Médias, police, justice, faux amis, fausse gauche, qui veut la peau du tribun du peuple ?

mardi 9 juillet 2019.
 

par Maxime Vivas. J’apporte ici des témoignage personnels, saupoudrés de quelques réflexions qui en sont issues. Je sais que cela me sera reproché et que je serai marqué au fer rouge (ah non, c’est déjà fait ! Rire).

Je connais Jean-Luc Mélenchon depuis plus de 10 ans. Nous sommes entrés en contact alors qu’il était sénateur du PS. Moi, le PS, les sénateurs PS, hein, moins je les vois…

Mais il s’agissait du Venezuela de Chavez qui subissait une tornade crapuleuse avec des grêlons merdiatiques gros comme des balles de baseball, déclenchée par des politicards atlantistes, la « grande presse » (re-rire) et Reporters sans frontières. Jean-Luc Mélenchon défendait le Venezuela comme l’aurait fait un fils de Bolivar. Il n’a jamais lâché le Venezuelâââ, vous le savez. Il est possible que cela lui ait coûté les 600 000 voix qui lui ont manqué aux présidentielles de 2017. Pis, il n’a jamais non plus tapé sur Cuba, contrairement à tous les autres, y compris le PCF de Robert Hue.

Nous ne nous sommes ensuite jamais perdus de vue. Il a préfacé un livre que j’ai publié avec Viktor Dedaj : « 200 citations pour comprendre le monde passé, présent et à venir ». Il a préfacé récemment un autre livre sur les Gilets Jaunes (à paraître) soutenu par LGS.

Il a lu et défendu un de mes livres prophétiques (eh oui !) : celui sur RSF (2007) et nous sommes en phase complète sur le dalaï lama.

Il a été le seul homme politique à se mouiller ainsi à une époque où le Tibet et RSF étaient les idoles du monde politico-médiatique français. Les éléphants du PS (Kouchner, Ségolène Royal, Valls et les autres) léchaient les Doc Martens du dalaï lama, Ménard était invité à la fête de l’Huma.

Défendre Cuba, le Venezuela, s’en prendre au dalaï lama et à Robert Ménard, c’était sacrément avant-gardiste et contre-productif. Il me plait d’avoir fait ça avec Jean-Luc Mélenchon. D’autres auraient pu venir, qui auraient été les bienvenus.

Le clou qui dépasse excite le marteau. Quiconque sort de la tranchée s’expose à la mitraille. Tel qui s’éloigne du village de la pensée unique doit se méfier des bandits des grands chemins. Ils sont là, en bandes, tapis dans le noir avec leurs complices du même tonneau. Ils vous laissent marcher quelques mètres pour mieux vous atteindre dans le dos. Ils sont capables de jurer que vous vous êtes jetés à reculons sur leur couteau. Ils invitent le public à plaindre la lame. lIs y réussissent parfois assez bien. Il faut avoir envers eux la méfiance de Malcom X (« Si vous ne vous méfiez pas des médias ils vous feront aimer l’oppresseur et détester l’opprimé ») et le mépris qu’avait le loup d’Alfred de Vigny pour les meutes :

« Gémir, pleurer, prier est également lâche. Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le Sort a voulu t’appeler… »

Le poète ajoutait « Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler », mais Mélenchon et ses affidés, chacun à son niveau et dans son domaine, sont du genre à ne pas la boucler, à ne pas geindre un césarien « tu quoque mi fili ? » et à ne pas mourir.

Deux anecdotes personnelles :

- Quand Jean-Luc Mélenchon a quitté le PS pour créer des structures politiques (PG, LFI) qui allaient révolutionner le paysage politique avec une poignée de militants, il leur a dit (l’un d’eux me l’a rapporté) qu’ils devaient créer un « noyau dur » (comprendre : une garde idéologiquement solide et cohérente) parce que le succès verrait arriver des renforts moyennement convaincus sur le fond. C’est ce qui s’est passé, ce qui se passe.

On se tromperait en croyant que le résultat des élections européennes annonce la fin de « l’aventure » (l’épopée) Mélenchon. Un sondage (je sais, je sais, mais…) de l’IFOP pour Paris Match annonce qu’il serait, au second tour des présidentielles de 2022, le mieux placé pour battre Macron, contrairement à Marine Le Pen qui serait écrabouillée.

En outre, sa stature de tribun lettré n’a pas d’équivalent. Jean-Luc Mélenchon reste donc l’homme à abattre (tous ceux qui me lisent le savent bien) avant de passer à une autre cible, celle qui lui succéderait. Plus vite il sera liquidé, plus on aura du temps pour déglinguer son remplaçant.

- J’ai dîné avec Jean-Luc Mélenchon et une partie de ses proches à Toulouse le 15 avril 2017 (1). Il y avait Manuel Bompard, Benoît Schneckenburger (le philosophe-garde du corps), Jean-Christophe Sellin, conseiller régional LFI, ancien conseiller municipal de Toulouse et figure locale notoire. Il y avait des collaborateurs dont j’ai oublié les noms, mais dont la jeunesse m’a frappé.

Le lendemain, à la Prairie des Filtres de Toulouse, en bordure de Garonne, Jean-Luc Mélenchon allait réunir 70 000 personnes pour son dernier meeting avant le premier tour des élections présidentielles (23 avril 2017). C’est dire si chacun était tendu. Jean-Luc Mélenchon avait fait prévenir qu’il voulait repartir du restaurant à 20 heures pour peaufiner son discours. Une place à table était vide, celle d’un collaborateur qui est arrivé, essoufflé, au milieu du repas. C’était le jeune homme chargé de vérifier des points de détail du discours : faits, dates, noms…

Chacun était tendu, ai-je dit. J’étais assis en face de Jean-Luc Mélenchon, qui avait bien des raisons d’être à cran, mais qui passa le repas à deviser avec calme, mangeant peu (uniquement du quinoa, non, je blague). A un moment, il m’a demandé (nous n’avions encore jamais parlé de ça) de quelle mouvance politique je venais. Du PCF. Je n’ai pas cherché à me justifier ni à me démarquer des communistes locaux qui se conduisaient comme des ennemis et dont le secrétaire, quelques jours après, allait signaler à la Dépêche que, de son point de vue, le nombre de participants au meeting du 16 n’était que de 30 000. Mais le chiffre de 70 000 était irréfutable, il avait été vérifié (photos de drone, surface de la « Prairie des filtres » archi-pleine…). Passons.

Bien entendu, et alors que nous savions que le destin de la France pouvait basculer dans quelques jours, je guettais chez Jean-Luc Mélenchon un geste, un mot d’énervement. Comme vous, je lisais les médias qui le disaient soupe-au-lait. Cela ne fut pas. J’ai vu chez lui une profonde humanité. C’est un sensible. L’égo « surdimensionné » était aux abonnés absents, les explosions de colère étaient gardées en réserve pour les vraies occasions, contre qui de droit.

Je n’ai pas vu, depuis que je m’intéresse à la chose publique, un homme politique encaisser autant de coups, aussi constants, de ses confrères, des médias, de la justice, de la police, du gouvernement, de quelques-uns de ses proches enfin, qui lui doivent tout mais déplorent d’avoir été mal servis et qui pensent que l’heure de l’hallali est venue pour un festin promis, chez d’autres avec qui on ira s’attabler parce que les plats seront (croient-ils) plus rapidement servis et plus copieux. Soyons juste, il y a sans doute, parmi ceux qui le lâchent, des (osons le mot) camarades de bonne foi, avec des raisons politiques. Pourquoi pas ? Je doute qu’ils soient de ceux qui expriment leur soudain désaccord quelques minutes à peine après la proclamation des résultats.

Il n’y a pas un homme politique qu’on traite aussi durement, sur lequel on ment autant, avec autant d’impudence et un tel sentiment d’impunité. On n’a jamais vu un homme politique français dont les photos dans les médias veulent à tout prix nous convaincre qu’il est laid, méchant, ridicule. La palme est dans cette « une » du Nouvel Obs où JLM nous est montré comme un croisement de singe et de Chinois (à 5mn24).

La vérité vraie est la suivante que j’énonce ici parce que j’ai assez vécu pour comprendre des choses en politique et pour savoir évaluer les gens que j’approche : Jean-Luc Mélenchon est un homme d’Etat. Il n’y en a pas beaucoup par siècle. L’Histoire parfois convoque des serviteurs hors du commun à qui elle confie une mission qui les étonne, les transcende. Et à laquelle ils ne peuvent se soustraire. C’est leur destin.

De leur vivant, rien ne leur est épargné. Après leur mort, les hommages pleuvent.

En octobre 2018, j’étais le parrain d’un festival littéraire dont Marie-Christine Barrault était la marraine, ce qui m’assura un auditoire fourni (et immérité, je vous le sors de la bouche) pour ma conférence sur le thème de « Travail et littérature » (à laquelle me fit l’honneur d’assister Bénédicte Taurine, députée de LFI) dans laquelle j’évoquais le cas d’Emile Zola. Ce qu’on sait du sort qui lui fut réservé de son vivant peut se lire en glissant mentalement de la littérature à la politique. Ça marche bien, aussi.

Les chiens de garde aboyaient à l’unisson et tous sur le même ton. Ils disaient ceci (on croit rêver, avec le recul) : Zola, une écriture “ couleur de boue ”, “ une littérature putride ” “ il remue le fumier d’Augias ”, “ du Hugo en plus grossier, non décapé, brut de fonderie ” “ qui s’inspire directement du choléra, son maître, et qui fait jaillir le pus de la conscience ".

Voilà ce qu’il en coûte d’écrire sur le travail et de dépeindre les hommes et la société sans embellir la réalité.

Et quel fut le crime de Zola ? Il chercha à donner une représentation authentique et forte de tous les aspects du réel. Il dépeignait avec précision un univers bien défini. Tout reposait sur son expérience vécue : il écrivait après avoir mené de minutieuses enquêtes préalables, il se livrait à l’investigation sur place, il consultait les documents, il rencontrait les protagonistes, il les observait. Il ne commença la rédaction de Germinal (1885) qu’après une enquête sur la mine d’Anzin, l’année précédente. Aucun lien de parenté intellectuelle avec Frédéric Beigbeder qui prit des petits-déjeuners en haut de la tour Montparnasse pour écrire un livre sur les Twin Towers ou avec Jean-Michel Aphatie dont l’arrière-train est soudé à un fauteuil.

Ecoutons Zola expliquer sa méthode : “ J’ai l’hypertrophie du travail vrai ; le saut dans les étoiles sur le tremplin de l’observation exacte ”. “ Le romancier doit s’en tenir aux faits observés, à l’étude scrupuleuse de la nature s’il ne veut pas s’égarer dans des conclusions menteuses…Il expose simplement ce qu’il a vu…Nous donnons la hautaine leçon du réel ".

Au-delà de Zola, on pourrait évoquer, dans un patchwork de pièces bigarrées qui forment un tout cohérent, Robespierre, Hugo, Marx, Jaurès, Voltaire, et tant d’autres qui payèrent le prix de porteurs de vérités qui dérangent.

Jean Ortiz, protecteur méritant à l’intérieur du PCF de la flamme de l’idéal communiste, dénonce sur ce site les descentes de police (perquisitions) et à présent la correctionnelle, « un traquenard pour se débarrasser d’une personnalité nécessaire au rassemblement populaire ».

Pour finir, je vais à l’os : en plus de l’homme, estimable, c’est le meneur, la locomotive d’un programme qui s’appelle « l’Avenir en Commun » qui mérite d’être vu de près, hors du truchement de BFMTV. Et pour que le programme, éminemment dangereux pour les belles gens, les poudrés, le CAC 40, soit relégué au second plan, les attaques ad hominem s’imposent.

Tel qui veut prendre comme vrais, ou crédibles, ou possibles les tombereaux de critiques sur un homme, devrait aussi, par peur d’être berné, regarder les idées qu’il porte. Passer de la détestation d’une caricature à la lecture du futur proposé à la France, c’est se grandir politiquement.

Je tiens en piètre estime, je classe dans la catégorie des analphabètes politiques, je soupçonne de nuire à leurs propres intérêts, à ceux de la jeunesse et du pays, mes compatriotes qui disent, écrivent et parfois me confient tranquillement leur analyse définitive qui se ramasse à ras de terre : « C’est bien, ce qu’il dit, mais je l’aime pas, je le supporte pas…. ».

Alors, fatigue, désespoir, on renonce à leur dire que leurs pareils ont aimé Philippe Pétain, détesté Jean Moulin et Missak Manouchian et qu’ils aimeront Patrick Balkany, Emile Louis et même Landru si les médias des milliardaires le veulent.

A moins que sur l’échiquier politique, un homme poursuive et intensifie son combat contre les copains et les coquins, les éditocrates, les ambitieux mous du genou et musclés de la langue (bifide) pour qui un maroquin, la présidence d’une commission, une mission, une ambassade chez les pingouins, une quelconque sinécure de la République, méritent tous les reniements, toutes les vilenies.

Un ami (estime-t-il que je le suis encore ?) poussé par sa détestation viscérale de JLM, me tance régulièrement sur Facebook à cause de « mon allégeance au gourou ». Il se trompe, je suis cartésien : « Et bien que nous ne puissions avoir des démonstrations certaines de tout, nous devons néanmoins prendre parti, et embrasser les opinions qui nous paraissent les plus vraisemblables, touchant toutes les choses qui viennent en usage, afin que, lorsqu’il est question d’agir, nous ne soyons jamais irrésolus. Car il n’y a que la seule irrésolution qui cause les regrets et les repentirs. » (Descartes, lettre à Elisabeth, Egmond, 15 septembre 1645).

Donc, dans l’incertitude qui, pour moi, est minime et pour d’autres paralysante, dites-moi, amis suspicieux et Mélenchon-incompatibles, qui vous voyez à sa place ? Annoncez une date plausible de victoire, autre que les calendes grecques, plus connues chez nous sous l’appellation de Saint-Glinglin (re-re-rire).

Merci de nous dire aussi si vous avez en plus le programme des sauveurs, le détail des combines d’Etats-majors pour le partage des places, la date où tous avoueront que « Mon adversaire c’est la finance » était l’embrouille du siècle, le genre de galéjade qu’on dit AVANT le scrutin. En attendant d’en dire d’autres et de continuer à se taire quand la Macronie, de perquisitions en procès politique, est en quête frénétique d’une condamnation en inéligibilité de celui qui incarne à ce jour (et c’est le seul) la possibilité d’un vrai changement prochain.

Pour conclure

Jean-Luc Mélenchon s’est exprimé le dimanche 24 juin à Paris en conclusion des travaux de l’Assemblée représentative de la France insoumise. Après avoir rappelé que « nous ne sommes pas des robots, pas des machines, pas des play-mobils », il a conseillé d’investir l’humanité dans la pratique militante. Mais, d’emblée, en évoquant les turbulences à l’intérieur de LFI, il avait affirmé : « Ce dont je suis certain, c’est qu’on ne fait rien de durable sans fraternité. Et la fraternité est un devoir individuel l’égard de tous les autres. Et peut-être aussi à mon égard » (à 12 mn44).

Message reçu et répercuté, Jean-Luc.

Maxime VIVAS


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