Manuel Bompard : « la ligne populiste ne signifie pas tourner le dos aux organisations politiques »

dimanche 23 juin 2019.
 

- « Jean-Luc Mélenchon a sans doute fait des erreurs, comme tout le monde »

- Le numéro deux de La France insoumise est l’invité du grand entretien politique du « Point ».

Propos recueillis par Erwan Bruckert

Avec cinq de ses camarades, Manuel Bompard est devenu député européen au soir du 26 mai dernier, mais il a bien du mal à s’en réjouir pleinement. Après la débâcle de La France insoumise aux élections européennes, cinquième avec 6,5 % des voix, le mouvement fondé il y a trois ans par Jean-Luc Mélenchon est entré dans une zone de turbulences majeures. Dès le lendemain du scrutin, plusieurs cadres Insoumis, qu’ils soient députés ou même candidats, sont montés au créneau pour mettre en cause la stratégie de leur formation, quitte à laver le linge sale en dehors de la famille et durcir encore un peu plus l’opposition interne entre défenseurs de la ligne populiste et partisans d’un rapprochement avec les autres formations de gauche. Le numéro deux du mouvement, qui ne compte pas abandonner sa fonction d’organisateur et d’animateur de la FI, revient sur les raisons de la défaite, les critiques dont il fait l’objet quant au manque de démocratie au sein du mouvement, et sur l’avenir de Jean-Luc Mélenchon...

Le Point : Avec ces trois semaines de recul, comment expliquez-vous l’ampleur de cette défaite ?

Manuel Bompard : Avoir du recul ne veut pas dire avoir toutes les réponses à cette question ! Il y a le contexte européen, cette difficulté partout en Europe à sortir du piège mortifère tendu par le duo composé, d’un côté, par les forces ultralibérales incarnées par Emmanuel Macron en France et, de l’autre côté, par les forces d’extrême droite. Ce duo a malheureusement confisqué le débat. Il faut reconnaître que l’on a eu du mal à faire exister une alternative porteuse des revendications écologiques, sociales, démocratiques… Il faut aussi avoir en tête un paramètre structurel : ces élections européennes sont, par nature, compliquées pour La France insoumise. Quand on observe les listes qui ont fait de bons résultats, les raisons de voter pour elles étaient finalement assez claires : si vous vouliez voter pour l’Europe et soutenir le gouvernement, vous votiez pour Emmanuel Macron ; contre l’Europe et contre le gouvernement, vous votiez pour Marine Le Pen ; et puis, si vous vouliez voter pour l’écologie, les gens ont pensé qu’il fallait voter pour Europe Écologie-Les Verts. Nous avons peut-être porté un message un peu plus complexe, qu’il fallait envoyer au Parlement européen des députés pour porter un certain nombre d’engagements, mais, en même temps, que beaucoup de choses n’étaient pas possibles dans le cadre des règles qui régissent le fonctionnement de l’UE. Bref, ça donnait le sentiment qu’il était important d’aller voter, mais qu’en même temps on ne pourrait pas faire ce qu’on proposait dès demain. Or, les gens ont envie que leur vote soit d’une utilité immédiate.

Vous parlez de complexité, mais paradoxalement votre message initial porté dès l’été 2018 était assez simple : celui du référendum anti-Macron. Cette tactique ne s’est-elle pas retournée contre vous en favorisant in fine le Rassemblement national ? N’est-ce pas là l’erreur originelle ?

Il est toujours facile de réécrire l’histoire a posteriori. Mais quand nous avons dit, en août 2018, que l’élection européenne serait un « référendum anti-Macron », La France insoumise est identifiée très largement comme la première force d’opposition. Donc, poser cet enjeu-là a pour nous une pertinence. Après, les circonstances, notamment la stratégie d’Emmanuel Macron de se choisir un autre adversaire, ont sans doute fait que cela s’est refermé sur nous. Faire entendre que le bulletin de vote France insoumise était un bulletin qui permettrait de battre Emmanuel Macron est un discours qu’on peut entendre quand vous êtes identifié comme la première force d’opposition, mais c’est beaucoup plus difficile quand les enquêtes d’opinion vous mettent entre 8 et 10 %. Les gens se disent forcément que la marche est un petit peu haute. Il est sans doute vrai que cette stratégie-là a constitué un piège.

Parmi tous les électorats de la présidentielle de 2017, celui qui a voté pour Jean-Luc Mélenchon est celui qui s’est le plus abstenu lors de ces élections européennes. Comprenez-vous pourquoi vous n’avez pas réussi à davantage le mobiliser ?

On avait identifié ce problème depuis longtemps ! L’enjeu des européennes était de convaincre celles et ceux qui nous avaient déjà apporté leurs suffrages... Force est de constater qu’on n’a pas réussi. Ça se voit fortement quand vous analysez les résultats plus précisément : les meilleurs scores de La France insoumise sont dans les bureaux de vote les plus populaires du pays, et donc dans ceux où l’abstention est la plus importante. On va voter quand on a le sentiment que le bulletin va pouvoir changer notre vie. Or, l’élection européenne est une difficulté, car les gens se disent soit « ça ne sert rien », soit « de toute façon on n’y croit pas », soit « est-ce que ça va vraiment avoir un impact sur notre quotidien ? » Nous n’avons pas réussi à démontrer que, si l’élection européenne ne pouvait pas tout changer, elle était aussi une mesure des rapports de force dans le pays et qu’il était donc important d’y participer. Nous avons également subi une intense campagne de dénigrement qui a pu décourager des électeurs. Il faut comprendre qu’une élection se déroule aussi sur un terrain de luttes, avec des stratégies adverses ! Et nos adversaires ont utilisé à notre égard une stratégie de diabolisation, d’extrémisation, qui malheureusement a porté ses fruits. La France insoumise, qui est une force rassurante, raisonnable, qui est en mesure de changer la société, de s’attaquer aux grandes urgences, qui porte une certaine idée du bon sens, s’est retrouvée cataloguée comme brutale, violente, extrême. Ça nous a fait du mal !

À l’issue des élections, plusieurs membres de la FI, notamment des candidats eux-mêmes, ont critiqué le « confusionnisme » du mouvement pendant la campagne qui aurait, selon eux, navigué entre rassemblement de la gauche et populisme de gauche sans véritablement choisir de ligne claire, contrairement à 2017…

Je ne me reconnais pas dans ces analyses que je trouve simplistes et réductrices. Elles donnent le sentiment que, quand vous rentrez dans une élection, il y aurait une martingale de la victoire et que notre score est dû au fait qu’on n’a pas suivi le petit mode d’emploi du bon résultat électoral. C’est mettre de côté le contexte, les adversaires, leurs stratégies. Ces analyses-là poussent à caricaturer les positions : j’ai entendu dire que nous aurions fait une campagne d’union de la gauche… Je suis désolé, mais ce n’est pas la réalité ! La France insoumise n’a pas fait d’accords de coin de table avec d’autres formations politiques, de plus petit dénominateur commun sur le programme, en se répartissant les postes sur la liste ! Mais il est tout aussi faux de dire que nous avons eu une attitude sectaire, repliée sur elle-même, comme je peux l’entendre parfois (dans la bouche de Clémentine Autain, notamment, NDLR). Au contraire, nous avons cherché à regrouper sur notre liste, autour d’une même étiquette et d’un même programme, des gens issus de toutes les histoires politiques et des militants associatifs, des syndicalistes, des lanceurs d’alertes. Jusqu’à notre tête de liste, Manon Aubry, qui n’était pas issue de nos rangs. Aucune autre force politique n’a fait preuve d’une telle ouverture. Cette opposition que je viens de dresser me paraît trop caricaturale, trop simpliste, et ne correspond pas à la réalité de ce qui s’est passé. J’entends dire aussi que c’est parce que nous n’avons pas eu une position assez radicale sur l’Union européenne que nous avons été sanctionnés : je ne crois pas que les scores des listes qui portaient le Frexit accréditent cette hypothèse. Concernant ce que certains appellent « la ligne populiste », j’en suis un partisan, un défenseur, et j’ai contribué à la mettre en place. Elle ne signifie pas tourner le dos aux organisations politiques, du moment qu’elles acceptent que leur rôle est de se mettre au service des dynamiques citoyennes et populaires. Si nous convergeons tous sur cet objectif, alors, je ne vois pas d’opposition majeure. Je ne suis pas d’accord pour qu’on revienne à des formules de cartels, à des accords entre appareils qui ne représentent qu’eux-mêmes. Ce serait mortifère !

Clémentine Autain a publié, avec des milliers de signataires, dont certains autres responsables politiques de gauche, une tribune pour appeler à un « big bang de la gauche ». Qu’en pensez-vous ?

Il est légitime, après une période d’élections, de vouloir mettre des propositions sur la table. Je pense tout de même qu’il est mieux de le faire dans les échanges collectifs, après avoir analysé un peu précisément les faits, et pas sur un plateau de télévision deux heures après l’annonce des résultats. C’est à Clémentine Autain de préciser son point de vue. S’il s’agit de dire que La France insoumise n’existe plus, d’oublier les acquis, qu’il y a quand même 7 millions de personnes qui ont voté en 2017 pour un programme, et de faire un « big bang » comme on en fait tous les cinq ans, je ne suis pas d’accord. On a aussi le droit de ne pas être d’accord. J’ai remarqué qu’il y avait une tendance médiatique à dire que, si on exprime des désaccords avec Clémentine Autain, ça reviendrait à la brutaliser. Moi, je ne veux brutaliser personne, mais je ne suis pas convaincu par cette démarche. Elle dit qu’il n’y a pas de programme pour fédérer : si, pardon, il existe et il s’appelle l’Avenir en commun. Honnêtement, c’est un texte dont le vocabulaire m’apparaît étranger, et je connais assez peu de signataires… Bref, ce n’est pas tellement de ma génération. Je ne crois pas à ces appels un peu fumeux, avec un vocabulaire assez confus et sans que l’on comprenne bien ce sur quoi cela est censé aboutir.

S’ils s’affrontent sur la stratégie, les partisans des deux lignes sont toutefois d’accord sur le manque de démocratie interne au sein de La France insoumise et réclament des espaces pour pouvoir débattre. Comment réagissez-vous à cela, vous qui êtes d’ailleurs souvent nommément incriminé dans ces critiques ?

C’est sans doute un réflexe qu’on peut tous avoir de chercher les explications d’un revers électoral dans la manière de fonctionner. Mais cela ne me paraît pas correspondre à la réalité. Sur le terrain, je n’ai entendu personne me dire : « Je ne vote pas pour vous parce que les modalités de fonctionnement de La France insoumise sont insatisfaisantes. »

Mais certains ont envoyé ces signaux bien avant que la campagne n’arrive dans la dernière ligne droite…

Je ne nie pas la question. Je dis juste que justifier le résultat par cette dimension me paraît être une erreur d’analyse. Qui parfois s’appuie par ailleurs sur des choses inexactes, comme cette soi-disant absence de cadre. Il y avait bien des espaces d’échanges pendant la campagne, par exemple, une rencontre des 16 premiers candidats chaque semaine pour élaborer la stratégie et décider des initiatives à prendre. Ça n’a peut-être pas toujours fonctionné comme on le souhaitait. Peut-être que certains ont émis des propositions qui n’ont pas été suivies d’effets parce qu’elles n’étaient simplement pas partagées par tous. Mais le cadre existait bien. De même, Clémentine participe chaque semaine à la réunion de groupe des députés, qui s’ouvre à chaque fois par des discussions sur la stratégie en fonction de l’actualité politique…

Cela étant dit, poser la question de l’organisation de notre mouvement est légitime. D’ailleurs, dès la création de La France insoumise, nous avions l’objectif de construire un mouvement qui ne fonctionne pas comme un parti politique traditionnel. Et nous avions fait le choix de le faire de manière évolutive, en corrigeant ses défauts et en apportant des améliorations. Je suis matérialiste, et donc je considère qu’on bâtit un outil en le confrontant à la réalité, pas dans des débats théoriques qui conduisent souvent à revenir à des formes anciennes, qui n’ont pas, je crois, fait la preuve de leur pertinence, et que la plupart des gens à la FI ont décidé de fuir... Une question subsiste : comment faire pour garder cet objectif de ne pas construire une organisation pyramidale et hiérarchique tout en permettant aux Insoumis de participer de manière active aux processus de décision ? Ça, c’est vrai, on doit encore y travailler. Mais ce serait une erreur de tout vouloir réinventer, comme si tout était mauvais. La France insoumise est la seule formation dont la liste a été votée par l’ensemble de ses militants sur sa plateforme, après avoir été produite par un comité électoral dont la moitié des membres avaient été tirés au sort. Tout ça n’est pas parfait, c’est une certitude, mais il n’est pas vrai que rien n’a été fait.

Jean-Luc Mélenchon est identifié aujourd’hui comme une des principales figures d’opposition à Macron, et ça, personne ne pourra le contester.

Parmi ces contestataires, on trouvait la coresponsable du programme, Charlotte Girard, qui bénéficiait d’une popularité importante chez les militants de la FI. Elle a décidé, il y a quelques jours, de quitter le mouvement. C’est un symbole important…

Ça m’attriste. Charlotte est une amie, elle avait encore des choses à apporter à La France insoumise, donc, la nouvelle nous affecte tous collectivement, du point de vue autant politique qu’humain. Je regrette que l’on n’ait pas trouvé avec elle la place dans le mouvement à laquelle elle se sentait utile pour faire partager ses contributions et ses réflexions. Maintenant, j’ai lu son courrier : bien sûr, il y a des éléments sur la façon dont on s’organise, mais j’ai lu surtout une analyse politique. Elle met en avant l’idée que le mouvement aurait été trop institutionnel et pas suffisamment acteur dans la société… C’est une analyse que je ne partage pas entièrement. Je ne crois pas que La France insoumise n’ait pas cherché à combler le fossé entre le peuple et ses représentants, notamment dans le soutien au mouvement des Gilets jaunes, dans nos initiatives de solidarité concrètes auprès des personnes qui souffrent le plus. Et je ne vois aucune autre force capable de mieux le faire que nous.

Certains réclament aussi un débat sur la personne de Jean-Luc Mélenchon, son rôle à venir, tant la figure du leader charismatique est importante dans la stratégie populiste. Seront-ils écoutés ?

On doit accepter tous les débats. Mais pour avoir un débat serein sur la question, on doit d’abord savoir ce que la personne en question a elle-même envie de faire. On peut décider à la place des gens, mais je ne suis pas sûr que ce soit si démocratique non plus… Il faut savoir comment Jean-Luc Mélenchon voit la place qu’il peut avoir dans les combats à venir. Je pense qu’il est la personnalité politique qui a permis à La France insoumise d’émerger, d’exister à travers une campagne présidentielle formidable. Il est identifié aujourd’hui comme une des principales figures d’opposition à Emmanuel Macron, et ça, personne ne pourra le contester. Il a contribué à faire émerger les visages d’une nouvelle génération politique, ce que l’on ne souligne pas suffisamment selon moi. Il a sans doute fait des erreurs, comme tout le monde, mais il est un atout pour porter notre programme et faire en sorte que nous puissions demain, au pouvoir, le mettre en œuvre.

La France insoumise a théorisé et anticipé, à raison, la vague dégagiste de 2017. Mais, finalement, cette logique ne voudrait-elle pas que Jean-Luc Mélenchon, avec son long passé politique, soit lui-même dégagé à son tour ?

C’est une vision un peu caricaturale et réductrice du peuple. Cette vague porte des aspirations à tourner la page d’un système politique, celui de la Ve République, et des forces politiques qui ont exercé le pouvoir en son sein. Or, à ce que je sache, Jean-Luc Mélenchon n’a jamais été président de la République et n’a pas une responsabilité importante dans la manière dont a été exercée la politique ces dernières années. Bien sûr que les gens veulent tourner la page ! Mais c’est ce que lui propose, à travers l’Avenir en commun, avec comme premier objectif l’instauration d’une VIe République écrite par le peuple, et non pas un comité d’experts. Nous proposons des issues positives à ce dégagisme, et aucune autre formation politique n’a, à ce point, avancé ses réflexions à ce sujet.

Après ce score de 6,5 %, avec ces contestations internes, comment reconstruire cette force politique ? Comment la remettre en ordre de marche ?

On a subi un revers électoral, mais il ne faut pas surévaluer le résultat des européennes et son impact dans la société. Il y a toujours 50 % de gens qui ne sont pas allés voter, et 30 % qui se sont décidés le dernier jour du vote. Ces élections ont été un prisme déformant des rapports de force politique dans la société, et donc tout le travail qu’on aurait fait depuis trois ans ne doit pas être balayé. Je sais qu’il y a une volonté de montrer que, depuis le 26 mai, l’ambiance est à couteaux tirés, mais ce n’est pas mon ressenti ni mon état d’esprit. Il y a des points d’appui dans cette élection pour avancer ! Quand la FI arrive parfois en tête, ou dans les premières forces politiques, dans les bureaux des quartiers populaires des plus grandes villes de France, elle reste identifiée comme une force politique qui défend leur droit à vivre dignement. Et même si ça ne s’est pas traduit par un vote massif, il y a eu une prise de conscience de l’urgence écologique, dans une critique qui n’est pas déconnectée de celle du système économique et productif actuel. Bien sûr, leurs suffrages ne se sont peut-être pas portés sur notre liste cette fois, mais cette prise de conscience est porteuse d’avenir et La France insoumise doit rentrer en résonance avec elle. Il reste des colères, des germes d’insoumission dans la société, on doit les représenter dans le champ politique. D’abord, on termine nos débats et nos bilans sur les raisons de nos difficultés, et après, on se fixe des perspectives d’actions ! Dans la rue, dans la société, notamment autour du référendum contre la privatisation d’Aéroports de Paris. Et puis dans les prochaines batailles électorales : les municipales seront difficiles, mais elles posent pour de vrai la question du pouvoir ! Si La France insoumise est capable de porter ou de soutenir des listes qui disent « venez avec nous pour construire un lien différent entre élus et citoyens », ou encore d’organiser des votations citoyennes régulières, alors, elle s’inscrira dans des dynamiques intéressantes.

Vous êtes réfractaire à l’idée de créer des alliances en juxtaposant des étiquettes politiques. Mais lors de ces municipales de 2020, vous serez forcément amenés à le faire pour créer des majorités. Est-ce un problème ?

Si on se pose d’abord la question de s’accorder entre appareils politiques pour ensuite aller solliciter des suffrages, je crois que l’on n’aura rien compris à la vague dégagiste qui existe dans le pays. Mais si on appuie les démarches qui naissent partout en France et qui fédèrent les collectifs citoyens, les mal-logés, les gens qui se battent contre de grands projets inutiles, alors, on sera à la hauteur de la situation. C’est comme cela que nous serons un mouvement utile au peuple !


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