Loi mobilités Encouragement des solutions individuelles

jeudi 4 juillet 2019.
 

Le gouvernement la présente comme la loi qui va permettre le développement « de nouvelles solutions pour permettre à tous de se déplacer » et « d’engager la transition vers une mobilité plus propre ». La loi mobilités est en réalité une loi libérale de plus à l’actif de ce gouvernement qui encourage les solutions individuelles de transport, ne dit rien ou presque des transports publics, organise l’ubérisation du secteur et se garde bien de remettre en cause les avantages acquis des gros pollueurs du trafic aérien et du transport routier de marchandise.

Chacun son choix, chacun pour soi : Le cœur de la loi se concentre sur ce que la ministre Elisabeth Borne appelle « la mobilité du quotidien ». Mais à ce sujet il n’est nullement question du développement des transports en commun. L’idée est de permettre que chacun ait accès, sur des applications qui les regroupent, à toutes les options possibles de transport : bus, cars, covoiturage, transport à la demande, navettes autonomes et même trottinettes. Des appels à projet sont prévus pour inciter les collectivités territoriales à cofinancer des solutions nouvelles de transport. En parallèle, le gouvernement propose que la question du trajet domicile – travail soit un sujet de dialogue social au sein des entreprises et qu’il puisse se traduire par un forfait mobilité durable, jusqu’à 400 €/an pour aller au travail en covoiturage ou en vélo, exonéré d’impôts et de cotisations sociales. L’État prévoit de le généraliser à tous ses agents dès 2020 à hauteur de 200 €/an.

La légitimation des plateformes et de l’ubérisation : Ce qui est visé, c’est le développement de solutions alternatives à la voiture individuelle...sans forcément être alternatives aux moyens de transport polluants. Parmi elles, le projet de loi mobilités installe le système des plateformes d’auto-entrepreneurs comme un modèle parmi d’autres.

Ainsi, sous couvert de davantage de « transparence », par le fait que les chauffeurs ou coursiers seront informés du prix minimum prévisible d’une proposition de course et pourront la refuser sans encourir de pénalité, la loi entérine l’ubérisation. Elle prévoit également la possibilité d’une charte qui définirait la mise en œuvre de « prix décents » ou encore fournir des « garanties de protection sociale complémentaire ». Ce coup de pouce donné aux plateformes, instituées comme des acteurs des mobilités comme les autres est une brèche de plus dans le code du travail et la définition des relations de subordination. Pourtant, plusieurs jugements sont intervenus qui ont requalifié la nature des relations des auto-entrepreneurs dépendants des plateformes en salariat.

Dans le même temps, les investissements dans les infrastructures de transport se limitent à entretenir les axes existants, en partie les axes routiers, sans ambition de développement du ferroviaire ou des transports en commun dans les zones périurbaines ou rurales. En somme, pas de projet d’aménagement du territoire concerté et à long terme. La Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports (Fnaut) estime que le projet de loi reste "très tourné vers la voiture individuelle et peu vers les transports publics". La Fédération propose ainsi de ramener le taux de TVA sur les billets de transport en commun de 10 % à 5,5 %.

Une orientation écologique sans consistance réelle : Le deuxième axe fort de la loi, d’après le gouvernement, se situe dans les engagements en faveur de mobilités moins carbonées. Ainsi, l’objectif de neutralité carbone en 2050 est inscrit dans la loi, conformément au Plan climat, avec les deux étapes suivantes : - 37,5 % d’émissions de CO2 d’ici 2030 et l’interdiction de la vente de voitures utilisant des énergies fossiles carbonées d’ici 2040. Autant dire qu’il s’agit de vœux pieux, au regard de leur délais dans le temps et surtout de l’absence d’investissements publics pour y arriver. A ce sujet, tout objectif de bifurcation majeure du modèle de production sans planification pilotée par l’Etat n’a d’autre sens que celui d’incantations bien pensantes. Imaginer que le marché va tout seul, s’orienter vers la sortie des énergies carbonées est au mieux une naïveté délétère, au pire un mensonge, de la part d’un Président autour des fameux « cars Macron », qui ont entrainé la fermeture de lignes ferroviaires.

Les transports aériens et routiers de marchandises absents de la loi : Pour autre preuve de cet alibi écologique l’absence de mesures à destination du transport aérien. C’est d’ailleurs une critique majeure faite à l’encontre de la loi par la FNAUT.

Son président juge notamment l’aviation "très subventionnée, notamment via l’absence de taxation sur le kérosène et grâce aux 200 millions d’euros de soutien aux petites lignes aériennes déficitaires" alors que "des trains Intercités déficitaires ont été supprimés".

Le projet de loi Mobilités ne prévoit pas de taxer l’aérien, secteur en pleine croissance, comme ses émissions de gaz à effet de serre. Le gouvernement a été défavorable aux amendements pour créer une « contribution écologique au décollage ». Que le transport aérien soit réinterrogé dans le cadre de l’urgence écologique à laquelle nous devons faire face était le sens de la proposition de loi déposée par plusieurs députés insoumis, pour interdire les vols aériens intérieurs, lorsqu’une ligne de train permet de faire le trajet en moins de cinq heures. Ces propositions ont été balayées d’un revers de la main par le gouvernement, comme celle de la FNAUT qui propose de taxer le kérosène.

Difficile de croire à un réel engagement écologiste de la part d’un gouvernement qui ne fait rien pour éviter la fermeture de la ligne de transport ferroviaire de marchandises Perpignan-Rungis, remplacée par des milliers de camion sur les routes chaque jour. De transport routier de marchandises, de manière générale il n’est pas question non plus dans la loi Mobilités. Pourtant, le transport de marchandises — poids lourds et utilitaires — est responsable de 52 % des gaz à effet de serre dans le secteur routier. Mais il ne paye que 20 % de la fiscalité. Depuis 2016, le transport routier de marchandises est en effet exempté de l’augmentation de la contribution climat énergie. Cela représente environ 1 milliard d’euros d’exonération fiscale par an. Ce mode de transport n’apparaît ainsi compétitif qu’en raison des nombreux artifices qui faussent les systèmes de prix et de concurrence. En réalité, c’est un système sous perfusion.

Pour répondre au sentiment d’abandon des habitants en zone périurbaine ou rurale, qui se mobilisent à travers le mouvement des Gilets Jaunes, et à l’urgence écologique qui nous intime de transformer nos modes de transports en profondeur, une véritable loi de planification des infrastructures et investissements dans les transports de demain s’imposait. Ce n’est clairement pas le choix fait par le gouvernement, qui épouse au contraire une logique libérale, individualiste et hyper-urbaine.

Claire Mazin


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