La démission de De Rugy… Illustration de la Macronie !

dimanche 4 août 2019.
 

François de Rugy qui vient de démissionner ne représente en soi qu’un intérêt assez limité. L’ex N°2 du gouvernement mérite notre attention plus pour ce qu’il révèle que pour ce qu’il est lui même.

Le tour du personnage est en effet vite fait. Pur arriviste à la mode écolo compatible, quelle que soit la majorité en place susceptible d’attribuer des postes, il s’est successivement dit « né avec l’écologie dans la bouche » pour occuper le bon créneau au bon moment, puis « écolo de l’action » pour justifier une première trahison et rejoindre François Hollande, puis contrairement à sa déclaration initiale « prendre ses distances avec la gauche » après la primaire perdue pour rejoindre Jupiter sur le toit de l’olympe. Passons sur ses déclarations pompeuses « l’assemblée est trop souvent symbole de l’opacité » suivi d’un « mettons tout sur la table », propos qui prennent une connotation à la fois cynique et cruelle. François de Rugy symbolise l’adage selon lequel « on n’est jamais mieux servi que par soi-même ». Ainsi les efforts prêtés à François Ruffin pour le discréditer -et qui lui auront valu le qualificatif de « fasciste » délivré par De Rugy- auront été vains. Le principal intéressé aura fait le boulot lui-même.

François de Rugy illustre ce qu’est la Macronie, un magma fait de « gauche » et de « droite », de PS, d’UMP-LR, de Modem dont le plus petit dénominateur commun est l’ultra-libéralisme qui anime le président de la république, politique dictée par la volonté de l’union européenne lorsqu’il ne la devance pas. Ce qui obsède ce beau monde n’est autre que l’ambition personnelle, la course aux postes, la chasse aux privilèges, le sentiment d’invulnérabilité lié à la fonction. La chute de De Rugy dans son plat de homards est plus symbolique qu’autre chose. Mais le symbole est mortel. Il ramène à la réalité les discours sur la « République exemplaire ». Il rappelle la trajectoire dans laquelle la 5ème république a inscrit les majorités successives. L’illégalité et la transgression de la morale publique ont une histoire qui traverse toutes les majorités. Des « chalandonnettes » aux « avions renifleurs », en passant par les exploits des « Balkany and co » dans les hauts-de-Seine, sans parler des Cahuzac ou autres ministres qui ont le chic de demander aux français de se serrer la ceinture lorsqu’ils fraudent en ouvrant des comptes dans des paradis fiscaux, la 5ème république est friande des scandales à répétition. Gaymard et son duplex, Blanc et ses cigares, Jouyandet et son jet privé, Morel et son cireur de pompes…

Mais là, même si le homard semble lourd à digérer, même s’il est aussi question d’usage immobilier de l’argent public « pour une somme modeste de 63 000 euros », ou de question fiscale avec déclaration défaillante, même si au palmarès des infractions ministérielles l’apparatchik De Rugy ne tient pas la corde, un pas est franchi. De la quantité… De Rugy vient rappeler qu’en à peine deux ans, ce sont onze ministres de la Macronie qui sont tombés pour des faits délictueux. Onze… La situation en serait presque banalisée.

Richard Ferrand, ministre de la Cohésion des territoires, socialiste rallié, fidèle d’Emmanuel Macron, était sous le feu de critiques suite à l’ouverture d’une enquête préliminaire dans le cadre de l’« affaire des Mutuelles de Bretagne » lorsqu’il décidait de se mettre prudemment sur la touche. L’enquête préliminaire avait été classée avant de rebondir en octobre 2018 avec la désignation de trois juges d’instruction à Lille.

La triplette du MoDem, empêtrée dans l’affaire dite des « assistants parlementaires du MoDem » au Parlement européen. C’était ainsi au tour de la ministre des Armées, Sylvie Goulard, puis de Marielle de Sarnez, ministre des Affaires européennes, et du ministre de la Justice - et ministre d’Etat - François Bayrou, de s’en aller à la fin du mois de juin.

Le 28 août, un nouveau ministre d’Etat, Nicolas Hulot, s’en va. Il est le premier de la liste à sentir le vent tourner. Bien vu.

Une semaine plus tard, c’est cette fois la ministre des Sports Laura Flessel qui démissionne « pour raisons personnelles ». Seulement voilà, quelques jours plus tard, une source proche du dossier - confirmant des informations du « Canard enchaîné » et de Mediapart - indique que la mise en retrait de la ministre serait en réalité liée à sa « situation fiscale ».

Arrive en septembre 2018 le cas Gérard Collomb, ministre d’Etat qui annonce son départ de la place Beauvau afin de préparer sa candidature à la mairie de Lyon en 2020. Lui aussi comme Hulot sent qu’il vaut mieux prendre la poudre d’escampette avant que le navire sombre. En mars 2019, trois autres habitués du Conseil des ministres suivent l’exemple de Hulot et Collomb et prennent le large : Nathalie Loiseau, la ministre chargée des Affaires européennes devenue candidate aux élections européennes, puis Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, et Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat chargé du Numérique, tous deux engagés en vue d’une candidature pour les municipales à Paris en 2020.

Enfin pour être tout à fait complet, quatre autres ministres, Françoise Nyssen, Delphine Gény-Stephann, Stéphane Travert et Jacques Mézard ont eux aussi disparus de la photo de famille à la faveur de remaniements. … A la qualité Onze en si peu de temps, voilà qui est impressionnant. Mais au nombre, à la quantité, il faut ajouter le contexte politique qui donne la véritable signification de ces démissions.

Jamais un gouvernement si faible n’a fait usage de la force comme le font Emmanuel Macron et Edouard Philippe pour rester au pouvoir.

Les exactions policières contre les gilets jaunes sont banalisées, répétitives sans que nul ne bronche. Les exactions policières étendent leur champs d’application. Le jeune homme de 24 ans, Steve, disparu dans la Loire après une charge policière durant la fête de la musique en témoigne. Là encore silence général. L’arrestation arbitraire de gilets jaunes le 14 juillet pour avoir sifflé le président de la république, ce qui s’apparente au rétablissement du délit d’opinion.

Et avant tout cela, l’été dernier, l’affaire Benalla-Macron qui s’inscrit dans la tradition avec les barbouzes de l’Elysée qui agissent en toute impunité. Benalla qui est l’occasion de mettre en lumière les protections dont jouissent quelques-uns des principaux collaborateurs du président de la république qui n’auront été ni entendus, ni inquiétés.

Il existe un lien entre les démissions de personnalités qui se croient tout permis contre les principes élémentaires de la morale, de la démocratie, et la politique mise en oeuvre faite de violence sociale, de violence physique, de déni de démocratie.

C’est cela que De Rugy malgré lui met en lumière. Paradoxalement il tombe sur un « symbole », celui de la toute puissance, de l’arrogance, de la confusion des genres, alors que d’autres devraient déjà être tombés au nom de la démocratie, de l’état, de la Nation. Le ministre de l’intérieur Christophe Castaner, pour ses mensonges à répétition, pour les ordres donnés aux forces de police contre les manifestations, pour les violences dont il porte la responsabilité politique, devrait en toute logique compléter la liste.

Jacques Cotta


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