Urgences en état d’urgence

dimanche 23 juin 2019.
 

Trois mois après les débuts parisiens du mouvement social dans les services d’urgence, 95 sont actuellement en grève. Les raisons de la colère : des urgences embouteillées par les brancards et les installations de fortune, et une prise en soin des patients inefficiente du fait d’un manque criant de personnels soignants. Les tensions sociales sont alors inévitables, entre services, mais aussi entre patient·e·s et personnels, toutes et tous excédés par des conditions indignes de travail et d’accueil.

Le 11 juin fut une journée de mobilisation nationale, l’occasion pour le collectif inter-urgences d’afficher des revendications claires : hausses des effectifs, hausse des salaires, et bien évidemment davantage de moyens pour l’hôpital public. Celui-ci ne peut en effet fonctionner à moyens constants lorsque l’activité des urgences augmente constamment chaque année.

En réalité, les urgences payent aujourd’hui l’inaction politique chronique en la matière. Aux problèmes structurels de l’hôpital et à sa gestion managériale s’ajoutent pour la population des difficultés croissantes d’accès au soin : dépassements d’honoraires rédhibitoires, absence de tiers payant généralisé, essor malheureux des déserts médicaux. Tout cela incite inévitablement les patient·e·s à se tourner vers les urgences où malgré l’attente, ils et elles se feront soigner gratuitement.

C’est tout le système de santé français qui bat de l’aile. Agnès Buzyn n’a pas d’autres choix que d’avouer sa faiblesse face à cette crise majeure : « il n’y a pas de solutions miracles », dit-elle, « nous allons créer une mission de refondation des urgences ». De comités en comités, de missions en missions, on réfléchit, on parle, et aucune solution viable n’en ressort, si ce n’est envoyer la police pour réquisitionner en pleine nuit les survivants du système, à la limite du burn-out. A travers la loi « organisation et transformation du système de santé » actuellement au Sénat, la Ministre de la Santé pense avoir trouvé le Graal en vantant une réorganisation des soins et en incitant les médecins à se regrouper autour de « projets ». Mais les rustines ne suffisent plus.

Il faut accepter d’investir dans la santé : recrutements massifs, remboursement des soins à 100 %, création de maisons locales de santé regroupant les professionnels de soins primaires… Mais il faut également en finir avec l’hôpital-entreprise, la liberté d’installation des médecins et les dépassements d’honoraires ! Autant de mesures qui résoudront la crise majeure que l’hôpital et la santé sont en train de traverser.

Yoann Saccoccio


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