Service public. La Poste : un pas de géant vers la privatisation

jeudi 6 septembre 2018.
 

Le gouvernement a confirmé que l’État allait cesser d’être actionnaire majoritaire du groupe au profit de la Caisse des dépôts, désormais seul maître à bord.

Un tsunami se prépare à La Poste. Hier, le gouvernement a annoncé le début d’un grand chantier de rapprochement entre la Caisse nationale de prévoyance (CNP) Assurances et La Banque postale. De fait, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), actionnaire à hauteur de 26 % de La Poste depuis 2011, deviendra majoritaire dans le capital du groupe en mettant la main sur une partie des parts détenues par l’État français via l’Agence des participations. En contrepartie, avant la fin 2019, la CDC apportera à La Poste sa participation de 42 % dans CNP Assurances, permettant à l’opérateur postal de récupérer 6 milliards d’euros de fonds propres. C’est via un amendement ajouté dans le projet de loi Pacte, examiné au Parlement en septembre, que l’État deviendra actionnaire minoritaire de La Poste pour la première fois de son existence. Laissant la CDC seul maître à bord. La procédure de privatisation entamée depuis la transformation de La Poste en société anonyme à capitaux publics le 1er mars 2010, suivie d’un grand malaise social face aux bouleversements internes, s’accélère. Présentée par le gouvernement comme une nécessité de trouver des revenus alternatifs à la baisse de l’activité courrier, cette opération poursuit surtout la stratégie de privilégier les activités bancaires et assurance comme locomotives du groupe.

«  C’est un désengagement important de la part de l’État  »

Si le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, affirme que «  la création de ce pôle public financier marque désormais une étape historique dans l’histoire de La Poste, qui a au moins six siècles d’existence  », pour la CGT, qui soutenait ce type de proposition, on est loin du compte. Comme le souligne Alain Barre, administrateur CGT, «  d’accord pour un grand pôle public, mais pas comme ça  ! À quoi va-t-il servir  ? Cela ressemble à un montage financier pour que La Poste obtienne des fonds afin d’augmenter la croissance externe du groupe, notamment pour payer les acquisitions de sociétés de prestations de santé à domicile  » (Psad). De son côté, SUD PTT juge qu’un autre scénario était possible  : «  Il n’y a aucune incompatibilité entre un rapprochement de la CNP et La Poste, l’État pouvant rester majoritaire sans aucune difficulté, sous réserve que ce dernier augmente le capital de celle-ci. Ce ne serait d’ailleurs qu’une juste compensation des 500 millions d’euros qui manquent chaque année dans les comptes de La Poste au titre de l’accomplissement des missions de service public (aide à la personne, accessibilité bancaire et territoriale…).  »

Quant à FO et la CFDT, elles semblent se satisfaire de cette décision, mais la regardent avec «  vigilance  ». Pour Force ouvrière, cette opération permettrait à La Banque postale de devenir «  une vraie banque assurance  ». L’argument de la permanence des capitaux 100 % publics à La Poste, via la montée au capital de la CDC, institution financière publique, n’apaise pas les esprits. «  C’est un désengagement important de la part de l’État, rappelle Alain Barre. La Caisse des dépôts a des exigences de rentabilité. Il n’y a donc aucune garantie de maintien des missions de service public et de l’égalité d’accès postal. Et l’activité courrier existe encore, quoi qu’en dise le gouvernement.  » Pour SUD PTT, c’est aussi «  une supercherie. Que La Poste commence déjà par geler la fermeture des bureaux de poste qui se fait à la cadence de 500 par an  ». Sur 17 000 points de contact dans le pays, seuls 8 500 bureaux sont de plein exercice. Bien loin d’un service public de haut niveau.

Cécile Rousseau, L’Humanité


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