Enorme marche pour le climat à Bruxelles : « Nous sommes inarrêtables ! »

mercredi 29 mai 2019.
 

Le cortège semble interminable le long des rues grises et aseptisées du centre de Bruxelles. Drapeaux français, belges, polonais, allemands, européens sont brandis au-dessus de la foule, alors qu’un groupe de jeunes survoltés saute sur place en criant en anglais : « Nous sommes inarrêtables ! Un autre monde est possible ! »

Vendredi, pour cette énième grève internationale pour le climat, lancée à l’appel de l’adolescente suédoise Greta Thunberg, 1,6 million de personnes ont défilé dans 1 500 rassemblements organisés dans 118 pays, selon les organisateurs. A Bruxelles, la mobilisation a une portée unique, à deux jours de la fin d’un scrutin qui pourrait voir les écologistes gagner de nombreux sièges au Parlement européen. Et des législatives nationales pour lesquelles le parti écologiste occupe la première place dans les sondages.

Sous la chaleur écrasante de cette fin de mai, les bouilles juvéniles côtoient les cheveux grisonnants. Tous les âges, toutes les régions scandent les slogans habituels : « Qu’est-ce qu’on veut ? La justice climatique. Quand ça ? Maintenant ! », exigeant que la lutte contre le dérèglement planétaire devienne une priorité politique. « Nous sommes venus avec des camarades de classe de ma fille et deux de leurs enseignants, explique Antonella, la mère de Hobbes, 10 ans, qui promet d’aller voter dimanche. C’est la dixième marche que suit ma fille avec ses amis. » Une planète accrochée sur son serre-tête et le mot « végan » inscrit sur le front, la petite Flamande lance : « Je suis ici pour protéger le climat. J’ai décidé de devenir végane parce que les animaux sont très importants, je ne veux pas manger mes amis. »

Les très jeunes sont nombreux à avoir raté l’école vendredi. Comme Alex, 10 ans, une jupe fleurie à volants et une voix déterminée. Originaire de Dublin, elle lance, dans un français étonnamment bon : « Je suis ici parce que le climat change et les politiciens ne font rien. J’ai fait entre 10 et 20 marches pour le climat cette année. » Le message sur sa pancarte colorée ? « Les dinosaures pensaient qu’ils avaient le temps avant de mourir, détaille-t-elle. Ils ne savaient juste pas qu’une météorite arrivait. Mais, pour nous, quelle est notre excuse ? »

A l’autre bout de l’échelle des âges, le groupe des « grands-parents pour le climat » est aussi venu en nombre. L’air tranquille et la démarche chaloupée, Marlene et Joss, 58 ans et 64 ans, ont quitté leur maison près de Malines, au nord de Bruxelles, pour représenter leur famille. « C’est très important d’être là deux jours avant le scrutin, dit la femme avec un fort accent flamand. Nous portons une responsabilité vis-à-vis de nos petits-enfants. Pour nous, les changements du climat ne seront pas trop dramatiques. Dans trente ans, on sera morts. Nos petits-enfants, eux, seront vivants. »

Plus optimiste, Kyra Gantois, une des deux organisatrices de la marche, cheveux dorés et anneau à la narine droite, (lire notre portrait dans Libération du 24 mai), se réjouit : « Nous sommes 10 000 dans les rues de Bruxelles, je suis si heureuse d’avoir réussi à réunir autant de monde. » Même si cela reste loin des 75 000 personnes qu’elle avait réussi à mobiliser le 27 janvier, avec son acolyte Anuna de Wever. Jésus

Beaucoup dans le cortège espèrent tout de même que leur mobilisation, vendredi et samedi, poussera leurs concitoyens à aller voter dimanche, de préférence avec le climat en tête. Une motivation justifiée alors que 80 % des lois nationales concernant l’environnement sont décidées au niveau européen. Et que l’abstention risque d’être, une nouvelle fois, élevée dimanche dans l’UE, surtout chez les jeunes. En 2014, près de 70 % des 18-24 ans n’ont pas déposé de bulletin dans l’urne.

Pour Nahia Briault et Margot Peña, 17 ans, c’est une grande frustration. Représentantes de Youth for Climate France, elles ont débarqué spécialement de Bayonne et Biarritz pour « tenter de faire une différence » alors qu’elles ne pourront pas voter dans deux jours. « Ce sont les dernières élections européennes avant qu’il ne soit trop tard », assène Nahia, un immense drapeau français à l’épaule. Piero Amand, 19 ans, membre du mouvement de jeunes belges Génération Climat, se projette lui au-delà des élections. « Ce n’est pas un fin en soi, assure-t-il. On n’attend pas grand-chose du monde politique, surtout après avoir dialogué avec des ministres. Ce qui n’a abouti qu’à un projet de loi non contraignant sur le climat, finalement bloqué par les conservateurs. Notre salut ne peut venir que d’un changement complet de système économique et politique. » L’idée d’un possible futur effondrement n’est jamais loin dans le cortège. Sous une pancarte « Winter is not coming » (une référence à Game of Thrones), on croise même un homme déguisé en Jésus. Sur sa croix, cette inscription : « Ne comptez pas sur moi cette fois. »


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