Pollutions : Des microplastiques détectés dans les excréments humains

mercredi 31 octobre 2018.
 

Nous mangeons, et donc déféquons, du plastique. C’est la conclusion d’une étude sur la contamination de la chaîne alimentaire.

Nous mangeons, et donc déféquons, du plastique. C’est la conclusion majeure d’une étude au protocole simple et pourtant inédit, présentée mardi 23 octobre au congrès de l’Union européenne de gastro-entérologie qui se tient à Vienne, en Autriche.

Elle montre, à partir d’analyses conduites sur des individus recrutés dans six pays européens ainsi qu’au Japon et en Russie, la présence généralisée de microplastiques dans leurs selles. Exploratoire, l’étude n’a porté que sur huit personnes bien portantes, mais vivant dans des pays différents (Italie, Finlande, Pologne, Royaume-Uni...) à des latitudes diverses (de la Sibérie au pourtour méditerranéen), aux régimes alimentaires variés.

Cela suffit à Philip Schwabl (université de médecine de Vienne, Autriche) et à ses coauteurs de l’Agence autrichienne de l’environnement, pour suspecter qu’au moins la moitié de la population mondiale porte, dans son système digestif, des microparticules de différentes matières plastiques. Et vraisemblablement bien plus.

Tous les échantillons analysés se sont révélés positifs : au minimum, 10 grammes de fèces contiennent dix-huit microparticules de plastique, le maximum étant de 172, et la médiane située à vingt… Plus surprenant, presque tous les types de plastiques recherchés ont été retrouvés. Du polypropylène (PP) et du polytéréphtalate d’éthylène (PET) ont été identifiés dans tous les échantillons, les autres matières les plus fréquemment retrouvées étant le polystyrène (PS), le polyéthylène (PE) et le polyoxyméthylène (POM).

Au total, neuf des dix types recherchés ont été retrouvés dans au moins un échantillon, et chacun d’eux en contenait entre trois et sept. Quant à la taille des microparticules découvertes, elle est très variable et se situe entre 50 microns et 0,5 millimètre.

Les miels contaminés

Les sources de ces contaminations n’ont pas été investiguées en détail par les auteurs. « Cette question est difficile en raison de la petite taille de l’échantillon de population étudié, expliquent les auteurs dans un message transmis au Monde. Il est aujourd’hui estimé que 2 % à 5 % du plastique produit finit dans les océans. Or une fois dans la mer, il est consommé par les animaux marins, entre dans la chaîne alimentaire avant de finir, en dernier ressort, consommé par les humains. » De fait, sur les huit personnes choisies pour participer à l’enquête, six avaient consommé des produits de la mer au cours de la période d’étude.

Ce n’est pas tout. « Il est hautement probable qu’au cours des différentes étapes de sa confection, mais aussi de son emballage et de son conditionnement, notre alimentation soit contaminée par des plastiques », ajoutent les auteurs.

De plus, tous les participants de l’étude avaient aussi bu de l’eau dans des bouteilles en plastique, généralement en PET, matériau retrouvé dans tous les échantillons analysés…

Le caractère généralisé de la contamination de l’environnement par le plastique est difficile à percevoir ; les voies d’exposition à ces contaminants peuvent être surprenantes. Une étude allemande de 2013 a montré ainsi que, sur dix-neuf échantillons de miels produits en Allemagne, en France, en Espagne ou au Mexique, tous contenaient des microplastiques. En 2014, l’association 60 millions de consommateurs a reproduit l’étude sur douze miels produits en France : ils étaient tous contaminés.

La question non tranchée des effets sanitaires

Ces dernières années, la présence de microplastiques dans l’environnement et la chaîne alimentaire a été au centre d’une intense activité scientifique. Gros poissons pélagiques de Méditerranée, coquillages (moules en particulier), cachalots, crevette grise de la mer du Nord, phoques, amphibiens… Tous les organismes testés se révèlent généralement positifs.

La question des effets sanitaires de cette contamination de leur alimentation sur les humains est loin d’être tranchée. « A l’heure actuelle, il n’existe pas d’études menées sur l’être humain pour répondre à cette question importante, expliquent les auteurs. Cependant, des études sur les animaux montrent que des microplastiques sont capables d’entrer dans la circulation sanguine, le système lymphatique, et peuvent même atteindre le foie. De plus, chez l’animal, il a été montré que ces microplastiques peuvent causer des dommages sur le système digestif en remodelant les villosités intestinales [les replis de la muqueuse de l’intestin grêle], en produisant du stress hépatique et en perturbant l’absorption de fer. »

Stéphane Foucart


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