Algérie, l’infatigable révolution

jeudi 24 octobre 2019.
 

33 semaines consécutives de révolte.

Cette date coïncide également avec celle des manifestations du 4 octobre 1988, lorsque les Algériens sont sortis en masse dans la rue, malgré la répression, réclamer la fin du monopartisme et l’instauration d’une démocratie.

Depuis la démission de l’ancien président Abdel Aziz Bouteflika, c’est l’armée qui est devenue la nouvelle cible des manifestants qui, chaque vendredi, scandent « Madanya, machi Aâskaria ! » (« Etat civil, jamais militaire ! »). Son rôle caché mais prééminent dans les affaires de la scène politique algérienne n’a jamais été un secret ; c’est d’ailleurs le chef d’état major, Ahmed Gaïd Salah, qui s’est positionné comme le « nouvel homme fort » du pays.

Cette situation a fait paraître un nouveau clivage politique, dépassant le classique progressistes/conservateurs, quant à la place de l’armée dans le processus de transition. De fait, des appels au boycott ont été lancés par l’opposition et les militants dès l’annonce de la prochaine élection présidentielle prévue le décembre prochain. « On ne participera pas à des élections organisées par la mafia, ils seront seuls aux urnes ! », revendique Samy, étudiant oranais de 25 ans. « Si le Hirak [le mouvement, NDLR] doit prendre un an, qu’il prenne un an ! », ajoute-il.

Sans surprise, la promesse de neutralité de l’armée exprimée par le général ce dimanche 29 septembre n’a pas été suffisante pour rassurer le peuple, ni à mobiliser l’opposition qui, quasi-unanimement, a décidé de ne pas participer aux prochaines élections.

Jugement historique et arrestations

C’est un jugement ébouriffant qui s’est déroulé à 60km d’Alger le 25 septembre dernier. Le tribunal militaire de Blida condamnait Saïd Bouteflika, le frère de l’ancien président algérien, ainsi que Mohamed Mediène, chef de service de renseignements de 1990 à 2015 et le général Athmane Tartag, son successeur, à quinze ans de prison ferme pour « atteinte à l’autorité de l’armée » et « complot contre l’autorité de l’Etat ». Jugés par concomitance, l’ancien ministre de la défense, le général Khaled Nezzar, son fils Lotfi et l’homme d’affaires Belhamdine Farid, actuellement en fuite en Espagne, ont été condamnés à vingt ans de prison. Bien qu’il s’agisse de figures du système Bouteflika, ces condamnations les concernant sont décriées comme étant des manœuvres politiciennes de l’armée dont l’objectif est créer un semblant de renouveau et discréditer ainsi les revendications du peuple.

La militante de gauche, figure de l’opposition algérienne et secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune a été condamnée au même titre que les deux patrons des services secrets déchus à 15 années de réclusion criminelle pour avoir participé à des réunions « secrètes » avec les anciens hauts dignitaires. Ses avocats dénoncent une « détention politique » et un « procès politique » qui s’est déroulé en 48h avec des chefs d’accusation « inexistants ».

Fidèle à ses valeurs communistes, sa première arrestation date de 1983 lorsque le service de la sécurité militaire l’emprisonne durant six mois pour avoir distribué des tracts réclamant la fin du parti unique. Son deuxième séjour en prison a eu lieu après les révoltes de 1988 et a duré quelques jours durant lesquels elle « entendai[t] les râles et les cris des jeunes qu’on torturait, racontera-t-elle dans un entretien à Jeune Afrique. La prison a forgé mon destin. Les mois que j’y ai passés constituent le socle de mon engagement politique. » Néanmoins, cette dernière arrestation est inquiétante du fait de l’âge avancé de Louisa Hanoune et de son état de santé.

Par ailleurs, le régime en panique a procédé à l’arrestation d’une centaine d’individus, souvent de manière arbitraire : des militants, des étudiants ou de simples citoyens sont arrêtés chez eux, dans la rue ou dans les cafés, puis systématiquement placés en détention provisoire.

Reda Merida


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