2 juillet 1910 : L’affaire Liabeuf

lundi 3 juillet 2023.
 

Le 31 juillet 1909, deux agents de la police des mœurs de Paris, connue pour ses abus et ses méthodes arbitraires, arrêtent un homme nommé Jean-Jacques Liabeuf en compagnie d’une prostituée.

Les agents Maugras et Vors soupçonnent l’ouvrier cordonnier de proxénétisme. L’accusé clame pourtant son innocence et se défend catégoriquement d’être un souteneur, ce que la jeune femme qui l’accompagne confirme. Bien que présenté par ses anciens employeurs comme un ouvrier ponctuel et assidu, qui vit honnêtement de son activité, la justice le condamne à 3 mois de prison et 5 ans d’interdiction de séjour dans la capitale pour « vagabondage spécial » (proxénétisme).

Son passé judiciaire ne joue alors probablement pas en sa faveur. En effet, Jean-Jacques Liabeuf né en 1886 à Saint-Etienne et issu d’une famille très modeste, est durant son adolescence condamné à différentes reprises pour des larcins. A 20 ans, il écope de plusieurs mois d’emprisonnement. Suite à une récidive, il est même interdit de séjour dans sa ville natale. Au sortir de son service militaire, il s’installe à Paris et est embauché comme cordonnier. Mais les événements de l’été 1909 vont marquer un tournant dramatique dans la vie de ce jeune ouvrier.

Se sentant humilié, atteint dans son honneur, par cette infâme condamnation pour proxénétisme, il décide de se venger des deux agents qui l’ont persécuté. Il refuse de quitter la capitale et prépare sa vengeance. Liabeuf se procure notamment un revolver et confectionne deux brassards hérissés de pointes. Il porte ces armes sur lui le matin du 8 janvier 1910, quinze jours après sa sortie, lorsque plusieurs agents de la police des mœurs tentent de l’interpeller. Une violente échauffourée éclate. Liabeuf se défend farouchement. Il tue un agent d’un coup de feu et en blesse plusieurs autres avant d’être finalement arrêté. Lorsque s’ouvre son procès, il dit regretter son geste et ajoute « je n’avais de la haine que pour Maugras et Mors ». Il se défend de nouveau d’avoir été souteneur et dénonce l’erreur judiciaire dont il a été victime. Mais le 4 mai, il est condamné à mort. Malgré l’importante mobilisation en faveur de sa grâce, la demande est rejetée par le président Armand Fallières. Liabeuf est guillotiné le 2 juillet 1910. Il déclare avant de monter à l’échafaud : « Ce n’est pas mon exécution qui fera de moi un souteneur. Non, je ne suis pas un souteneur ! ».

Matthieu Lépine


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