Serons-nous bientôt réduits à être des points ?

vendredi 20 décembre 2019.
 

Pour les ministres, nous ne sommes plus des hommes et des femmes, des travailleuses ou travailleurs, des retraités, des jeunes, bref des êtres humains. Nous sommes réduits à des « points ». On doit devenir des « points ». Être payés avec des « points d’indice ». Recevoir une retraite par « points ». Chacun aura son point, ses points et ses points fluctuant au gré des humeurs des marchés financiers.

Il devra se comparer au voisin et se détourner de la solidarité matérialisée par des caisses communes où on contribue par des « cotisations » inclues dans le salaire, pour être protégé et recevoir en cas de maladie et au moment de la retraite les fruits de la partie de son salaire « socialisé ». Le pouvoir veut détruire toutes les solidarités sans exception pour une société du chacun pour soi ; c’est le meilleur moyen de protéger les puissances du capital. Le fond de l’actuelle « contre-réforme » des retraites vise à dépecer les conquis du Conseil national de la résistance pour ouvrir la voie à la retraite par capitalisation. Les « boites à idées » libérale, dont les porte-voix se pavanent toute la journée sur les télévisions d’information en continue, les journaux du monde des affaires ne s’en cachent même pas. (Lire mon texte sur les rapaces de dimanche dernier)

Surtout, les grands vautours sont pressés. L’Humanité de mercredi dernier a montré comment une note du fonds nord-américain BlackRock propose de s’occuper directement de l’argent de l’épargne populaire et des retraites. Ce fonds est déjà au capital de plusieurs entreprises françaises. Le pouvoir macroniste c’est la vente de la France, ses entreprises, l’épargne des travailleurs, les fonds de solidarité aux marchés financiers et à l’étranger. Le macronisme, c’est la finance qui s’empare de nos vies.

Tout ceci se fait dans un incroyable flot de mensonges gouvernementaux, à tel point que ceux-là mêmes qui ont suggéré l’idée d’un projet de retraites à points dont M. Antoine Bozio, maitre de conférence à l’École des hautes études en sciences sociales et directeur de l’Institut des politiques publiques a considéré que le projet exposé par le Premier ministre donne une « impression de formidable gâchis ». Il confirme le flou des propositions et montre que l’objectif est bien de réduire la dépense publique.

Parmi ces tombereaux de mensonges, retenons-en quelques-uns.

- D’abord, j’invite la parlementaire macroniste excitée qui m’insulte un peu partout et qui a déversé sa bille sur une télévision et sur les réseaux sociaux à relire son programme. Oui, le président de la République s’était engagé à ne pas baisser les pensions et à ne pas reculer l’âge de la retraite, voici le texte de son programme : « Nous ne toucherons pas à l’âge de départ à la retraite, ni au niveau des pensions ». Aujourd’hui, il veut de force reculer l’âge de départ réel à 64 ans et cet âge reculera au fur et à mesure des années. Il fait bien référence dans ce programme à « un système universel avec des règles commune de calcul des pensions sera progressivement mis en place ». Mais ceci ne dit strictement rien de la nature dudit « système universel ». Il en existe plusieurs versions dont des versions progressistes.

- La retraite à 1000€ pour tous, à commencer par les paysans. D’abord dire que vivre avec 1000 € est un « progrès social » est totalement honteux. Rappelons que cette même promesse existe dans une loi de 2003 (dans une loi promue par le même M. Delevoye alors ministre) qui devait être mise en application en 2009. Aujourd’hui, le minimum est 980€, ce serait donc un plus de 20€. Mais il y a pire ; la condition est « une carrière complète au smic ». Plus de 22% des paysans aujourd’hui vivent avec moins de 1041€ mensuels.

- Les précaires : ce que cache le pouvoir c’est que SEULES les périodes de chômage indemnisées serait pris en compte ; Ceci induit que la retraite est bien indexé sur les dernières modifications des régimes de l’assurance-chômage imposées par le gouvernement. Celui-ci va faire perdre l’indemnité chômage à des centaines de milliers de précaires et fera donc aussi baisser leur niveau de pension.

- Les organisations syndicales vont gérer le nouveau système : En fait, ils devront le gérer dans le cadre de la trajectoire budgétaire (austéritaire) qu’imposeraient le pouvoir et les institutions européennes. Ajoutons que, par avance, on organise le déficit puisque au-delà de 120 000€ de revenus annuels la cotisation sera de … 2 ,8%. Ces hauts revenus sont donc exonérés de l’effort commun pour diriger leurs moyens vers les fonds de pension.

Ce projet qui n’est plus universel puisque déjà des dérogations sont à l’œuvre. Mais plus généralement et plus profondément, il convient d’analyser l’ensemble des décisions des dernières années comme un tout : les modifications régressives du code du travail, les retouches de la fiscalité en faveur des plus fortunés et du capital, les coups contre les agents publics et les collectivités territoriales, les changements de l’assurance chômage et surtout la loi dite « Pacte » qui a été trop sous-estimée, et maintenant la contre-réforme des retraites, constituent un nouveau bloc pour plier le pays et les travailleurs aux canons des marchés financiers mondialisés. Nous y reviendrons plus en détail.

Patrick Le Hyaric


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message