendredi, nulle part où débarquer les migrants qu’il a accueillis à bord. Il était posté, dimanche, dans les eaux territoriales maltaises. Matteo Salvini avait refusé qu’il vienne en Italie. L’ONG avait secouru les exilés alors qu’ils étaient sur le point de l’être par les gardes-côtes libyens, prétexte-t-il. Hier, Malte avait envoyé des vivres à bord, sans pour autant accueillir le navire. Le premier ministre maltais, Joseph Muscat, déclarait samedi que l’ONG aurait dû confier les migrants aux gardes-côtes libyens. Le leader de l’extrême droite italienne et le numéro un des travaillistes maltais semblent s’accorder sur l’essentiel : les exilés doivent retourner dans l’enfer libyen, une zone sans gouvernement, quadrillée par des milices et où certains migrants sont réduits en esclavage. De son côté, le premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a déclaré que le navire ne figurait pas dans le « registre maritime » de son pays. Triste spectacle que celui de dirigeants européens qui se renvoient la balle. Un jeu dont dépend le sort de 239 migrants, dont quatre bébés.

C’est pourtant pour éviter ce type d’épisode que la Commission avait convoqué, hier, un mini-sommet informel sur l’accueil des migrants, afin de préparer le Conseil européen de jeudi et vendredi prochains. L’objectif était d’en finir avec les décisions unilatérales telles que celles de Rome, et de définir une méthode commune. Huit pays étaient invités à l’origine. Ils seront finalement seize, d’autres chefs de gouvernement ayant demandé à y participer. En revanche, hostiles à toute relocalisation des réfugiés, les pays du groupe de Visegrad – la Pologne, la Hongrie la Slovaquie et la République tchèque – ont boycotté la rencontre.

«  Mettre en place des centres fermés sur le sol européen »

Le document préparé par la Commission prévoyait initialement une série de mesures, notamment le renforcement de Frontex, l’agence de contrôles aux frontières de l’Union européenne (UE), le renvoi des migrants dans le pays d’entrée dans l’UE où ils auraient dû être enregistrés. Mais, faute d’accord, à l’heure où nous écrivions ces lignes, la réunion d’hier ne devait déboucher que sur un relevé des positions exprimées par les uns et les autres.

De son côté, en amont du mini-sommet, Emmanuel Macron s’était fait à Paris, samedi, en présence du président socialiste du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, le porteur de la position franco-allemande, à laquelle ce dernier s’est rallié. « La proposition que nous voulons faire (...) c’est une solution qui consiste à mettre en place des centres fermés sur le sol européen », a déclaré le chef de l’État. Dans ces « hot-spots », les exilés seraient triés entre demandeurs d’asile, migrants économiques et personnes éligibles à l’expulsion dans leur pays d’origine ou de transit. Les réfugiés seraient ensuite répartis entre pays européens. Emmanuel Macron s’est dit opposé à de tels centres « dans des pays tiers », une suggestion « inacceptable » selon lui, qui émane de l’Autriche et de l’Italie mais aussi d’une partie de la droite allemande. Il envisage des sanctions financières pour les États qui refuseraient d’accueillir des réfugiés. Cela a, de nouveau, fait monter le ton entre Paris et Rome. « Si l’arrogance française pense transformer l’Italie en camp de réfugiés pour toute l’Europe, peut-être en versant quelques euros de pourboire, elle se fourvoie complètement », a déclaré Matteo Salvini. Hier, Emmanuel Macron, muet sur le sort des migrants du Lifeline, réagissait, disant n’avoir « de leçon à recevoir de personne », la France étant « le deuxième pays d’accueil des demandeurs d’asile cette année ». « 650 000 débarquements (en Italie) en quatre ans, 430 000 demandes, 170 000 présumés réfugiés », lui rétorquait Salvini pour justifier une énième fois la fermeture des ports de la péninsule. L’indignité est la chose la mieux partagée des deux côtés des Alpes.

Un sommet pour Merkel

L’objectif d’une mini-rencontre, préalable au Conseil européen des jeudi 28 et vendredi 29 juin, était de répondre aux besoins de la chancelière, Angela Merkel. En Allemagne, celle-ci fait face au diktat de l’Union sociale-chrétienne (CSU), le parti frère de la CDU en Bavière, qui menace de faire exploser la coalition si une politique de fermeture des frontières n’est pas appliquée. Son ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer (CSU), exige une application stricte du règlement de Dublin, selon lequel un migrant peut être renvoyé dans le pays d’entrée dans l’Union européenne et où il est censé déposer sa demande d’asile.

Gaël De Santis, L’Humanité


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message