Loi sur les universités "Sur le fond voici l’affaire : il s’agit de créer le marché de l’Education"

lundi 2 juillet 2007.
 

La session parlementaire qui reprend commence par des auditions sur les textes de loi en préparation, notamment le texte sur les universités. Mardi l’UNEF. Mercredi matin le groupe socialiste du Sénat auditionnait le président de la Conférence des présidents d’université puis le SNES SUP. L’après midi, mêmes auditions à la commission des affaires culturelles du Sénat. Je me suis dispensé de la deuxième tournée. Mais j’ai passé mon déjeuner avec un ami de longue date le président de l’université d’Evry, Richard Messina avec qui j’entretiens une complicité philosophique avancée. De tout cela je retire une impression générale : la réforme est mieux reçue que je m’y attendais.

Syndicalement, l’opposition s’accroche sur des points à l’intérieur de la réforme. Ils sont importants. Mais ils ne contredisent pas la logique globale de cette réforme. Le président de la République peut bien céder ici où là, y compris sur des morceaux substantiels qui amplifient l’esprit de ce qu’il entreprend, cela ne remet pas en cause la direction générale de ce qu’il a engagé. Les étudiants veillent sur leur niveau de représentation et sur la sélection entre les cycles. Soit. On comprend. Ils vont obtenir satisfaction sans trop de difficulté.

L’essentiel pour les libéraux n’est pas là. Le niveau de la représentation étudiante dans une université n’est pas un obstacle au projet. Autre chose : céder sur la sélection à l’entrée du cycle qui suit la licence est gênant si l’on veut relâcher la pression sur le premier cycle de l’université et améliorer les statistiques de réussite à la fin des trois premières années. Mais ce n’est pas mortel pour la réforme. En continuant à faucher les candidats au niveau licence, l’institution peut encore bien maîtriser le flux de ceux qui peuvent prétendre continuer au delà. Ca se gère. De même les amendements de la Conférence des présidents d’université sont du domaine de l’aménagement rationnel.

Pour ma part je conteste radicalement l’angle d’entrée dans le dossier de la réforme de l’enseignement supérieur et le point d’arrivée visé. Voici pourquoi. Le problème numéro un de l’université ce n’est pas la manière dont elle est « gouvernée ». C’est l’objectif qu’on donne à ses missions. C’est aussitôt la question sociale qui est soulevée :

D’abord la misère des étudiants (40% vivent sous le seuil de pauvreté), cause principale du massacre des postulants en premier cycle (encore ne compte-t-on pas dans la statistique que ceux qui se sont présentés au examens, l’indigence des moyens mis à disposition des universités, la nullité des systèmes de transition du secondaire au supérieur pour les bacheliers de la voie technologique et professionnelle, et ainsi de suite). Aucune de ces questions ne peut être réglée par ce qui est proposé. Ou plus exactement tout peut l’être à la condition que l’on accepte l’idée centrale : les universités se débrouillent comme elles le veulent, l’état n’a plus d’autre obligation que celle d’une allocation pour services rendus... C’est cela le sens de l’autonomie.

Ce que nous voyons est la première étape d’un projet repris cent fois depuis trente ans par la droite avec la complicité active des notables et mandarins qui voient le pouvoir et ses attributs délicieux venir dans leurs mains avec le même appétit que tant de féodaux locaux ont vu l’Etat se démembrer à leur profit local.

Sur le fond voici l’affaire : il s’agit de créer le marché de l’Education.

Pour qu’il y ait un marché de l’Education il faut qu’il y ait une concurrence des producteurs de savoirs et de formation. L’autonomie est la phase numéro un de cette mise en concurrence et sa condition initiale. Y parvenir est l’objectif clef pour les libéraux. Le reste suivra dans les prochains trains de réforme. Une fois la pente prise le reste viendra tout seul et comme logiquement. Le moyen numéro un est l’intéressement personnel des acteurs à cette mutation. La recette existe. C’est comme les stocks options. Ils ont été inventés pour intéresser personnellement les dirigeants d’entreprises au changement d’objectifs prioritaires de leur gestion. Depuis ils sont polarisés sur la « production de valeur ». De même, l’autonomie prévue « permet » donc une modulation des rémunérations et des charges de travail qui permet d’intéresser de leur point de vue particulier ceux qui vont en bénéficier. Je laisse là-dessus sur le sujet pour l’instant. Il va assez revenir dans les prochaines semaines.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message