Macron ou la Verbigération, maladie juvénile du politique

jeudi 9 mai 2019.
 

Il est dommage que le mot « verbigération » soit aussi attribué aux symptômes de certaines maladies mentales. Sinon on l’utiliserait avec moins de réserve. Notamment dans le cas qui nous occupe avec la conférence de presse d’Emmanuel Macron. Je tiens le mot de Younous Omarjee, l’eurodéputé insoumis. On m’a dit qu’il avait fait florès sur les réseaux sociaux. Évidemment, Emmanuel Macron n’est nullement malade mental (zut ! les putaclics médiatiques sont frustrées d’un titre racoleur). La verbigération est une sorte de dérèglement qui conduit la personne concernée à répéter comme en boucle une formule toute faite à tout propos et davantage encore hors de propos. Dans le cas d’Emmanuel Macron, ce jour-là, ce fut « très profondément ». À toutes les sauces. Aveu involontaire d’une sincérité décidément enfouie dans les profondeurs. La verbigération est aussi un dérèglement où les phrases se suivent sans lien entre les sujets et jusqu’au point de n’avoir plus de sens. J’ai souvent observé des comportements de ce type dans la bouche de nouveaux militants qui m’affrontaient sans maîtriser la cohérence de la doxa qu’ils m’opposaient. Les phrases toutes faites semblaient sortir toutes seules comme d’une sorte de catalogue dont ils auraient sauté des pages d’une phrase à l’autre.

Tel fut Macron avec cette enfilade de propositions décousues et sans lien entre elles jusqu’au point où elles finissaient par contredire des décisions déjà prises sur les sujets évoqués. Ainsi ce tragique comité destiné à « faire des propositions sur la transitions écologiques » dont les membres seront tirés au sort ! La confusion est désormais totale. Outre que c’est rayer d’un trait de plume tout le travail fait dans ce domaine dans les assemblées parlementaire, et par le Grenelle de l’environnement, c’est surtout dire que le ministre et son ministère ne servent à rien. Sur ce point, c’est juste une confirmation. Mais sinon, pour le reste, quelle confusion ! Car le même Macron a déjà créé en décembre et réuni en janvier un Comité citoyen sur le climat dont le décret de création n’est pourtant toujours pas paru. Le nouveau bidule s’appelle « Conseil de défense de l’environnement ». C’est à pleurer tellement c’est bête au milieu de tout ce qui existe déjà et se meurt de la même maladie : le mur des lobbys et la panne de financement.

Au total, une cacafouilla géante. Le décor se retourna contre celui qui l’avait imaginé. La salle des fêtes de l’Élysée, la table et le dispositif du général de Gaulle. Pour la première fois, l’habit paraissait vraiment trop grand. On imagine de Gaulle répondant à la crise algérienne par une liste de mesures à propos de l’accès à la plage de Staouëli, le village de ma mère, à côté d’Alger ! Tel fut Macron. Qui aurait dit qu’il s’imaginerait conclure le mouvement des gilets jaunes en décidant de supprimer l’ENA ! Pour palier la crise de la démocratie ? Diminuer le nombre de députés. Pour combattre l’injustice fiscale ? Diminuer la cotisation des premières tranches de l’impôt sur le revenu. Comme on le sait, ce ne sont pas les perles qui font le collier mais le fil. Ici, tragiquement, il n’y en avait pas. Mieux vaut en sourire, avant de réaliser que pour n’avoir pas donné une porte de sortie à la crise politique que connaît le pays, Macron l’a aggravée. Quelle expression prendra cette aggravation, voilà ce que nous ne savons pas pour l’heure. Mais il est certain qu’elle aura son heure et sa forme proportionnée au flop qu’a été la sortie du « grand débat ».


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