Tollé en Autriche après la missive du ministre de l’Intérieur pour contrôler la presse

lundi 8 octobre 2018.
 

Un e-mail du ministre de l’Intérieur, issu de l’extrême droite, fait bondir le pays : la police y est priée de “limiter” l’accès des journalistes trop critiques à l’information.

Comment se porte la liberté de la presse en Autriche  ? Pas très bien, à en croire un courrier électronique issu du ministère de l’Intérieur.

Lundi 24 septembre, un e-mail envoyé la semaine précédente aux services de communication des directions de la police autrichienne a été transmis à plusieurs quotidiens. Le ministère, dirigé par un membre du parti populiste de droite FPÖ, Herbert Kickl, y suggère aux fonctionnaires de limiter l’accès aux informations de certains médias critiques.

“Malheureusement certains médias fournissent plus que jamais une couverture très partiale et négative du ministère de l’Intérieur et de la police”, peut-on lire dans le document classé secret, qui cite nommément les quotidiens Der Standard, Kurier et l’hebdomadaire Falter (dont le rédacteur en chef a tweeté le mail ci-dessus). C’est pourquoi il se permet de “proposer de limiter la communication avec ces médias au strict nécessaire prévu par la loi et de ne pas leur accorder de récompense, par exemple une exclusivité, à moins qu’ils ne garantissent un article neutre, voire positif.”

Il s’agit là d’une “suggestion” et non d’un ordre, précise le ministère, qui ne s’arrête pas là.

Dans un souci de “transparence”, il souhaite également que, lorsque la police communique au sujet d’un délit, elle mentionne la nationalité d’un éventuel suspect, et qu’elle précise, le cas échéant, si celui-ci est en séjour régulier ou irrégulier. De quoi faire bondir la presse autrichienne.

Le ministre révèle sa conception de l’État

Pour Der Standard, l’un des quotidiens visés par le ministère, ce courrier est une attaque directe à la liberté de la presse.

Les rapports entre les médias sérieux et le FPÖ sont tendus, pour dire les choses prudemment. Pour dire les choses moins prudemment : les Bleus [le FPÖ] considèrent les journalistes critiques comme leurs principaux ennemis et les qualifient par exemple d’‘auteurs ultragauchistes’ œuvrant pour les ‘médias du système’.”

Avec ce document, estime Kurier, le ministre a dévoilé sa conception autoritaire de l’État. “Kickl se construit sa propre couverture médiatique, en employant aux frais du contribuable des équipes de tournage qui louent son action sur le site du ministère ou sur Facebook. Dans le même temps, il veut empêcher les bons journalistes de faire leur travail”, écrit le journal.

Demander aux puissants de rendre compte de leurs actions, c’est le rôle de médias libres dans un monde libre. Limiter cette possibilité, c’est limiter la liberté, c’est en fait vouloir un autre système politique.”

L’opposition interrogera Herbert Kickl mercredi au Parlement. Le chancelier Sebastien Kurz, en déplacement à New York, a rappelé son ministre à l’ordre en affirmant que les institutions gouvernementales étaient responsables d’assurer la liberté de la presse.

Courrier International


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