Sur le recul électoral historique du Parti communiste ( Jean-Claude Lefort, député communiste du Val de Marne)

dimanche 22 juillet 2007.
 

Les résultats obtenus par notre candidate à la dernière élection présidentielle ont placé l’influence du Parti communiste à son niveau le plus bas depuis sa création en 1920. C’est un fait. Un fait historique.

Cette situation place les communistes devant des responsabilités considérables. Les questions sont nombreuses et fondamentales. Elles tournent autour de la question majeure : pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Et conséquemment : que faire maintenant ?

Ce questionnement s’organise aujourd’hui autour de deux grandes démarches.

La première, principalement événementielle, consistant à retenir principalement la période passée récente pour chercher les causes de cette situation.

La seconde, essentiellement historique, consistant à considérer que cette période passée récente est la conséquence et non pas la cause de ce qui nous arrive. Les errements récents, toujours critiquables, n’étant dans cette démarche que le produit de quelque chose de beaucoup plus lourd et non pas la cause.

J’opte pour cette seconde démarche parce que la réalité - qui est la seule à dire le vrai - montre à l’évidence que notre recul historique plonge ses racines dans bien plus loin que les seules dernières années, qu’elles que furent les errements et les maladresses observés durant cette dernière période.

Celles-ci n’étant que le reflet et non pas la cause de notre situation actuelle.

C’est un cycle qui se termine aujourd’hui et non pas une somme d’errements qui seraient réparables.

Cette démarche historique qui est appelée par la réalité évite, en outre, les mises en cause personnelles de qui que ce soit.

L’histoire du parti nous est commune. Elle est partagée par tous.

1. Les faits

Le premier recul électoral significatif que nous ayons enregistré se situe en 1981. Pour la première fois en cette occasion et depuis très longtemps nous sommes alors loin en dessous des 20%, influence qui était la notre depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

1981, on s’en souvient, c’est l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République.

Déjà en 1974 il avait frôlé la victoire tandis que nous n’avions pas présenté de candidat au titre de la formule « un programme commun, un candidat commun ».

Mais un fait politique se manifeste clairement en 1981 : les Français ne sont pas disposés à placer un communiste à la tête de l’Etat. Cette idée, malgré un rebond de courte durée, s’est manifestée encore plus nettement depuis 1981 jusqu’à notre dernier score.

Un second fait s’imprimait en même temps dans la réalité : le Parti socialiste devenait progressivement, malgré l’amertume provoquée par sa gestion, le pôle central autour duquel l’idée de battre la droite pouvait prendre corps et être utilement utilisé pour se rassembler au moment des élections.

Naturellement on sait que des volontés existent d’instaurer en France un système à l’américaine que ne redoute pas la grande bourgeoisie. Elle préfère la droite en direct. Mais elle ne s’effarouche pas d’une présence majoritairement socialiste à la direction des affaires publiques.

Quand la droite fait baisser, disons de 10 points, la situation de notre peuple, la gauche non communiste la fait alors remonter, disons de 2. La différence existe mais elle est de plus en plus faible.

Les programmes des deux finalistes de la présidentielle en témoignent. Au-delà de telle ou telle inclination qui ne les rendait pas semblables, il est surtout à noter le parallélisme de la démarche enserrée dans des « contraintes ».

Chacun des programmes, au contenu différent, était estimé à environ 50 milliards d’euros. Ce chiffre est à rapporter avec le PIB qui est de 2.000 milliards d’euros. Toute une campagne portant sur 0,25% du PIB ! C’est comme si on mettait un moteur de 50 chevaux à un paquebot de 2.000 tonnes. Comment voulez-vous qu’il change de cap avec si peu de puissance ? Impossible.

Cela dit cette volonté de bipolarisation qui est la réalité actuelle ne procède pas d’un « complot » qui aurait réussi. Elle ne nous exonère pas d’une analyse. Car nous avons nos propres responsabilités. Sinon, d’ailleurs, il n’y aurait rien à faire. Ce serait ainsi définitivement.

Non, pour que cette volonté bipartisane fonctionne il faut un terreau politique qui le permette. Et là nous sommes sérieusement questionnés. Pas de décharge possible sur le dos des autres quand bien même ils ne sont pas inactifs.

2. Le programme commun

La conclusion du programme commun s’est réalisée en 1972. Deux ans avant l’échéance présidentielle de 1974.

C’était une idée communiste. L’idée était qu’à défaut de fusionner le PC et le PS il fallait qu’au moins un mouvement de cette nature unitaire approfondie se produise. De nombreux débats ont lieu avant entre communistes et socialistes, inclus une phase de débats idéologiques.

Car l’idée de créer un seul parti, fusionnant le PC et le PS, existait alors afin de conjurer et d’en finir avec la division de Tours. On retrouve cette idée de manière récurrente dans le discours communiste d’après guerre notamment.

Ainsi, pour ne prendre que cet exemple, Waldeck Rochet au 17ème congrès du PCF en 1964 précise clairement que « une telle unification suppose l’accord entre socialistes et communistes et, tant que les conditions ne sont pas réalisées, nous sommes pour la coopération étroite et durable » entre formations de gauche. Le programme commun est un élément pour aller ultérieurement, « quand les conditions seront remplies », vers une unification.

Et le programme commun, conçu dans cet esprit mais aussi avec la volonté d’offrir une alternative, devient la stratégie du parti. Ainsi le moyen devient-il la fin.

Beaucoup de réflexions utiles peuvent être tirées de cette période du « programme commun ». Je m’en tiendrai à quelques unes.

Tout d’abord sur la conception même. C’est majeur. On voit que l’idée même de ses promoteurs est de créer une situation permettant la création d’un parti unique entre communistes et socialistes. C’est une thèse qui est marquée du sceau d’un marxisme profondément dénaturé.

Le point de départ est que le socialisme, étant supposé supprimer les classes sociales et donc les contradictions dans la société, ne peut se concevoir que dirigé par un parti unique ou au moins un parti très unifié.

La vie montre en réalité que la société est traversée de contradictions durables dont les partis sont porteurs. L’idée d’une société lisse et radieuse est largement irréaliste. De sorte que, pour paradoxal que cela puisse paraître alors que cette période « programme commun » est vécue comme une période d’ouverture du parti communiste, cette démarche découle de conceptions datées et pour tout dire : staliniennes.

Second considérant. Alors que le Parti socialiste avait perdu toute crédibilité à force de faire le lit de la grande bourgeoisie - voir le score de Defferre en 1969 - il va, grâce au programme commun, retrouver une virginité en tant que parti possiblement pour le changement (changer la vie).

Troisièmement. Notre parti subit de plein fouet cette logique. Le Parti socialiste déjà considéré comme démocratique est crédité en plus du changement. Nous sommes crédités d’un modèle défaillant et autoritaire. Notre parti est reconnu pour défendre le peuple mais pas pour accéder aux plus hautes fonctions de l’Etat.

Et quand le besoin de changement frappe à la porte de la société française, il se porte vers le PS nous laissant en lisière, comme une force d’appoint. Celui qui est utile devient le PS et celui qui est dangereux redevient le PC.

L’année 1981 sonne le glas de notre utilité pour le changement. Elle renforce à l’inverse le rôle du Parti socialiste « parti de gouvernement ». Le bipartisme se met en place en conséquence.

3. Le 22ème congrès du PCF

Notre parti fait plus que sentir cette évolution. Il tente d’y faire face. C’est le 22ème congrès du PCF en 1976, 4 ans après la signature du programme commun, où il abandonne - dans de très mauvaises conditions puisque la discussion se focalise principalement sur les questions de la « morale » - la dictature du prolétariat. Il dénonce le stalinisme en parlant d’un retard datant de 1956 sur ce point. Il annonce faire de la démocratie, non plus qualifiée de « bourgeoise » mais la démocratie sans autre qualificatif, l’alpha et l’oméga de sa politique.

Ces modifications majeures arrivent enfin mais trop tard. Le mouvement s’est mis en place autour du PS et nos déclarations démocratiques ne prennent pas, pire elle renforce l’idée de l’alliance PC-PS dominée par ce dernier.

Nous sommes certes plus « présentables » mais trop tardivement pour apporter la preuve de notre bonne foi et de notre conversion démocratique. Les résultats électoraux qui suivent le démontrent.

On s’ouvre, on perd. Alors pour ne pas faire le jeu du PS on va se renfermer de nouveau. « Globalement positif », etc. Résultas électoraux : on perd encore.

On s’ouvre, on perd. On se ferme, on perd.

Parce qu’on s’est ouvert sur la vie que très tard. Trop tard. Entre le 20ème congrès du Parti communiste de l’Union soviétique en 1956, congrès qui dénonce plus ou moins fondamentalement le stalinisme qui date d’avant, et le 22ème congrès du PCF 20 ans se sont écoulés.

Et après le 22ème congrès on avance à l’aveugle jusqu’à la rupture du programme commun dont nous avons bien du mal à faire porter la responsabilité sur d’autres. Pour quelques filiales de plus à nationaliser on casse un espoir, le moyen étant devenu le but.

On a beau dire que le PS vire à droite, rien n’y fait. La volonté de changement est trop forte pour être remise à plus tard.

En 1981 François Mitterrand gagne. On participe au gouvernement parce que « on ne peut pas faire autrement ». Et ainsi de suite des errements et des avancées entremêlées. A n’y plus rien comprendre. A en avoir le mal de mer devant l’absence de lisibilité et de cohérence globale.

Notre bateau avance sur son erre depuis longtemps. Nous sommes en errance. On avance on meurt. On recule on meurt. Et cætera. Jusqu’à aujourd’hui où on ne nous entend plus, ce qui est le pire de tout.

Certes les errances et les « erreurs » sont nombreuses qu’on peut pointer du doigt. Mais ce ne sont pas tant les errances que leur cause qu’il nous importe de regarder en face.

4. Le passé éclaire à condition de s’en servir

On peut distinguer deux grandes périodes dans la vie et l’histoire de notre parti. Celle qui va jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Et celle qui suivit.

Dans cette première période, deux faits majeurs peuvent être considérés.

Tout d’abord le Front populaire et l’action pour y parvenir malgré l’avis de Moscou.

Cette première phase doit inclure l’action particulièrement énergique du jeune secrétaire général du parti de l’époque, Maurice Thorez, qui sort le parti de son sectarisme et de ses mots d’ordres étroits, particulièrement dévastateurs et incompréhensibles pour les travailleurs. Il s’isolait d’eux. Aux élections législatives de 1932 il perd 30% de ses voix par rapport à 1928.

Cette action énergique contre le sectarisme - avec les fameux éditos de Thorez « Que les bouches s’ouvrent ! », « Pas de mannequins dans le parti ! », « Jetons la pagaïe ! » - se conclut par une mise en prise du parti sur le réel dont les consciences font partie.

L’idée du Front populaire qu’il élabore débouche sur de grandes avancées sociales. Et électorales : le parti communiste double ses voix, par rapport à 1932, aux élections législatives de 1936. Il talonne le Parti socialiste en nombre de voix et dispose de 72 députés à l’Assemblée nationale. C’est le premier fait.

Le second est lié à la guerre et à son attitude. La place décisive, et payée chère, qu’il prend dans la Résistance et pour son union aboutit à la Libération et au programme particulièrement progressiste du Conseil National de la Résistance.

Le parti communiste, en raison du rôle considérable qu’il a joué, bénéficie d’une aura extraordinaire. Il devient le premier parti de France. Maurice Thorez, dans une interview au « Times » le 18 novembre 1946, en vient à évoquer un chemin particulier propre à chaque pays pour aller au socialisme.

Relisons ses écrits : « Les progrès de la démocratie à travers le monde, en dépit de rares exceptions qui confirment la règle, permettent d’envisager pour la marche au socialisme d’autres chemins que celui suivi par les communistes russes. De toute façon, le chemin est nécessairement différent pour chaque pays. »

Et il ajoute que : « L’union des forces ouvrières et républicaines est le sûr fondement de la démocratie. Le Parti ouvrier français que nous proposons de constituer par la fusion des partis communiste et socialiste, serait le guide de notre démocratie nouvelle et populaire. » Mises à part les idées de fusion entre le parti communiste et le parti socialiste qui est une idée qui perdurera et la démocratie... populaire, fort des réalités un décrochage d’avec le modèle soviétique est tout de même à l’oeuvre.

Dans les deux cas rapidement évoqués ci-dessus on peut tirer au moins une leçon : à chaque fois qu’il s’est détaché de la matrice soviétique pour s’ancrer dans les réalités concrètes et s’ouvrir à l’union, le PCF a joué son rôle et a été reconnu comme tel : utile.

Sa force était un résultat de son ancrage dans les réalités en même temps qu’une condition du progrès réel.

5. Le cœur du problème : notre ancrage dans les réalités

La force des choses devait faire dévier le parti de cette ligne prometteuse et de toutes les audaces qui en résultaient. Le chemin ne fut pas linéaire mais le retour progressif au modèle soviétique devait le faire se décrocher de nouveau et clairement du réel.

Son rôle dans la Résistance s’estompait à mesure que le temps passait. Et surtout les questions concrètes se déplaçaient. Il devait passer de la question nationale à la question sociétale.

Face à la réalité de cette question et des conséquences concrètes qui en résultent, la réponse qu’il devait donner fut inadaptée. Elle était importée pour l’essentiel de l’étranger.

L’image de la glorieuse Union soviétique perdait de sa force propulsive dès lors que les problèmes à résoudre étaient désormais autres que ceux liés à la guerre et à la reconstruction du pays.

La stratégie du programme commun reflétait ce nouveau mais elle découlait d’un retard sur les réalités. Je l’ai déjà dit.

Et avec ses premiers échecs électoraux de 1981 une double panne devait le saisir : une panne de connexion sur la réalité française et mondiale changeante à vive allure ; une panne de projet et de stratégie.

Et, loin de simplifier les choses, plus les résultats électoraux étaient mauvais, plus le parti se recroquevillait sur lui, raisonnait « franco-français ». En vase clos l’air du large ne vous saisit jamais.

Mais le temps produisait des réalités nouvelles. Le capitalisme entrait dans une crise profonde face à laquelle il apportait ses propres solutions.

Une Europe nouvelle se construisait que le Parti communiste récusait puis qu’il devait ensuite admettre, simplement admettre. La globalisation organisée par les grandes puissances financières et industrielles produisait ses effets dévastateurs.

Mais les mains du parti n’avaient plus prise sur ce réel. Elles n’accrochaient plus. Et en pareil cas, c’est la chute inexorable.

6. Oser faire du neuf, radicalement - telle est la question !

Beaucoup de débats agitent aujourd’hui le parti communiste suite au résultat de notre candidate aux dernières élections présidentielles. Ils sont salutaires car c’est certain que nos ne pouvons pas rester comme cela. Ils vont cependant, et c’est normal, dans tous les sens. « Refondons un nouveau parti communiste » nous disent certains. « Revenons à nos fondamentaux » nous disent d’autres. « Revenons à notre identité communiste » disent une troisième série de camarades. « Recréons une gauche de la gauche » disent les quatrièmes. Et ainsi de suite.

Tous ces points de vue se concentrent sur la méthode ou les moyens. Mais nous avons à faire à un problème de fond. C’est le fond qui manque le plus.

Si le problème premier est, comme je le crois, un retour aux sources de la réalité actuelle alors il faut prendre en compte toute la réalité. Cela suppose une analyse fine du capitalisme mondialisé actuel. Cela induit de produire un projet et une stratégie en conséquence.

Car la lutte pour un changement de société, fruit d’un processus de luttes sociales et politiques, est une donnée qui est clairement, et plus que jamais, appelée par la vie réelle et par les modifications sensibles des réalités sociales en France. C’est une nécessité historique.

La France a beaucoup changé ces dernières années. Des problèmes nouveaux se posent ou se révèlent. Citons pêle-mêle : l’emploi, le travail, l’évolution du salariat et des modes de travail et de vie, l’extension de la pauvreté, la question de l’immigration, le problème écologique, la question de la sécurité dans son sens le plus large, la fiscalité, les banlieues, la question industrielle, l’éducation et la question de la recherche et des recherches, les conséquences nationales actuelles de notre insertion dans l’Europe, etc.

Ces problèmes nouveaux appellent des réponses elles-mêmes nouvelles. Et des efforts ont été produits pour apporter des propositions novatrices. Mais une question se pose : est-ce l’insuffisance de notre travail de vulgarisation qui nous bloque ? J’entends bien que nous avons à faire plus, beaucoup plus. Mais ce que je veux dire, pour l’instant, c’est que quand bien même nous serions au « top » serions-nous pour autant quitte et entendus ? Je crois qu’il manque une donnée dans le raisonnement.

Je veux insister sur ce seul point.

Je pense en effet que nous avons un autre problème neuf : travailler l’articulation de nos propositions entre « monde - Europe -France ». C’est une question majeure à travailler à défaut de quoi nous ne serons pas crédibles car pas en prise avec le réel.

Je tiens pour établi, qu’on me pardonne d’asséner, qu’une grande part du sentiment de fatalité qui enserre les esprits, ce qui fait le jeu du statu quo ou du « moindre mal », trouve clairement son origine dans l’idée que le monde étant ce qu’il est, des changements substantiels sont impossibles.

Ne pas s’attaquer résolument à ces questions, rester sur du « franco-français » constituerait une impasse totale. Un projet ne peut être crédible que s’il part des réalités pour mieux les transformer. Et il ne peut être crédible si il ne dégage pas une cohérence d’ensemble.

Que vaut quelque proposition que ce soit, même la plus novatrice, si elle paraît impossible du fait qu’elle ne s’inscrit pas dans la cohérence d’un changement plus global ?

Si les questions dites extérieures ont occupé si peu de place dans la dernière campagne, ce n’est pas un hasard. On veut que les esprits soient convaincus que le changement en France est subordonné à un monde globalisé supposé intangible, ce qui réduit toute possibilité de changement de fond.

Gérer au mieux notre pré carré - tel serait le seul objectif. Ecrire l’avenir dans la marge et non en pleine page - tel serait notre destin ! Qui peut admettre cela ?

Il en va ainsi de même pour la solidarité internationale.

Si la question est de l’ordre du « franco-français » ou bien si le monde est inchangeable à ne pas y travailler, alors la solidarité internationale et les luttes du même nom deviennent au mieux de l’humanisme, au pire une question annexe. Ce n’est plus possible !

Agir pour la paix au Proche-Orient ou bien pour une solidarité active avec l’Afrique ce n’est pas nous éloigner du changement en France, c’est nous y en rapprocher.

« Un peu d’internationalisme éloigne.... ». On connaît la phrase qui reste on ne peut plus valable.

Le retour du politique partout, qui a été singulièrement valorisé par Sarkozy, n’a pas éloigné les électeurs des urnes. Au contraire !

7. De la représentation du parti dans les consciences

L’ancrage sur les réalités actuelles est une donnée incontournable. Mais dans les réalités actuelles il y a aussi l’état des consciences.

De ce point de vue est-ce que notre appellation de « parti communiste » est toujours adaptée aux réalités ? Je ne le crois pas. Non pour une raison non de circonstance ou par je ne sais quelle volonté de « dissolution » mais pour une raison politique majeure incontournable : voilà un nom que l’histoire a tué.

Je ne parle pas des valeurs, on se comprend bien. Je parle d’un fait : l’histoire du « socialisme réel » animé par les partis communistes et ce qu’il en est advenu a planté une fois pour toutes ce nom. C’est fini.

Et comme on ne peut pas faire du neuf avec du vieux, alors la question se pose d’un réalisme poussé jusqu’au bout : celui d’avoir le courage d’affronter cette question.

Toutes les nostalgies du monde n’y changeront rien. Il ne s’agit pas non plus de jeter le bébé avec l’eau du bain car il n’y a tout simplement plus de bébé !

Toutes les propositions qui, de ce point de vue, commencent par un « re » m’apparaissent une fausse bonne idée. Je prends un seul exemple qui nous est suggéré : celui de refonder un nouveau parti communiste.

L’audace du propos cache mal son inadéquation avec les réalités. Certes « refonder » c’est faire du neuf mais c’est le faire à partir de la même matrice. Or c’est la matrice qui est en cause. Précisément.

Ne sera pas convaincante toute idée qui partirait du postulat « il faut que tout change afin que rien ne change ». Pas plus que ne serait convaincante l’idée que nous avons à faire à de simples fautes accumulées qu’il suffirait de corriger pour « rester nous-mêmes ».

L’identité en politique ne procède pas du droit du sol ni du droit du sang. Elle n’est pas une donnée encadrée une fois pour toutes par des absolus intangibles. Elle est réalité vivante ou bien elle meurt. Le second terme est accompli. Ne reste plus que l’ancrage dans la vie, dans toute la vie et ses réalités actuelles. Il serait paradoxal de tout mettre sur la table, sauf cette réalité-là ! Si la réalité s’arrête là où commence le dogme c’est pur anti-marxisme.

Alors il me paraît judicieux - hors les querelles de clocher qui cachent mal des querelles de pouvoir - d’imaginer désormais autre chose et d’avoir le courage de sortir du nid douillet des fausses certitudes.

L’heure est à l’audace politique. L’horloge de la vie nous invite à créer un parti de transformation sociale à notre initiative et avec d’autres, hors tout esprit de ralliement. Un nouveau parti démocratique de transformation sociale qui se construise en posant toutes les cartes des réalités contemporaines sur la table.

L’espace politique existe pour aller dans cette voie précisément au moment où le Parti socialiste s’oriente vers un recentrage évident qu’il appelle « refondation » et auquel il entend nous agréger.

La voie du changement suppose tout autre chose qu’un glissement social-démocrate ou qu’un enfermement dans la tour d’ivoire de « l’identité » et de la protestation sans lendemains.

On ne peut se résoudre à n’être qu’une mouche du coche socialiste ou un « super syndicat ». Les femmes et les hommes - et surtout les jeunes - existent pour faire du neuf en politique avec nous. Pour faire du neuf sans dédaigner de prendre toutes nos responsabilités au plus haut niveau de l’Etat quand la force nous le permettra.

Il faut une force politique nouvelle pour cela. Or la force nous ne l’avons plus que de manière résiduelle. Et on a fait le tour de tout le reste. Un chantier immense est devant nous. Aucune piste ne doit être négligée. Un débat de fond s’impose, sans a priori ni tabou.

Nous sommes face à un double échec historique, celui du « communisme » et celui de la social-démocratie. Allons-nous laisser au capitalisme mondialisé la joie infime de ne pas en tirer toutes les conséquences ? Ce serait plus qu’un crime, ce serait une erreur impardonnable.

Il ne s’agit pas de faire un Congrès de Tours à l’envers - un congrès dans lequel Léon Blum était le porte-parole des « reconstructeurs » ! Il s’agit de remettre à l’endroit la lutte pour nos idéaux et nos valeurs.

Il s’agit de plonger nos racines dans le présent fertile. Et d’écouter Sénèque qui disait sagement : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas que les choses sont difficiles ».

Il écrivait cela il y a 2.000 ans...


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