Macronisme : Le peuple prend alors la figure de l’ennemi

lundi 11 février 2019.
 

C’est une présomption ancienne que l’intérêt général coïncide avec l’intérêt du grand nombre. La démocratie en découle. A contrario, l’oligarchie aussi. En un mot comme en cent : « On n’est jamais si bien servi que par soi-même. » Si l’intérêt du peuple est la redistribution des richesses, on comprend que ceux qui l’interdisent au sommet de l’État n’y aient tout simplement pas intérêt. Car leurs donneurs d’ordre ne sont pas le peuple.

Le peuple prend alors la figure de l’ennemi. Un ennemi que l’on combat par tous moyens. Par la force d’abord. La violence des moyens utilisés dans les opérations de maintien de l’ordre durant les manifestations du samedi est attestée par l’ampleur et la gravité des blessures constatées : une personne a été tuée par une grenade lacrymogène reçue en plein visage, quatre ont eu la main arrachée par des grenades GLI F4, vingt ont été éborgnées par des balles de LBD 40 et grenades de désencerclement, une personne a perdu définitivement l’audition à cause d’une grenade. « Des blessures de guerre », déplore un neurochirurgien. Le Conseil d’État passe l’éponge sur les LBD40 la veille de l’Acte XII justement dédié aux victimes de ces violences policières. L’oligarchie est bien gardée.

Par la punition et l’intimidation judiciaires ensuite. Les avocats dénoncent le traitement judiciaire expéditif et à charge des affaires dans lesquelles des Gilets jaunes sont impliqués : dissuasion de recourir à un avocat, comparutions immédiates systématiques, contrôles judiciaires excessifs, représailles contre des avocats de Gilets jaunes et plaintes sans suite contre les forces de police. Qu’on se souvienne qu’en Ve République la magistrature est une autorité, pas un pouvoir à part entière susceptible de faire contre-poids.

Par l’aggravation des lois de contrôle social et de limitation des libertés publiques aussi. La « loi anti-casseurs » en discussion au Parlement est un festival comparable aux mesures de lutte contre le terrorisme : interdiction préfectorale de manifester « à toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public », aggravation des mesures de pointage ou de zonage – prison ferme à la clé –, extension du fichier des personnes recherchées à des manifestants, création d’un nouveau délit de dissimulation du visage en manifestation lourdement sanctionné et insertion d’une peine d’interdiction de manifester pouvant aller jusqu’à trois ans.

Par la bataille culturelle enfin. Les médias dominants procèdent par disqualification des opposants, arguments d’autorité et valorisation des seules figures complaisantes avec le pouvoir.

Certains diraient qu’on a affaire ici à un cas d’école de la stratégie du choc où, pour faire advenir des réformes structurelles hostiles au grand nombre et que les procédures habituelles de la négociation rejettent, le recours à la violence est nécessaire puisqu’elle n’est plus légitime.

Charlotte Girard


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