Royaume-Uni : Boris Johnson subit son premier revers électoral

mardi 6 août 2019.
 

Le roi est nu. Huit jours exactement après son arrivée à la tête du pouvoir, Boris Johnson voit sa majorité parlementaire réduite à son strict minimum : une voix. Le Parti conservateur a perdu une élection législative partielle à Brecon et Radnorshire, au Pays de Galles, jeudi 1er août, la victoire revenant aux libéraux-démocrates.

Les tories ont désormais 310 députés, auxquels il faut ajouter les dix sièges du Parti unioniste démocrate (DUP) d’Irlande du Nord, avec lequel ils ont un accord de soutien. En face, les différentes factions de l’opposition additionnent 319 voix. Cette défaite des conservateurs augmente la probabilité d’avoir des élections anticipées cet automne.

Le nouveau premier ministre britannique ne semble pas bénéficier d’un réel état de grâce. Les sondages nationaux indiquent bien un rebond de trois à dix points pour les conservateurs depuis qu’il a pris le pouvoir, à environ 30 % des voix, mais cela s’est avéré insuffisant dans cette circonscription rurale au cœur du Pays de Galles, où la plus grande ville fait moins de 10 000 habitants. Avec 43,5 % des voix, Jane Dodds, une travailleuse sociale qui est leader des libéraux-démocrates au Pays de Galles, a devancé le candidat conservateur sortant, Christopher Davies (39 %). Le Parti du Brexit obtient 10 % des voix. Les travaillistes s’effondrent en quatrième position, à 5 %. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Brexit : face au risque de « no deal », la livre sterling proche du plus bas niveau de son histoire.

Tactique électorale

Le scrutin s’est très largement joué sur la tactique électorale autour du Brexit. Les Verts et le parti indépendantiste gallois Plaid Cymru, fortement opposés au Brexit, avaient accepté de ne pas présenter de candidat. Une partie des électeurs travaillistes semblent aussi avoir voté tactiquement, choisissant la candidate pro-européenne.

Inversement, le Parti du Brexit de Nigel Farage a coûté de précieuses voix aux conservateurs. « Si le premier ministre veut organiser des élections législatives, il doit savoir que Plaid Cymru et les autres partis (anti-Brexit) s’engagent à coopérer afin de battre le Brexit une fois pour toutes », ajoutait après le scrutin Adam Price, le leader du parti indépendantiste gallois.

Les conservateurs avaient pourtant mis d’importantes forces dans cette élection. Michael Gove et Jacob Rees-Mogg, deux ténors du parti, s’étaient rendus sur place pour faire campagne. M. Johnson lui-même y est passé rapidement mardi, profitant de son tour du Royaume-Uni pour s’arrêter à Brecon, mais en se cantonnant à une visite dans une petite entreprise locale.

De quoi permettre à Mme Dodds, la nouvelle députée, de se moquer de lui à l’annonce des résultats. « Mon premier geste à Westminster sera de trouver M. Boris Johnson où qu’il se cache et de lui dire clairement de ne pas jouer avec l’avenir des électeurs de cette circonscription. Il doit exclure un Brexit sans accord. »

Pari risqué

Il ne faut bien sûr pas tirer trop de conclusions nationales d’une élection locale. Le scrutin était pollué par les raisons de sa tenue : M. Davies, le candidat sortant, a perdu son siège après avoir plaidé coupable de fraude pour avoir créé de toutes pièces deux notes de frais pour 800 euros (les frais étaient réels et il n’y a eu aucun enrichissement personnel, mais il avait fabriqué les reçus pour des raisons administratives).

Le résultat du vote illustre l’extrême fragilité parlementaire de M. Johnson. Theresa May, sa prédécesseure, avait perdu sa majorité absolue en juin 2017, ne remportant que 317 sièges. Depuis, plusieurs députés conservateurs ont fait défection et les tories ont perdu des élections partielles, réduisant le compte à 310 députés. Dans une situation aussi délicate, M. Johnson sait que la rentrée parlementaire sera particulièrement difficile. Il suffit qu’une poignée de ses propres députés conservateurs s’allient à l’opposition le temps d’un vote pour le faire tomber.

Avec une telle fragilité parlementaire, le premier ministre sait que la rentrée sera difficile

Cette arithmétique électorale explique largement l’attitude actuelle du premier ministre. En refusant de rencontrer les leaders européens et en posant des exigences qu’il sait inacceptables par Bruxelles, il se dirige vers l’échec des négociations sur le Brexit.

Il fera ensuite face à la Chambre des communes, qui devrait tout faire pour l’empêcher de sortir de l’Union européenne sans accord le 31 octobre. Un tel blocage pourrait être l’excuse nécessaire à la convocation d’élections législatives anticipées.

Le pari est risqué, comme le montre cette élection partielle. Mais son résultat souligne aussi l’effondrement du Parti travailliste, qui faisait encore 18 % dans la circonscription en 2017. Les louvoiements sur le Brexit de son leader, Jeremy Corbyn, lui ont fait perdre une large partie de sa popularité.

M. Johnson pourrait donc tenter de s’imposer dans un paysage politique éclaté entre quatre partis : conservateurs, Parti du Brexit, libéraux-démocrates et travaillistes. Le coup de dé est loin d’être gagné d’avance, mais la situation actuelle paraît difficilement tenable. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Brexit : Boris Johnson en route vers le « no deal »

Eric Albert (Londres, correspondance)


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