Les classes moyennes, c’est quoi ?

samedi 21 décembre 2019.
 

Les classes moyennes, c’est quoi ?

La dégradation ou stagnation du pouvoir d’achat et plus généralement des conditions de vie de larges couches de la population, le mouvement des Gilets Jaunes la croissance du sentiment d’injustice dans un contexte d’instabilité économique et financière réactivent une multitude de discours sur les « classes moyennes ». Mais peut-on cerner ce que sont réellement les classes moyennes ?

1–Texte 1

Source : La Toupie http://www.toupie.org/Dictionnaire/...

L’expression "classe moyenne" désigne la partie de la population qui, par son niveau de vie, se situe entre les classes aisées et les classes les plus pauvres.

La classe moyenne est constituée d’un ensemble hétérogène de classes sociales qui varie selon les époques et les pays. On distingue en général : •la classe moyenne supérieure (cadres, ingénieurs, professeurs d’université, professions intellectuelles supérieures. Les professions libérales sont associées aux classes aisées).

la classe moyenne inférieure (travailleurs sociaux, infirmières, instituteurs, professions intermédiaires, comme les contremaîtres, une partie des employés, etc.).

La notion de "classes moyennes" est apparue au XIXe siècle après la fin des sociétés organisées par ordre (noblesse, clergé, tiers état en France) et le développement de la société industrielle. Elles sont constituées des groupes sociaux qui n’appartiennent ni à la bourgeoisie, ni au prolétariat. Les classes moyennes correspondent à ce que Karl Marx qualifie de petite bourgeoisie, disposant d’un minimum de capital, mais pas suffisant pour pouvoir en vivre : petits propriétaires terriens, petits commerçants, petits industriels, artisans et employés. A partir de 1930, on constate un déclin des classes moyennes indépendantes (paysans, commerçants, artisans.) tandis que se développent les classes moyennes salariées, notamment pendant les "Trente glorieuses".

2–Texte 2

Source : La Montagne 28/09/2017 https://www.lamontagne.fr/clermont-...

La classe moyenne constitue un groupe social aux contours flous dont il n’existe pas de définition objective et unanimement reconnue. Exemples : •L’Observatoire des inégalités définit les classes moyennes comme correspondant aux salariés qui gagnent entre 1 200 et 1 840 euros par mois, chiffres obtenus en prenant les 40 % de salariés situés au-dessus des 30 % les moins payés et en dessous des 30 % les mieux payés.

Le sociologue Louis Chauvel propose une définition qui élargit la classe moyenne à 60% des salariés, dans laquelle il distingue une classe moyenne inférieure, une intermédiaire et une supérieure, les salaires étant compris entre 1 143 et 3 429 euros par mois.

En termes de perception, environ les deux tiers des Français se placent spontanément parmi les classes moyennes, celles-ci étant souvent perçues comme un "idéal raisonnable" qui permet d’accéder à la société de consommation sans "la culpabilité de la classe possédante".

Ni vraiment riche, ni vraiment pauvre, la classe moyenne est un entre-deux dont on peine à définir les contours d’autant qu’on en parle souvent au pluriel. Alors classe moyenne, classes moyennes ? Avez-vous une tête de la classe moyenne ? Tapez « classe moyenne » avec ou sans « s » dans un moteur de recherches et vous croulerez sous les tentatives de définition car « les classes moyennes se trouvent au coeur de nombreux débats, essentiellement sous l’angle de la question des inégalités sociales. » « L’utilisation de la notion de classes moyennes n’est donc jamais neutre et implique une certaine lecture de la réalité sociale », expliquent Virginie Gimbert et Arnaud Rohmer dans une note de veille du Centre d’analyse stratégique en 2009.

En France, on notera que la nomenclature française des professions et catégories socioprofessionnelles, qui date de 1982, y regroupe les professions intermédiaires, une partie des cadres supérieurs et des employés. Qu’en 2009, entre la moitié et les trois quarts des Français, se classaient spontanément parmi les classes moyennes. Que ses membres se retrouvent dans la hantise du déclassement, et la volonté farouche de hisser ses enfants plus haut que soi par l’éducation, principal moteur de cette ascension sociale. Les classes moyennes seraient encore l’ensemble des individus disposant d’un revenu proche du revenu médian.

Entre les classes populaires et les nantis : à partir de quel seuil de revenus appartient-on à la classe moyenne ?

Une chose est certaine : la ou les classes moyennes sont une expression commode, un fourre-tout dont sont spontanéments exclus les plus pauvres et les plus riches d’entre nous. Mais comme on est, toujours et à la fois, le pauvre et le riche de quelqu’un, à partir de quel seuil de revenu appartient-on à la classe moyenne ? 50% ou deux Français sur trois ?

Deux études publiées en 2016 ont tenté de répondre à cette question.

a) Évaluation de France stratégie

La première conduite par France Stratégie, organisme de réflexion, d’expertise et de concertation placé auprès du Premier ministre, s’est inspirée de la méthodologie développée par le centre de recherche indépendant américain Pew Research Center. Selon cette étude, appartiennent aux classes moyenne ceux dont dont le niveau de vie est compris entre les deux-tiers et le double du niveau de vie médian (le revenu au-dessous duquel se situent 50 % des revenus) soit entre 1.181 et 3.544€. L’une des conclusions de l’étude conduite par France Stratégie était que la classe moyenne regroupait plus des deux tiers de la population française adulte en 2012.

Revenu médian. C’est le revenu situé au milieu de l’échelle des revenus, tel que la moitié de la population gagne plus et l’autre moitié gagne moins. La dernière donnée de salaire médian en 2017, publiée par l’Insee, concerne l’année 2014 et affiche un salaire annuel net de 21.147 euros ( soit 1.783 euros par mois contre 1.772 € en 2013) en progression de 0,6 % par rapport à 2013 soit la plus faible progression enregistrée depuis 1995, date des premiers chiffres disponibles. [Complément : Le salaire net médian mesuré en équivalent temps plein par l’Insee se monte à 1.789 euros par mois selon les dernières statistiques disponibles (2016, contre 1.797 euros en 2015), dont 1.639 euros pour les femmes et 1.899 euros pour les hommes, hors salaire des apprentis et des stagiaires.21 juil. 2017]

b) Évaluation selon l’observatoire des inégalités. L’Observatoire des inégalités s’est attaché, lui, au revenu disponible, le seuil de pauvreté étant fixé à la moitié du revenu disponible médian (après impôts et prestations sociales) et le seuil de richesse au double. La classe moyenne est donc celle dont le revenu disponible est compris entre 1.743 et 4.099 euros mensuels ce qui concerne 50 % de la population située entre les catégories populaires (les 30 % les moins aisés) et riches ( les 20 % les plus aisés).

Revenu disponible : le revenu disponible d’un ménage comprend les revenus d’activités (nets des cotisations sociales), les revenus du patrimoine, les transferts en provenance d’autres ménages et les prestations sociales (y compris les pensions de retraite et les indemnités de chômage), nets des impôts directs. En conclusion selon l’une ou l’autre étude, si vous êtes célibataire et sans enfant, et que vous gagnez le SMIC vous faites partie des gens modestes, alors qu’à 4. 000€, vous êtes déjà riche.

Géraldine Messina Fin de l’article

3–Texte 3 : Approche de Wikipédia.

Source : Wikipédia. Les classes moyennes (extrait) https://fr.wikipedia.org/wiki/Class...

Définitions

En France, la notion de classe moyenne a émergé dans le discours politique avec la création de l’impôt sur le revenu en 1914 (seulement mis en œuvre en 1920 à cause de la Première Guerre mondiale) ; cette notion étant floue et de plus liée à la propre perception de chaque personne, la majeure partie de la population considère en faire partie tout en ayant un sentiment grandissant d’en sortir par le bas1. Le concept se renforce dans la période des Trente Glorieuses qui a vu l’émergence entre les ouvriers et les cadres d’une classe intermédiaire « ni riche, ni pauvre »2.

Tout en admettant « qu’il n’y a pas de consensus sur les frontières exactes de cet ensemble », l’économiste Éric Maurin et la sociologue Dominique Goux3 estiment que « la composition de son noyau central semble difficile à contester » avec : d’un côté, le petit patronat traditionnel : dont artisans, commerçants, agriculteurs. de l’autre, un vaste salariat intermédiaire désigné par l’Insee comme professions intermédiaires : techniciens, professeurs des écoles, cadres B de la fonction publique, représentants de commerce, etc.

Maurin et Goux indiquent que contrairement au sentiment de déclassement qui s’amplifie, il n’y a pourtant pas de déclassement en France, par exemple la proportion de propriétaires continue d’augmenter, y compris chez les jeunes. Ayant grandi en nombre depuis les années 1960 où la classe ouvrière était majoritaire, la classe moyenne représenterait selon eux 30 % de la population active occupée. La notion de classe moyenne restant floue, ce chiffre peut aller jusqu’à 60 % de la population active selon ce qu’on inclut, c’est-à-dire en y ajoutant également les professions intermédiaires et les cadres exclus des catégories supérieures qui peuvent se sentir « trop riches pour bénéficier de l’aide sociale et pas assez pauvre pour éviter l’impôt »4,5.

Jörg Muller, chargé de mission au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), définit la classe moyenne comme les « 50 % des ménages dont le revenu brut disponible n’appartient ni aux 30 % les plus modestes, ni aux 20 % les plus aisés ». En France, cela représente environ 38 millions de personnes1. Cette définition se base sur le revenu fiscal par ménage en France et sa décomposition en déciles ; ainsi sur les revenus déclarés en 2011, 30 % de la population gagne moins de 1 428 euros net par mois et 80 % moins de 2 569 euros par mois, entre ces deux bornes se situe la classe moyenne.

Au-delà des revenus, une autre approche consiste à considérer le revenu disponible qui prend en compte également la composition familiale en tant qu’unité de consommation et déduction faite des impôts directs2. Dans une étude parue en 2019 et intitulée « Riches, pauvres et classes moyennes : comment se situer ? », l’Observatoire des inégalités propose également de définir comme appartenant aux classes moyennes les personnes situées entre les 30 % les plus pauvres et les 20 % les plus riches : à cette aune, le niveau de vie mensuel – c’est-à-dire les revenus après impôts et prestations sociales – des classes moyennes est situé entre 1 265 et 2 275 euros par mois pour une personne seule, entre 2 468 et 4 423 euros pour un couple sans enfant et entre 3 302 et 5 743 euros pour un couple avec deux enfants6.

En 2008, un rapport de la banque Goldman Sachs définissait la classe moyenne mondiale comme étant l’ensemble des individus qui gagnent entre 4 600 et 23 000 euros annuels7.

En Suisse, l’Office fédéral de la statistique choisit comme définition de la classe moyenne l’ensemble des revenus compris entre 70 % et 150 % du revenu médian8.

Perspective marxiste

Selon les théories établies au XIXe siècle par Karl Marx, la petite bourgeoisie, comme une classe capitaliste, regroupe essentiellement des catégories socio-professionnelles telles qu’artisans, petits commerçants, boutiquiers, ou petits agriculteurs propriétaires. Dans la vision de Marx, la petite bourgeoisie a peu de pouvoir de transformer la société car elle ne peut guère s’organiser, la concurrence du marché positionnant ses membres « les uns contre les autres ». De plus, sa conscience subjective de constituer une classe « en soi » est absente.

L’émergence dans la deuxième moitié du XXe siècle d’une vaste classe moyenne ainsi que la déclin quantitatif de la classe ouvrière — en France à partir de 1970 environ — a lancé un défi de nature sociologico-historique au concept de lutte des classes. Pour certains, ces évolutions sociologiques invalident le concept de lutte des classes, qui doit alors soit être remplacé par d’autres modes d’action politique (par exemple le réformisme sous l’action de l’État), soit d’autres cadres de lutte.

Pour d’autres, le concept de lutte des classes garde toute sa validité. L’idée de classe moyenne était pris en compte par Karl Marx qui estimait qu’elle était vouée à l’assimilation avec le prolétariat. Au XXe siècle, l’économiste Paul Boccara pose l’existence d’une nouvelle « classe salariale »9.

4–Document 4 : À la recherche des classes moyennes.

Source : Émission de France Culture « Entendez-vous l’éco ? » Du 27/11/2019 https://www.franceculture.fr/emissi...

5–Document 5. Dossier du Monde diplomatique sur les classes moyennes. Source : le Monde diplomatique de mai 2012 https://www.monde-diplomatique.fr/2...

Cet important dossier traite de la notion de classes moyennes dans différents pays du monde : USA, Chine, Russie, Espagne, France,…

Commentaire sur la notion de classes moyennes.

Comme il est indiqué dans plusieurs textes, la notion de classes moyennes est à la fois hétérogène en termes de revenus et de catégories professionnelles. En outre, les éventails de revenus mentionnés sont élastiques.

De surcroît, remarquons que pour une même catégorie professionnelle ou statut social, l’échelle des revenus peut être très large. Par exemple, pour un artisan plombier, on peut avoir une échelle s’échelonnant de de 1300 € à 8000 € mensuels. Un paramètre qui n’est pas suffisamment pris en compte et le patrimoine immobilier légué ou hérité. Pour fixer les idées, prenons l’exemple d’un ouvrier agricole ayant hérité d’une maison évaluée à 240 000 €. S’il fallait acquérir cette maison avec un emprunt sur 20 ans, le montant des intérêts et de l’assurance pourrait s’élever à 60 000 €. Ce qui fait un coût total de 300 000 € à rembourser. Cela correspond à des mensualités de 1250 € pendant 20 ans . C’est quasiment le motant du SMIC mensuel net en 2019, soit 1227 €. En supposant que cet ouvrier gagne 1100 € par mois, sans être propriétaire et devant louer un logement, il serait considéré comme ne faisant pas parti des classes moyennes. Dans le cas où il est propriétaire et habite cet maison, il peut être considéré comme faisant partietdes classes moyennes, d’autant qu’il peut mettre en location une partie de ce logement et percevoir par exemple 500 € de loyer mensuel. On avait déjà indiqué dans un autre article l’importance du patrimoine pour comprendre la sociologie électorale des Français. Le seul intérêt de cette notion de classes moyennes est d’évaluer si globalement le pouvoir d’achat plus généralement les conditions de vie des gens plus argentés que les 30 % les plus pauvres et moins argentés que les 20 % les plus riches se sont dégradées ou améliorées.

Mais par ailleurs, cette notion four tout de classes moyennes peut servir à occulter les rapports de classes noyer le poisson de la classe dominante

C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons rédigé plusieurs articles concernant la notion de classes sociales en s’appuyant notamment sur les travaux de Jacques Bidet. Rappelons ainsi les liens permettant d’accéder à ces articles.

La notion de classes sociales antagoniques serait-elle obsolète ? Quels rapports de classe aujourd’hui ? http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Partis politiques et classes sociales. Gauche élitaire et gauche populaire. http://www.gauchemip.org/spip.php?a... Classes sociales. Dominant, dominé : de qui parle-t-on ? http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Classes sociales : un concept absent dans l’univers mental des partis politiques majoritaires. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Pourquoi 31 millions de personnes n’ont pas voté Jean-Luc Mélenchon en 2017 ? http://www.gauchemip.org/spip.php?a... Cet article traite notamment des conditions de vie matérielle des Français (niveau des salaires, patrimoine, précarité de l’emploi, etc.)

Hervé Debonrivage


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