A Marseille, Mélenchon tire sur Macron et s’attire la gauche

vendredi 31 août 2018.
 

Des écologistes et des socialistes assistaient ce week-end à la rentrée de La France insoumise. Depuis la motion de censure commune contre le gouvernement, le parti tente le rassemblement .

Dimanche matin à Marseille, sur la place du Colonel-Edon, les drapeaux aux couleurs de la France flottent. Jean-Luc Mélenchon se tient droit, l’air grave, bras le long du corps. A sa gauche, le maire de la ville, Jean-Claude Gaudin. Les gradés du coin participent à une cérémonie en mémoire des anciens combattants. Une sorte de respiration au milieu de la rentrée politique du patron de La France insoumise. Le député revient très vite aux affaires. Il marque une pause devant les micros, les caméras et les stylos. Un mot sur l’actu et le « président des riches », puis un autre sur son nouveau rapport à la gauche. Sous le soleil, il déclare : « Nous devons prendre nos responsabilités et assumer notre centralité. » Sa manière de se placer au cœur du jeu. Mélenchon souhaite « fédérer la gauche au peuple ». Le tout à quelques mois des européennes.

En attendant, il tape sur les annonces du matin d’Edouard Philippe dans le Journal du dimanche en dénonçant la « saignée de l’Etat et des services publics ». Puis il élargit sa critique au quasi-gel de trois prestations (pensions de retraite, APL et allocations familiales) annoncé par le Premier ministre : « Maintenant ça va être terrible, ça va être très dur pour les gens, pas pour lui [Edouard Philippe, ndlr] mais pour ceux qui n’auront plus leurs prestations de toutes sortes », a-t-il dit. Avant de marteler : « Leur budget va être de plus en plus intenable et se faire toujours au même prix, petit à petit l’Etat social se dissout, et l’Etat administratif s’effondre, puisqu’il y a moins d’argent qui rentre dans les caisses, […] avec notamment 4,5 milliards d’euros donnés avec la suppression de l’impôt sur la fortune. »

« Allégeance »

Ce week-end, dans les travées du parc Chanot, on a interrogé les différents dirigeants de La France insoumise sur le changement d’attitude du double candidat à la présidentielle. Ils ont tous parlé du mois de juillet et de la motion de censure commune - avec les communistes et les socialistes - à l’Assemblée nationale, en pleine « affaire Benalla », « une étape importante », disent-ils. Clémentine Autain a également rappelé la présence des députés insoumis lors du pot des socialistes du Palais-Bourbon avant le départ en vacances. Mais le premier pas de l’ex-socialiste en direction de la gauche a eu lieu au printemps. En mai, dans une interview accordée à Libération, il déclarait : « Un peu de bienveillance, est-ce possible ? » Le tribun estime que son score de la présidentielle doit lui valoir le respect et que tout doit se faire autour de lui.

Le premier secrétaire des écolos, David Cormand, ne se montre pas très emballé : « Il ne souhaite pas travailler avec nous, il souhaite qu’on lui prête allégeance. » Qu’importe, aujourd’hui, La France insoumise se dit ouverte au débat mais à condition de ne pas « monter le ton ». « C’est très dur, la violence permanente. Ça n’a aucun intérêt d’être très rugueux », souffle Jean-Luc Mélenchon. Plusieurs socialistes et communistes se frottent les yeux. Un dirigeant du PS : « C’est incroyable, c’est lui qui insulte tout le monde depuis des années et maintenant il se fait passer pour la victime. » Clémentine Autain préfère regarder devant. Et de souligner que « Jean-Luc n’est plus du tout dans une relation conflictuelle, il choisit ses mots pour éviter de crisper ou de blesser ».

« Tambouilles »

En juillet, lors du congrès du Parti de gauche, Mélenchon s’est adressé aux siens dans un long discours à huis clos. Durant près de deux heures, il a indiqué la nouvelle ligne : « Nous ne devons pas être arrogants ou agressifs avec les autres formations politiques. » Dans les rangs insoumis, plusieurs voix s’élèvent : la peur d’un retour à la gauche traditionnelle, la peur des « tambouilles lors des élections ». Le député du Nord Adrien Quatennens calme les anxieux : « Notre objectif est toujours de fédérer le peuple pour arriver au pouvoir. Et nous souhaitons faire venir à nous ceux qui partagent notre combat. » Comprendre : aucune alliance au programme mais des sourires et des gestes pour enregistrer des ralliements. Mélenchon ajoute qu’ils se feront sur le fond : « Si nous ne sommes pas cohérents sur les idées, ça se terminera en lutte entre personnes, en bataille rangée interne. »

Samedi, lors de son discours, le député de Marseille a envoyé quelques bises en direction de la gauche : il ne parle plus de sortir de l’Europe et il a défendu l’accueil des migrants de l’Aquarius. Des gestes pour attirer des nouvelles têtes et élargir la base. La France insoumise a coché un nom en rouge sur sa liste, celui du socialiste Emmanuel Maurel. Alexis Corbière explique : « C’est vrai que ça serait une bonne chose car il partage la plupart de nos idées… » D’ailleurs, Maurel, qui était à Marseille ce week-end, sera de retour dans la cité phocéenne au début du mois de septembre avec le club qu’il vient de fonder, Nos Causes communes. Et Jean-Luc Mélenchon figure sur la liste des invités. Une décision qui a agacé le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. Ce dernier a envoyé un message salé au député européen : « Tu me prends pour un con ? » Posé dans un café, Emmanuel Maurel, qui s’interroge sur son avenir au PS, ne comprend pas. Il explique : « Olivier travaille avec Mélenchon à l’Assemblée et il sait que j’ai toujours été proche des insoumis, que j’ai toujours poussé pour que l’on travaille avec eux, peut-être qu’il fait ça sous la pression de Le Foll et Rebsamen… » Une allusion aux dernières sorties des proches de Hollande, notamment à La Rochelle, lors de la rentrée des élus PS. Ils ont multiplié les coups contre La France insoumise. Mélenchon ? « Un populiste antieuropéen », a déclaré par exemple le patron des sénateurs socialistes, Patrick Kanner.

A Marseille, les insoumis ne répondent pas aux mots. Certains font mine de ne rien entendre. D’autres rigolent. Un député insoumis pose une question à Olivier Faure : « Samedi à La Rochelle, il a proposé d’unir ses voix avec les progressistes dans différents combats, il juge que nous ne sommes pas progressistes ? » Le débat est ouvert.

Rachid Laïreche envoyé spécial à Marseille


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