Précarité étudiante : le cinq décembre dans toutes les têtes

dimanche 17 novembre 2019.
 

Mardi 12 novembre, plus de 40 manifestations contre la précarité étudiante ont eu lieu en France après l’immolation d’Anas K., étudiant lyonnais. Alors que le gouvernement cherche à temporiser, la galère étudiante devient une question éminemment politique à l’approche du 5 décembre. Reportage à Toulouse.

« J’ai un pote à Paris, qui faisait ramollir ses pâtes dans de l’eau froide au lieu de les cuire, parce que le gaz, ça lui coûtait trop cher », raconte Paul, alors qu’on se déplace du campus toulousain de l’université du Mirail vers le centre-ville, où a lieu un rassemblement devant le CROUS.

Des histoires de pates froides, les étudiants peuvent en raconter des milliards, elles font partie de ces rengaines auxquelles on ne prête même plus attention.

« Après avoir payé mon loyer je n’ai plus que trente euros, pour faire le mois. » Paul, master 1

« Ma chambre universitaire est très humide, noircie, mon four est par terre. » Camille, première année de licence.

« Dans la famille, on a un salaire pour cinq, je n’ai pas eu de logement au Crous, je vais devoir arrêter les études. » Eirin, première année aussi, dernière sans doute.

« C’est la galère, mais ça va, y a pire », un peu tous.

Quand on entend les étudiants, on a l’impression de se retrouver en novembre dernier. Pour la première fois depuis bien longtemps, les caméras des télés s’étaient massivement braquées sur des individus en gilets fluos parlant de ce que trop longtemps ils avaient tu : leurs conditions de vie. Avec les étudiants, cette fois encore, ce n’est pas la parole qui s’est libérée mais l’écoute qui a pris une nouvelle dimension.

« J’accuse Macron, Hollande, Sarkozy et l’UE de m’avoir tué en créant de l’incertitude sur l’avenir de tous-tes », en mettant des mots et des noms sur ses souffrances, Anas K, l’étudiant lyonnais qui a mis fin à ses jours vendredi 8 novembre en s’immolant devant son CROUS, a fait comprendre que les rengaines qui décrivent la galère étudiante n’avaient rien de normal. Et depuis, quand on les écoute, on prend les étudiants au sérieux.

Le cinq décembre, une date pour les étudiants ?

« Ni Jean-Michel Blanquer, ni Frédérique Vidal n’ont souhaité réagir à la mort de notre camarade, c’est silence radio », s’insurge Marion de Solidaires étudiant.es à Lyon. Mardi 12 au soir, après une première journée de manifestations étudiantes en France, c’est donc Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse, 29 ans, qu’on envoie se faire les dents dans les médias. Il y rappelle les grands chiffres « sur nos 2 300 000 étudiants français, 20% vivent sous le seuil de pauvreté » et promet un revenu universel d’activité, fondant l’ensemble des aides sociales et qui bénéficierait aux étudiants. Au journaliste de France Info qui lui demande s’il ne craint pas que les étudiants rejoignent le 5 décembre et sa grève reconductible annoncée, il répond qu’il « montrera, par ses actes, que le gouvernement est à leur écoute. »

C’est que la journée a été agitée : à Lyon, près d’un millier de personnes se sont rassemblées devant le CROUS, la petite amie d’Anas K. actuellement brûlé à 90%, a pris la parole. Puis le cortège s’est rendu à l’université Lyon 2 où étudiait Anas K. et l’a bloqué. A Lille, la fac a également été bloquée et la visite de François Hollande prévue annulée. A Paris enfin, alors qu’un rassemblement d’un millier de personnes a eu lieu à 18h, les grilles du ministère de l’enseignement ont été enfoncées. En tout ce sont près de 40 lieux de manifestation qui ont vu le jour à travers la France et les militants étudiants se préparent : « Le mouvement étudiant a regardé passer les gilets jaunes et les derniers mouvements sociaux sans s’organiser. Il est temps que les choses changent à l’approche du cinq décembre », explique Raphaël, étudiant et militant au NPA. A Toulouse, une AG pour discuter de la suite du mouvement aura lieu jeudi, pareil à Lyon. Mais il est aussi possible que la mobilisation en reste à cette seule journée d’indignation collective. Si à la faculté du Mirail à Toulouse, deux cents personnes se sont arrêtées pour participer au rassemblement, bien plus nombreux sont ceux qui sont passés à côté sans se retourner.


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