Nucléaire et cancers professionnels au pays de la science et de l’ignorance

lundi 24 septembre 2018.
 

Voyage en « agnotologie », pays de la science et de l’ignorance

En santé publique, ce que l’on demande aux médecins c’est de soigner leurs patients, pas de rechercher les causes de ces maladies. Devant l’afflux toujours plus nombreux de patients atteints de maladies du sang, une équipe du Centre Hospitalier d’Avignon s’est quand même posée la question. Mais un peu d’ignorance en moins sur les causes fait surgir beaucoup de questions embarrassantes.

De la même manière, quand un historien s’intéresse à la silicose, la maladie du mineur, il s’aperçoit que pour plein de « bonnes » raisons, syndicats, patronat, pouvoirs publics ont su « négocier » une ignorance médicale de circonstance. Une ignorance qui fait des milliers de morts, aujourd’hui encore… Avec le nucléaire il va ainsi.

Ainsi depuis des années les autorités refusent de financer une simple étude épidémiologique sur les cancers dans le Vaucluse et autour. Pourtant deux médecins sont prêts à se mettre au travail gratuitement, ils demandent le simple financement d’un poste d’assistante. Fin de non-recevoir de l’Autorité Régionale de Santé et de la Région. Pourtant à l’hôpital d’Avignon ce sont pas moins de 300 cas de cancers du sang qui ont été enregistrés l’an dernier. Et d’autres médecins veulent réaliser une autre enquête épidémiologique sur ces cas. Encore une fois : refus des ministères.

Un fait à noter : la plupart des cancers professionnels sont chez des ouvriers, et non pas chez des cadres. C’est la différence d’espérance de vie selon le milieu social. « Et il est évident qu’un agent de maîtrise, un cadre qui a une connaissance des démarches administratives se débrouillera beaucoup mieux pour faire reconnaître une maladie professionnelle » précise le Dr Benoit de Labrusse (médecin du travail, créateur d’une consultation du risque professionnel à Avignon en 2014, membre de la Société de Médecine du travail, d’Ergonomie et de Toxicologie de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur)

Autre fait notoire : « un certain nombre d’ouvriers refusent de déclarer leurs maladies professionnelles alors qu’ils le pourraient. Quand on les interroge, on a des réponses variées : « ce n’est pas mon travail, c’est le tabac », je ne veux pas mettre en cause mon ancien employeur. Derrière ça, on présuppose aussi que, reconnaître le travail comme étant à l’origine de leur cancer, ça veut dire remettre en cause toute une vie professionnelle. Et ça c’est psychologiquement très difficile » renchérit le Dr Benoit de Labrusse qui assure sa consultation du risque et cancers professionnels à la Maison Sainte Catherine d’Avignon.

« France Culture » a diffusé une série documentaire réalisée par Franck Cuveillier avec la complicité scientifique de Mathias Girel, réalisée par Rafik Zénine. Un Voyage en « agnotologie », pays de la science et de l’ignorance avec : Borhane Slama, chef du service « Oncologie-Hématologie » du centre hospitalier d’Avignon Brigitte Lemeure, médecin du Travail Benoit de Labrusse, médecin du travail Nathalie Jas, historienne et sociologue à l’Institut National de la Recherche Agronomique Eglantine Armand, assistante sociale au Centre Hospitalier d’Avignon Paul-André Rosental, Professeur des Universités à Sciences Po Voyage en « agnotologie », pays de la science et de l’ignorance (1/4) : Quand les industriels nous enfument Voyage en « agnotologie », pays de la science et de l’ignorance (2/4) : Des maladies aux causes invisibles Voyage en « agnotologie », pays de la science et de l’ignorance (3/4) : Quand on préfère ne pas savoir Voyage en « agnotologie », pays de la science et de l’ignorance (4/4) : Financer la science, récolter l’ignorance

Par Jean Revest


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