Analyse argumentée des principales dispositions du projet de loi sur les libertés des universités (PRS national)

dimanche 22 juillet 2007.
 

Les dispositions les plus dangereuses et les plus clairement destinées à la mise en place d’un marché de l’enseignement supérieur avec des universités en concurrence sont contenues dans les articles suivants :

- article 11 : perte du contrôle de l’Etat sur la création des composantes des universités

- article 15 : globalisation du budget des universités incluant la masse salariale

- article 16 : libéralisation de la gestion des personnels

- articles 23 et 28 : ouverture aux financements privés via fondations et déductions fiscales pour les donateurs privés

- articles 24 et 25 : transfert de la propriété immobilière et possibilité de valorisation par les universités

Analyse des articles

Article 2

Résumé

Changement de la majorité requise au CA pour les modifications des statuts et des structures de l’université.

On passe d’une condition de majorité des deux tiers des membres présents ou représentés à une condition de majorité absolue des membres en exercice.

Commentaire

L’assouplissement des conditions de modification de la règle suprême (les statuts de l’université) est contraire à la plupart des pratiques en vigueur dans les organisations publiques comme privées. On ne modifie jamais la règle du jeu avec la même majorité que celle utilisée pour les décisions courantes.

Cette mesure risque de déboucher sur une grande instabilité des statuts et des organisations des universités.

Sous couvert de laisser plus de possibilités d’orientations stratégiques au CA, cette disposition réduit aussi la légitimité des modifications statutaires qui règlent pourtant la vie commune de toute l’université.

Cette pratique est contraire aux pratiques en vigueur dans la plupart des organisations :

- règles de modifications de la constitution : parlement convoqué en congrès et majorité des 3/5ièmes ou référendum

- Modification du statut de Conseils d’Administration d’entreprises : procédures diverses la solennité et l’adhésion au vote : convocation d’assemblée générale extraordinaire et majorités qualifiées ...

Article 4

Résumé

Etablit une direction tripartite pour l’administration de l’université :

-  le président = décide

-  le CA = délibère

-  le CS (Conseil scientifique) et CEVU (Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire ) = donnent des avis

Commentaire

-  diminution des pouvoirs du CS et du CEVU = suppression de leur pouvoir d’initiative (proposition, vœux), ne reste que l’avis.

-  Disposition qui, cumulée avec les dispositions de l’article 2 risque d’amoindrir encore la légitimité des décisions prises en CA à l’égard des représentés ...

Article 5

Résumé

Modifie fortement les règles d’élection du président d’université :

-  n’est plus élu par les 3 conseils réunis mais par les seuls membres élus du CA (ce qui exclut les personnalités extérieures du vote)

-  ne sera plus forcément un enseignant chercheur permanent en exercice dans l’université, mais devra seulement avoir vocation à enseigner dans l’enseignement supérieur (ce qui autorise l’élection d’une personnalité extérieure comme président)

-  son mandat est réduit de 5 à 4 ans mais il est désormais renouvelable une fois

Commentaire

Cet article réduit le poids des représentants des étudiants et des personnels non enseignants dans la désignation du président (ceux-ci sont en effet mieux représentés dans le CEVU qui est désormais écarté de la désignation du président).

Cet article rompt aussi le lien historique qui liait la présidence d’université au corps des enseignants chercheurs. Ce lien statutaire contribuait à garantir la vocation de service public de la fonction de président ainsi que sa légitimité et son autorité pour animer la communauté enseignante de l’université. Ce ne sera plus forcément le cas avec une personnalité extérieure dont le lien avec le service public d’enseignement supérieur pourra être fluctuant.

Combiné avec le net renforcement des pouvoirs du président, il n’est pas certain que cette disposition renforce réellement la légitimité et l’autorité du président.

Issu d’une majorité beaucoup plus restreinte qu’auparavant, un président personnalité extérieure risque d’avoir des difficultés pour faire accepter ses décisions en matière d’affectation des enseignants chercheurs et de gestion de leur service et de leurs indemnités. Cette situation risque de multiplier les blocages, alors que le texte est justement censé les réduire.

Article 6

Résumé

Dans la volonté de faire du CA un plus grand « stratège » :

- plus grande autonomie pour chaque université dans la composition du CA

- resserrement des effectifs de membres

- plus grande ouverture aux personnalités extérieures nommées par le président + approuvées par le CA

Composition : 20 à 30 membres (contre 30 à 60 aujourd’hui) dont :

- 13 à 22 représentants élus des étudiants et personnels :

o 8 à 14 représentants enseignants-chercheurs, 4 professeurs des universités

o 3 à 5 étudiants

o 2 à 3 représentants des personnels administratifs (indifféremment ingénieurs, techniques, ouvriers et de services)

- 7 à 8 personnalités extérieures :

o 1 pers. min ayant obtenu un diplôme dans l’université + au moins 2 ans d’activité Pro hors université

o 2 pers. min désignées au titre des entreprises

o 1 représentant du Conseil régional désigné par le conseil

Pouvoirs du CA :

- création de fondations

- édiction du règlement intérieur

- élaboration des règles concernant les examens

- approbation d’un rapport d’activité annuel présenté par le président

Commentaire :

- Changement des équilibres de représentation :

moins d’étudiants (on passe d’une échelle de 20/25 % à 15 % avec la loi)

plus de personnalités extérieures (on passe d’une échelle e 20/25 % à 35% avec la loi)

introduction des ingénieurs dans le personnel IATOS =) possibilité de ne nommer que des ingénieurs et d’exclure les ouvriers de la représentation du personnel

 renforcement de la présence de représentants extérieurs au détriment des personnels et étudiants

Article 7

Résumé :

Changement de composition du Conseil Scientifique (CS) : augmentation de la représentation des étudiants de 3ième cycle : on passe d’une fourchette de 7,5/12,5 % à une fourchette de 10/15 %.

Le rôle consultatif du CS est maintenu mais il perd son pouvoir de proposer au CA les orientations des politiques de recherche de l’établissement.

Commentaire :

Le conseil perd son pouvoir de proposition et devient un simple organe consultatif. Tous les pouvoirs d’initiative en matière de recherche et de documentation sont désormais concentrés dans les mains du CA.

Article 8

Résumé :

Le Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire (CEVU) n’aurait plus qu’un rôle consultatif. Il ne pourrait plus qu’émettre des avis.

Un vice président étudiant sera certes systématiquement élu en son sein (ce qui n’est pas obligatoire aujourd’hui), chargé des questions de vie étudiantes et des liens avec les centre régionaux des œuvres universitaires et scolaires.

Commentaire :

Le CEVU perd tout pouvoir de proposition au Conseil d’administration. Il n’a plus qu’une compétence consultative en plus de son rôle de garant des libertés syndicales et politiques dans l’université. Cela constitue une diminution du rôle de cet organe représentatif des étudiants, usagers de ce service public. Cette disposition va à rebours du mouvement de démocratisation de l’enseignement supérieur engagé en 1968 et élargi en 1984.

Article 11

Résumé

Modifie les règles de création de composantes des universités :

-  les UFR pourront désormais être créées ou modifiées par simple délibération du CA, alors qu’auparavant elles l’étaient par un arrêté du ministère

-  les instituts ou écoles internes seront toujours créées par décret mais désormais uniquement sur proposition du CA ce qui réduit l’initiative de l’Etat

Commentaire

Cet article réduit la maîtrise de l’Etat sur l’organisation des universités. Cela risque d’aggraver l’hétérogénéité des découpages universitaires et limite fortement la capacité de l’Etat à piloter l’offre de formation supérieure (en spécialisant ou au contraire en déspécialisant certaines universités en fonction de l’intérêt général de l’aménagement du territoire comme l’Etat peut aujourd’hui le faire).

Cet article donne ainsi aux universités le moyen de se débarrasser de certaines formations qu’elles jugeraient moins prioritaires ou trop coûteuses, en lien notamment avec les préoccupations exprimées par les personnalités extérieures du CA ou les financeurs privés de l’université. Il y a un risque réel que plus personne ne prenne en compte la cohérence et la continuité de l’offre de formation universitaire à l’échelle d’une grande région.

Article 15

Résumé

Donne la possibilité aux universités de recevoir leurs dotations d’Etat sous la forme d’un budget global incluant la masse salariale.

Ce budget global serait contractualisé de manière pluriannuelle.

Le passage au budget global nécessitera une délibération simple du CA et devra être approuvé par arrêté du ministère. En tout état de cause le budget global s’appliquera automatiquement à toutes les universités à horizon de 5 ans (en vertu de l’article 32 du texte).

Commentaire

La globalisation permettra aux universités de redéployer leur moyens : par exemple supprimer des emplois pour investir plus fortement dans l’équipement. La seule limite à ces marges de manœuvre est l’existence d’une sous enveloppe limitative de masse salariale à l’intérieur du budget global. Cela signifie que l’on ne pourra pas redéployer des crédits de fonctionnement ou d’équipement pour payer des personnels supplémentaires. La globalisation comporte d’importants risques de gestion pour les universités car la contrainte de la masse salariale est aujourd’hui maîtrisée par l’Etat qui peut amortir au niveau national un éventuel dérapage salarial imprévu sur une université. La prévision de masse salariale est en effet très complexe car elle obéit à de multiples facteurs qui ne sont que très partiellement maîtrisés par l’université (avancement statutaire, mutations, évolution des indices et des grilles ...). Il y a donc un risque réel qu’une université soit contrainte de financer sur sa dotation globale des surcoûts de masse salariale dont elle ne serait pas directement responsable. Aucune garantie n’est prévue dans le texte pour éviter ce genre d’aléa.

La globalisation peut ainsi devenir un instrument pour masquer le désengagement budgétaire de l’Etat. Dans un contexte de restriction budgétaire, l’Etat reporte sur les universités la responsabilité des arbitrages entre les différentes priorités : profs, IATOSS, équipements, formations ...

Cette globalisation va nécessairement conduire les présidents à une course aux économies de court terme pour dégager des marges de manœuvre. Ainsi la tentation sera très grande pour soulager la masse salariale de se débarrasser des enseignants statutaires les plus vieux et les plus coûteux. La globalisation risque ainsi de devenir un frein puissant à la mobilité globale des enseignants. La globalisation incitera les présidents à privilégier les embauches de contractuels dont la progression salariale n’est pas garantie dans le temps par un statut.

En l’absence de tout engagement budgétaire solide de l’Etat (qu’aurait permis une loi de programmation) et de toute garantie quant à la prise en charge par l’Etat des aléas de masse salariale, la globalisation peut devenir un redoutable piège budgétaire pour les universités.

Article 16

Résumé

Cet article renforce l’autonomie des universités dans la gestion des personnels :

-  le CA fixera les principes de répartition des obligations de service des personnels enseignants et de recherche (dans le respect des obligations statutaires)

-  le président pourra recruter à durée indéterminée ou déterminée des contractuels pour assurer des fonctions techniques et administratives et des fonctions d’enseignement et de recherche (après avis du comité de sélection qui remplace les commissions disciplinaires de spécialistes)

-  le président attribue les primes à tous les personnels affectés à l’établissement, qui peuvent être complétées par des dispositifs d’intéressement votés créés par le CA

Commentaires

Combiné au budget global, cet article crée toutes les conditions pour la mise en place d’un marché des enseignants chercheurs. Par le jeu des recrutements de contractuels désormais totalement libéralisés et des modulations indemnitaires, les universités vont se livrer une guerre féroce pour attirer les meilleurs enseignants.

Elles auront des armes très inégales dans cette bataille compte tenu de l’inégalité d’accès aux ressources que va induire l’ouverture aux financements privés (fondations art 23 et déduction fiscale sur les dons des entreprises art 28) et la possibilité de valoriser le patrimoine immobilier transféré par l’Etat.

Aucun mécanisme de régulation de ces marges de manœuvre n’est prévu. Le risque de substitution massive d’emplois de contractuels à des emplois statutaires est en particulier réel et risque d’aggraver la précarité déjà importante dans beaucoup d’universités. Des études menées sur le système britannique montre que la généralisation des statuts précaires des enseignants chercheurs conduit à un rétrécissement et à un éclatement des travaux de recherche qui est nuisible au progrès scientifique. Cette préférence pour le court terme va affaiblir les programmes de recherche les plus lourds qui nécessitent un travail de longue haleine.

Article 17

Résumé

Cet article confirme d’abord la liberté d’inscription des bacheliers à l’université.

Mais il généralise ensuite une procédure de pré inscription comportant un dispositif d’information et d’orientation. Le non respect de la procédure d’inscription pourra permettre à l’université de refuser l’inscription d’un étudiant.

Commentaire

L’idée de renforcer les dispositifs d’information et d’orientation entre le lycée et l’université est louable.

Mais il existe un risque que la procédure de pré inscription soit détournée par certaines universités pour filtrer les candidats en fonction de leurs dossiers. Le dispositif d’information et d’orientation pourra en effet être un moyen pour l’université de recueillir des informations sur le parcours scolaire de l’élève. Dans un contexte de concurrence et de pression sur les résultats, la tentation sera grande d’essayer à cette occasion de dissuader certains jeunes de s’inscrire.

En tout état de cause, c’est moins au niveau de l’information des jeunes que de l’évolution de l’offre de formation qu’il faudrait agir pour résoudre les importants problèmes d’orientation.

La procédure proposée ne changera rien à l’orientation par défaut vers l’université de milliers de bacheliers professionnels et technologiques qui sont refoulés des IUT et STS qui correspondraient pourtant le mieux à leur profil. Ces formations post-bac recrutent en effet essentiellement des bacheliers généraux qu’elles trient en fonction de leurs résultats. Ce n’est pas d’informer les élèves refoulés qu’ils auront des difficultés en 1ère année de droit ou de sociologie qui changera quoi que ce soit. Ils le savent déjà et ne s’y inscrivent pas par choix mais par défaut. Parce que le système éducatif n’offre pas aujourd’hui une vraie poursuite d’étude qualifiante dans le supérieur pour les bacheliers professionnels et technologiques.

Tant que l’on aura pas repenser globalement l’offre de formation supérieure en 1er cycle, en développant massivement des formations adaptées aux bacheliers technologiques et professionnels, tous les dispositifs d’information et d’orientation resteront inefficaces.

Article 21

Résumé

Cet article supprime les anciennes « commissions de spécialistes » et les remplace par un « comité de sélection » pour le recrutement des enseignants-chercheurs sur les postes vacants : ce comité est désigné par le CA restreint aux représentants élus des enseignants-chercheurs, des chercheurs, et des personnels assimilés. Nouvelle composition : au moins 50% d’enseignants chercheurs extérieurs à l’université, d’un rang au moins égal à celui postulé par le candidat. Personnes choisies pour leurs compétences et majoritairement parmi les spécialistes de la discipline concernée. Ce qui ne change pas :

-  sont uniquement admises à postuler les personnes figurant sur la liste de qualification établie par l’instance nationale compétente

-  La procédure de recrutement par concours national spécifique aux disciplines juridiques, politiques et économiques n’est pas remise en cause.

Commentaire

Cette nouvelle procédure réduit le caractère purement disciplinaire (aujourd’hui les commissions de spécialistes sont mono-disciplinaires) et purement localiste (les commissions sont aujourd’hui composées d’enseignants de l’université). Cela casse en partie le pouvoir de cooptation des enseignants au sein des différentes UFR et écoles.

Au demeurant, les principes directeurs de cet article qui vise à ouvrir les recrutements reprennent le champ lexical de la concurrence pure et parfaite : « plus réactive », « plus ouverte » (= libre circulation), « plus transparente ».

Article 23

Résumé

Cet article autorise les universités à créer, en leur sein, des fondations, non dotées de la personnalité morale dont les règles de fonctionnement seront fixées, au cas par cas, et approuvées par le conseil d’administration de l’établissement.

Commentaire

La création de fondations par les universités leur permettra de collecter des financements privés, provenant d’entreprises ou d’autres personnes privées (associations de toutes sortes). Personne ne peut croire que ces donateurs le feront de manière totalement désintéressée. Surtout quand on connaît l’usage stratégique et mercantile que nombre de grandes firmes font désormais du mécénat. L’intérêt commercial des financeurs aura donc nécessairement un impact sur l’orientation de l’offre de formation des universités et leur politique de recherche. Avec un risque réel de sélection des formations et des recherches en fonction de leur rentabilité en terme de collecte de financements privés.

Il est révélateur que la création de fondations soit le seule angle sous lequel le projet de loi aborde le financement des universités. Le texte propose même de dispenser ces fondations de personnalité morale pour pouvoir les créer très rapidement (il faut, dans le cas contraire, créer une association de préfiguration et suivre une procédure dont la durée est d’environ 2 ans). L’urgence absolue serait donc de développer les financements privés plus que les financements publics. L’Etat ne prend en effet aucun engagement formel comme il aurait pu le faire dans une loi de programmation. A la lecture du projet de loi l’ouverture aux financements privés est donc là pour pallier à court terme la défaillance de l’Etat. Cette logique n’est pas acceptable si l’on considère toujours l’université comme un service public.

Les universités seront très inégalement placées dans la chasse aux financements. Certaines, les plus grosses et prestigieuses pourront accéder aux gros financeurs que sont les firmes multinationales de l’industrie et des services, dont les investissements en mécénat sont considérables. D’autres universités devront se contenter des maigres dotations qu’elles pourront glaner dans le tissu économique local, essentiellement en provenance de PME. Cette inégalité d’accès aux financeurs privés va déboucher très rapidement sur de colossales inégalités de ressources entre les universités. L’Etat pourra certes alors concentrer ses financements sur les universités les plus pauvres, mais il validera alors complètement un système universitaire à deux vitesses et perdra toute capacité à garantir les mêmes objectifs de service public sur l’ensemble du territoire. Les universités les plus riches et les moins dépendantes des financements publics se sentiront en effet moins que jamais liées par les objectifs d’intérêt général que le pays pourrait vouloir leur imposer.

Article 24

Résumé

Cet article autorise l’Etat à transférer aux universités demandeuses la propriété de leur patrimoine mobilier et immobilier. Une convention de transfert devra prévoir de manière contradictoire les modalités de mise aux normes par l’Etat du patrimoine transféré.

Commentaire

Combiné avec l’article 25 qui autorisera les universités à vendre les biens transférés par l’Etat, ce transfert de propriété va encore aggraver les inégalités entre universités. Selon que leurs locaux sont situés en centre ville ou en périphérie, à Paris ou dans des villes de province, la valorisation de leur patrimoine sera très inégale.

En l’absence de tout mécanisme de péréquation, ce transfert va accélérer la marche complète vers un système universitaire à deux vitesses. D’un côté les universités qui ont le patrimoine le plus précieux demanderont tout de suite le transfert de propriété. Bien souvent ce sera aussi celles qui sont déjà les plus riches et prestigieuses et celles qui collecteront le plus de fonds dans les fondations. A l’inverse, les universités dont le patrimoine sera moins facilement valorisable seront moins tentées d’en réclamer le transfert, surtout quand il est en très mauvais état, ce qui est souvent le cas des mêmes universités.

Ces dispositions sur le transfert optionnel de propriété, cumulées à celles sur les fondations risquent ainsi de conduire à brève échéance à l’instauration d’un système universitaire dual, dont les deux dimensions (université d’excellence et université de service public de proximité) n’auront plus du tout les mêmes objectifs. C’est exactement ce qui s’est produit aux Etats-Unis où existent clairement deux types d’universités : les plus prestigieuses ont vu leur niveau et leurs performances s’envoler tandis que la masse des autres établissements a largement régressé. Il n’est pas sûr que le niveau global de formation du pays y ait gagné.

Article 25

Résumé

Cet article autorise la vente par les universités des biens transférés par l’Etat.

Commentaire

Même argumentaire que pour l’article 24. En l’absence de mécanisme de péréquation, cet article va conduire à des inégalités béantes de ressources entre les universités.

Article 28

Résumé

Cet article assouplit la procédure permettant aux universités de recevoir des dons qui sont éligibles à une réduction d’impôt.

Commentaire

Le code des impôts prévoit déjà une réduction d’impôt pour les dons à des établissements d’enseignement supérieur. Celle-ci n’est toutefois possible que si les universités concernées ont été spécifiquement agréées pour cela par les ministères des finances et de l’enseignement supérieur. Aucun agrément n’existant à ce jour, cette disposition n’était quasiment pas appliquée.

En supprimant l’obligation d’agrément des universités, cet article va faciliter l’octroi d’une réduction d’impôt aux donateurs. Il peut s’agir d’une réduction d’impôt sur le revenu pour les particuliers (de 66 % des sommes versées dans la limite de 20 % du revenu imposable) ou d’une réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises (de 60 % des sommes versées dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires).

Combinée avec la création des fondations, cette réduction d’impôt va créer un effet d’aubaine pour de nombreux financeurs privés. Non seulement ils pourront poursuivre leurs objectifs commerciaux en finançant certains programmes de recherche des universités, mais ils y gagneront en plus sur le plan fiscal.

On ne comprend pas pourquoi l’Etat est prêt à dépenser tout de suite de l’argent (en réductions d’impôts) pour faciliter les financements privés et qu’il refuse toute loi de programmation des financements publics. Les sommes, potentiellement importantes, que le budget de l’Etat consacrera à ces réductions d’impôts n’auraient-elles pas été mieux utilisées si l’Etat les avait directement versé aux universités ? Le choix des réductions d’impôt traduit un choix idéologique du gouvernement en faveur des financements privés.

D’autant que cela conduira à conforter encore les cadeaux fiscaux en faveur des plus riches (la moitié la plus aisée des ménages qui paie l’impôt sur le revenu et les entreprises qui font des bénéfices), dont le gouvernement est un grand promoteur


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