Arabie saoudite. L’affaire Khashoggi provoque une tempête diplomatique

mercredi 17 octobre 2018.
 

« Si l’Arabie saoudite est responsable, il y aura un châtiment sévère.  » Cette sentence lapidaire prononcée samedi par Donald Trump en pleine affaire Khashoggi sonne comme une petite révolution dans les rapports feutrés qu’entretiennent Washington et Riyad depuis de longues années. En cause  : les atermoiements du prince héritier Mohammed Ben Salmane, dit MBS, sur la mystérieuse disparition – et le meurtre probable – du journaliste saoudien Jamal Khashoggi le 2 octobre dans les locaux mêmes de son propre consulat à Istanbul. Alors que le jeune monarque – dans une posture de défi – proposait aux autorités turques de venir fouiller le consulat vingt-quatre heures à peine après le début de l’affaire, dix jours plus tard, aucun enquêteur n’a encore eu la possibilité d’entrer dans les locaux de la mission diplomatique. Samedi, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, a réitéré aux autorités saoudiennes une demande de perquisition dans le consulat. Une requête restée lettre morte. Médias états-uniens et britanniques contre le royaume salafiste

À une semaine de l’ouverture à Riyad du Davos du désert – saison 2 du «  Future Investment Initiative  », regroupant les principaux acteurs de la finance internationale –, cette obstruction flagrante à l’enquête a d’ores et déjà des répercussions. Des partenaires économiques de poids se sont clairement positionnés contre le royaume salafiste. À commencer par une dizaine de médias états-uniens et britanniques, qui ont voulu marquer le coup dans une affaire concernant un de leurs confrères. Dans les colonnes du Washington Post, Jamal Khashoggi, exilé aux États-Unis en 2017, était en effet l’une des plumes les plus acérées à l’encontre du prince Ben Salmane dont il fustigeait les politiques menées au Yémen et au Qatar. Aussi le Financial Times, le New York Times, The Economist et le Los Angeles Times ont-ils décidé de boycotter l’événement, de même que les chaînes américaines CNN ou Bloomberg, partenaire officiel de ce sommet. Un coup dur pour MBS, pour qui cette rencontre devait servir de projecteur afin d’attirer les investisseurs étrangers pour assouvir certains de ses fantasmes. Parmi lesquels la construction de la cité futuriste Neom, paradis pour très riches planté en plein désert, au coût exorbitant de 500 milliards de dollars. D’importants partenaires que ce projet intéressait au premier chef ont ainsi décliné l’invitation. C’est le cas du milliardaire britannique Richard Branson. Le fondateur du groupe Virgin, qui fut en 2017 un participant enthousiaste de la première mouture de ce Davos des sables, a même annoncé sa décision de geler plusieurs projets en cours avec Riyad. D’autres acteurs, plus prudents, ont décidé d’attendre pour prendre parti. Le géant allemand Siemens, par exemple, n’a pas encore annulé sa participation mais le groupe, comme d’autres multinationales, a fait savoir qu’il «  surveillait la situation de près  ». Autrement dit, leur présence est aujourd’hui indexée à la manière dont le royaume des Saoud saura faire la lumière sur cette disparition. Ces dernières heures, les autorités turques continuent d’avancer l’hypothèse du meurtre. Des enregistrements sonores récupérés par Ankara prouveraient que Jamal Khashoggi aurait bien été assassiné dans le consulat. D’aucuns parlent également d’un interrogatoire et de tortures perpétrées par une quinzaine de membres des services secrets saoudiens, qui auraient fait l’aller-retour Riyad-Istanbul dans la journée du 2 octobre. Le corps du journaliste aurait été ensuite découpé avant d’être transféré par avion dans des caisses hors du pays.

À l’heure actuelle, l’Arabie saoudite nie toute implication dans cette affaire, qui commence à lui coûter très cher. Au cours des deux dernières séances boursières – jeudi et dimanche –, le marché saoudien a perdu 50 milliards de dollars de capitalisation. Seule bonne nouvelle pour le royaume perdu au cœur d’un marasme diplomatique de plus en plus pesant  : l’assurance de pouvoir continuer une guerre sans fin au Yémen. Malgré les menaces, Donald Trump a en effet rappelé, concernant l’éventuel arrêt de ventes d’armes à Riyad, que Washington n’était pas encore prêt à franchir le pas. «  Je pense en fait que nous nous punirions nous-mêmes si nous faisions cela  », a subtilement relevé l’hôte de la Maison-Blanche Stéphane Aubouard


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