Face à une défaite historique, le parti Les Républicains s’interroge sur son avenir

mardi 4 juin 2019.
 

La liste menée par François-Xavier Bellamy n’a récolté que 8,5 % des voix, dimanche. Certains estiment que le parti de Laurent Wauquiez doit « se redéfinir idéologiquement de A à Z ».

Les résultats s’affichent, puis plus rien. Le silence. L’incompréhension. Un « Oh là là là » fuse parmi les rangs des militants venus assister à la soirée électorale des européennes, au siège parisien du parti Les Républicains (LR), rue de Vaugirard (15e arrondissement).

La mine déconfite, ils n’en croient pas leurs yeux ; le chiffre, sur l’écran, est catastrophique : la liste de droite n’a récolté que 8,3 % des voix, selon les premières estimations (8,5 % selon les chiffres définitifs) et se place en quatrième position derrière Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Une plongée inédite dans les limbes de la politique française pour une formation qui l’a longtemps dominée.

Jusqu’au bout, les militants ont pourtant cru pouvoir faire mentir les sondages qui les plaçaient à environ 13 %. Aller encore plus haut pour prouver que la famille LR pouvait incarner une alternative, être un parti capable, une fois reconstruit, de gouverner de nouveau. Mais il n’en fut rien. Les salles bien remplies des meetings et le « ressenti favorable » qu’avaient eu nombre d’élus sur le terrain les auront trompés jusqu’au bout sur le véritable poids politique de LR. Idem pour l’adhésion soulevée par François-Xavier Bellamy, le jeune philosophe conservateur, tête de liste inattendue qui n’aura pas apporté le vent de nouveauté tant espéré.

« Il nous faut un électrochoc »

Loin d’avoir remonté la pente après une élection présidentielle qui l’avait laissé exsangue malgré les 20 % de François Fillon au premier tour, le parti de droite apparaît aujourd’hui plus en danger que jamais. « Ce n’est pas une remontada, c’est un toboggan… », glissait, effaré, un cadre, dimanche soir. « Le score est catastrophique, c’est d’autant plus regrettable que nous avons fait une bonne campagne. Nous avons été, comme d’autres partis, victimes de ce duel entre LRM [La République en marche] et le RN [Rassemblement national], mais aujourd’hui il nous faut un électrochoc », commente pour sa part Julien Aubert, député de Vaucluse.

Désireux d’atténuer la responsabilité directe de leur parti et de ses membres dans cette bérézina, nombreux sont ceux qui se disent avant tout victimes du « double vote utile et de cette tentative de bipolarisation de la vie politique française », comme le fait remarquer Damien Abad, député de l’Ain. Mais, une fois la rhétorique antimacroniste passée, tous le reconnaissent : il y a péril en la demeure pour LR, qui risque purement et simplement de disparaître. « Comment se fait-il que nos salles soient pleines et nos urnes vides ? », s’interroge ainsi M. Abad, pour qui la droite doit « se redéfinir idéologiquement de A à Z ».

Car pour lui, comme pour de nombreux autres, la formation emmenée par Laurent Wauquiez a un problème bien identifié depuis dimanche soir, celui de la ligne. Une vision trop droitière « désavouée », trop conservatrice, trop concentrée sur une frange réduite de son électorat : voilà les critiques qui fusaient, quelques minutes à peine après la publication des résultats, à l’encontre du corpus idéologique souhaité par Laurent Wauquiez.

« Le discours de Wauquiez aura permis de sauver le socle, mais sans élargir », regrette ainsi un élu. « C’est une déroute qui s’explique par une ligne étriquée, celle d’une vieille droite qui n’a pas d’avenir et qui s’enferme dans une caricature d’elle-même, notamment sur les questions de société », lâche un autre, amer.

Refonder et clarifier

Et maintenant ? Sur Twitter, Guillaume Peltier, député de Loir-et-Cher, a suggéré que le parti devait « tout refonder et tout rebâtir. En présentant des idées vraiment nouvelles, en nous élargissant et en parlant enfin aux Français ».

Refonder et clarifier la ligne. Changer de cap. Après cette nouvelle défaite, de nombreux élus veulent maintenant voir la maison LR se « recentrer » pour récupérer « les électeurs flottants, séduits par Emmanuel Macron ». Selon eux, la formation de droite doit renouer, notamment, avec les questions économiques et sociales qu’elle a délaissées au profit des thématiques « civilisationnelles ». En somme revenir, comme l’indique Damien Abad, « aux fondamentaux de la droite qui nous ont permis de gagner du temps de Nicolas Sarkozy, parler de handicap, d’écologie, de dépendance, de fracture territoriale… »

Sénateur de Vendée et président du groupe LR au Palais du Luxembourg, Bruno Retailleau souhaite lui aussi une transformation : « Nous sommes à la croisée des chemins. Soit nous sommes capables de nous remettre en question, soit nous disparaissons », avertit-il.

Pour phosphorer autour d’une nouvelle « organisation et d’une ligne claire », l’élu a lancé un appel à tous les ténors du parti : Valérie Pécresse, Gérard Larcher, Laurent Wauquiez, mais aussi à des personnalités extérieures comme Hervé Morin et Xavier Bertrand. Dimanche soir, les poids lourds ont multiplié les prises de contact pour « réfléchir », explique l’un d’entre eux, « à la façon dont il va falloir gérer les choses à partir de maintenant pour sauver LR ».

Wauquiez ne semble pas vouloir lâcher la barre

Pour l’instant, aucun détail concret sur les modalités de cette « réflexion » n’a émergé. Mais une question sera dès demain sur toutes les lèvres, qui devra être tranchée par cet aréopage d’élus : celle de la présidence du parti. Devant les micros, tous affirment qu’il ne faut pas « personnaliser la question », « ne pas chercher de bouc émissaire ». Bruno Retailleau prévient « qu’aucun destin individuel ne saurait prospérer sur les décombres » de la droite. Mais, en off, certains n’ont pu s’empêcher de se demander comment Laurent Wauquiez pourrait survivre à une telle débâcle.

Après tout, n’est-ce pas lui qui a décidé d’incarner cette ligne ? Qui a choisi un François-Xavier Bellamy, bon en meeting, mais incapable de transformer l’essai dans les urnes ?

Intervenu quelques minutes après la publication des résultats, le patron du parti ne semble en tout cas pas vouloir lâcher la barre du vaisseau LR de sitôt. « Nous avons trois ans pour faire naître de l’espoir », a-t-il déclaré. « C’est trop tôt pour tirer les conclusions, rien ne doit être décidé dans l’urgence, mais rien ne doit être éludé non plus », tente de tempérer l’eurodéputé sortant Brice Hortefeux.

« Quand on fait un score aussi catastrophique, on n’attend pas que les autres vous poussent dehors, on démissionne », répond un élu furieux contre le président de son parti. D’autant, rappelle-t-il, que les municipales se profilent, et que, pour survivre, LR doit garder un maillage serré d’élus locaux – aujourd’hui plus inquiets que jamais. « Si on ne fait rien, avec ce score, on va avoir une flopée de candidats sans étiquette qui vont jouer le tout local, et très peu d’élus LR », craint un député.

Ceux qui avaient misé sur François-Xavier Bellamy en sont en tout cas pour leur argent. Si beaucoup souhaitaient le voir intégrer le haut commandement du parti, peu chantaient ses louanges dimanche soir. « Finalement, il va prendre du recul à Strasbourg et ce sera bien comme ça », conclut un cadre. La bataille interne de la reconstruction se fera sans lui.

Sarah Belouezzane et Raphaëlle Besse Desmoulières

• Le Monde. Publié le 27 mai 2019 à 06h33 - Mis à jour le 27 mai 2019 à 15h23 :


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