Eric Coquerel : « La souveraineté populaire est notre obsession »

vendredi 14 septembre 2018.
 

Regards. Avec La France insoumise qui s’impose comme force centrale à gauche, à quoi le PG peut-il encore servir ? Est-il encore utile ?

Eric Coquerel. La France insoumise n’est pas un parti et il me semble que la forme "parti", dans le contexte que nous traversons, est toujours utile et pertinente. Nous avons besoin d’un parti révolutionnaire, internationaliste, écosocialiste et républicain, ce que nous sommes au PG. La France insoumise n’endosse pas toutes ces caractéristiques et n’a pas vocation à intervenir sur tous les sujets de société. La FI est un mouvement citoyen, populaire, qui porte une stratégie politique avec un programme clair - celui que l’on a défendu à la présidentielle et aux législatives. Le PG est un défricheur, un éclaireur sur bien des idées et des formes de mobilisations de la FI. Nous sommes une force de proposition, d’élaboration et d’action.

Qui sont les partenaires du Parti de gauche, avec qui travaillez-vous ?

Nous travaillons avec des centaines de milliers de personnes qui se revendiquent de la France insoumise. La FI rassemble, c’est sa nature, des citoyens dont une part portent de nombreuses sensibilités, socialistes, écologistes, communistes, altermondialistes. Nous travaillons également avec des syndicats, des associations, des mouvements politiques avec qui nous nous retrouvons aussi dans les luttes : le NPA, le PCF, EELV, Génération.s et bien d’autres. Mais notre stratégie politique ne passe pas par un cartel avec eux, elle passe par la France insoumise.

« Il est logique de ne plus appartenir à la même internationale que Syriza. »

Vous avez voté la rupture avec le Parti de la Gauche Européenne (PGE). C’est un tournant pour le PG et ses liens avec la gauche radicale européenne ?

C’est une question de cohérence politique. Le mouvement d’Alexis Tsipras, Syriza, membre du PGE, a décidé de rentrer dans une logique de gestion de l’Europe telle qu’elle existe. C’est un point de rupture important car nous considérons qu’il faut sortir de cette logique d’accompagnement des politiques libérales. Et cela passe par une sortie des traités existants en Europe. Ça n’est pas négociable. Il est logique dans ce cadre, de ne plus appartenir à la même internationale que Syriza. Maintenant le Peuple, est l’alternative en Europe.

Qui sont vos alliés européens qui constituent Maintenant le Peuple ?

Il y a évidemment Podemos et Le Bloco. Avec la France insoumise, nous sommes le trépied de base de cette nouvelle alliance. D’autres forces de gauche nous ont rejoint, avec les mouvements nordiques – de la Suède, de la Finlande et du Danemark. Nous allons continuer de nous agrandir et j’espère à ce titre qu’au moins une partie de Die Linke rejoindra cette alternative. J’ai bon espoir. Mais il faut tout de même relever, qu’à l’exception de Syriza avec qui nous n’avons plus vocation à travailler, la grande majorité des forces progressistes ayant obtenu des scores à deux chiffres sont dans cette alliance.

Sur l’Europe, nombreux à gauche vous accusent d’euroscepticisme, de tentation souverainiste, voire selon Pascal Cherki, proche de Benoît Hamon, « de nationalisme de gauche »…

Ce que nous créons avec Maintenant le Peuple est la preuve que nous avons une vision internationaliste. En revanche, ce qui nous importe le plus dans cette élection, c’est la question de la souveraineté populaire. C’est central. Nous devons rompre avec cette Union européenne antidémocratique. Elle est justement une machine à construire du nationalisme, de la xénophobie et du repli sur soi. On ne veut plus du vieux discours social-démocrate laissant croire qu’on pouvait réformer cette UE dans le cadre de traités libéraux.

Est-ce que votre campagne reposera sur l’idée du plan A et du plan B ?

Au fond, quelle sera notre ligne ? Il n’est pas question d’abandonner l’idée du plan B. Pour autant, le plan A / plan B est une méthode concrète, celle que nous engagerons quand nous gouvernerons le pays. Ici il s’agit d’élire des député-e-s européen-ne-s, pas de décider du prochain gouvernement. Nous allons cependant conduire une campagne sur l’idée de rupture. Il ne s’agit pas de dire qu’on n’est opposé à la construction européenne, il s’agit de dire que ça n’est plus possible dans le cadre des traités existants. Emmanuel Macron va mener une campagne claire sur toujours plus d’intégration européenne. Marine Le Pen et ses alliés feront campagne sur une base nationaliste et xénophobe. Nous, nous devons être la troisième voie : celle d’une rupture progressiste avec l’actuelle UE au service d’une véritable coopération européenne, d’une Europe des peuples.

Plusieurs militants LFI, dont les socialistes insoumis, ont émis des réserves sur la constitution des listes aux européennes. Il y aurait trop de membres du PG sur ces listes. Qu’en dites-vous ?

Que ça n’est pas la réalité. Le PG n’a pas pesé plus que d’autres sensibilités sur sa composition. S’il y a des personnalités PG parmi les premiers noms qui ont circulé, ça n’est pas tant pour leur qualité de membre du PG que pour leur engagement de longue date au sein de la FI et leur compétence. On verra quelle sera la liste définitive, que je ne connais pas au moment où je vous réponds, mais je pense surtout que nous devons constituer des listes efficaces. C’est ce qui doit être privilégié. Nous ne sommes pas un cartel : bien sûr, il faut que la liste reflète ce qu’est FI mais nous devons surtout envoyer au parlement européen des représentants aussi divers par leur parcours professionnels et profils sociologiques que ce que nous avons fait à l’Assemblée nationale.

« Nous n’avons plus aucune discussion avec la direction du PCF. Les européennes vont être une élection de clarification. »

Jean-Luc Mélenchon a semblé tendre la main à Benoît Hamon ce week-end. Vous cherchez toujours à nouer des alliances pour ces élections européennes ?

Le message envoyé à Benoît Hamon ce week-end ne visait pas particulièrement les européennes. L’objectif est d’ouvrir une nouvelle période, de convenir d’un pacte de non-agression et de nous mettre en situation de prendre le pouvoir dans les années à venir. Au-delà de la question européenne, qui nous divise sur le fond si j’en crois les dernières positions de Génération.s, il y a d’autres élections à venir dans lesquelles nous pourrons nous retrouver. Je pense aux municipales notamment qui par nature implique des rassemblements, ne serait-ce qu’au deuxième tour, si on veut diriger des villes. Il ne faut pas injurier l’avenir. Discutons et stoppons les polémiques vaines. C’était le sens du message de Jean-Luc associé à la proposition faite au député Régis Juanico de rejoindre LFI plutôt que de rester avec le PS.

Et avec le PCF, il y a des discussions ?

Nous n’avons plus aucune discussion avec la direction. Les européennes vont être une élection de clarification. Nous ne savons pas ce que veut le PCF à ce stade. Il discute avec EELV et Génération.s. Mais on ne sait pas s’il veut sortir des traités. S’il reconnaissait que le rapport de force et la dynamique sont actuellement en faveur de la France insoumise et s’il proposait une sortie claire et assumée des traités existants, nous pourrions discuter ensemble. Mais il ne se situe pas dans cette logique-là. On n’a parfois l’impression que les forces de ce que nous avons appelé "l’autre gauche" sont embarrassé que dans le paysage politique un mouvement progressiste ait émergé et soit donc en capacité de devenir le pivot d’une majorité à l’avenir. A bien y réfléchir c’est plutôt une chance pour tout le monde. C’est mieux que la situation à l’italienne non ?

Comment voyez-vous l’avenir de La France insoumise ?

La Fi est un outil, celui de la révolution citoyenne et de la conquête du pouvoir. Il nous a donné de belles conquêtes : les 20 % de Jean-Luc Mélenchon et notre groupe parlementaire. Sa forme évoluera-elle à l’avenir ? Vers un Front populaire, un très grand parti organique ou gardera-t-il pour longtemps sa forme de mouvement citoyen actuel ? On verra selon l’évolution du rapport de force qui joue grandement sur le niveau de conscience du peuple. Il ne faut pas fétichiser la forme. Il faut se battre pour maintenir l’objectif d’une implication citoyenne toujours de plus en plus importante. Au fond c’est toujours la même priorité sur laquelle nous avons à nous organiser : la souveraineté populaire est notre obsession. Elle conditionne tout le reste. Si nous indiquons les moyens de la reconquérir sur les marchés et la finance alors nous convaincrons une majorité de nous appuyer.


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