LA RETRAITE... ET LE BONHEUR TOUT DE SUITE !

mardi 21 janvier 2020.
 

Le projet de réforme du régime des retraites du Président Macron, annoncé dès la campagne électorale de 2017, aura donc suscité une tempête qui laissera de graves séquelles. Et ce quelque soit l’issue provisoire du combat de classes qu’il a éveillé. Dans cet article nous tentons de retracer la démarche de l’Exécutif, sombrant dans l’incohérence.

Pourquoi la Protection Sociale est-elle partout démantelée ?

Pourquoi n’y a t-il aucune initiative quant à de grands investissements nécessaires et promis ?

La décomposition du système capitaliste voué à la spéculation financière explique pourquoi cette quête de ressources, ce budget nécessaire, restent des questions insolubles. Gagner de l’argent pour nos « grands capitaines d’industrie » se réduit-il aujourd’hui à faire des économies sur les salaires et sur la Protection Sociale ?... Ira t-on jusqu’à préconiser le vol des sacs des mémés au coin de la rue ?

I. LE PROJET GOUVERNEMENTAL

Un génie au pouvoir !

Quelle mouche a piqué ce jeune arriviste qui venait pourtant de sentir, si proche, le vent du boulet des Gilets Jaunes ? Pourquoi se lancer à présent dans cette bagarre douteuse de réforme du régime des retraites ? Les circonstances ne pouvaient être plus défavorables à un tel projet que Rocard qualifiait d’explosif, pouvant provoquer la chute de plusieurs gouvernements ?

Même si la manipulation de Puissants est évidente – on y reviendra - la principale raison se trouve dans le caractère du personnage, persuadé qu’il est un génie que rien n’arrête. Comme bien des arrivistes, il ne peut s’empêcher de se lancer à lui-même des défis. Le succès n’a t-il pas été toujours au rendez-vous ?

Quand on est persuadé de son génie, les autres, même l’entourage, deviennent inutile. Tous les dictateurs vous le diront. A quoi bon un Parlement ? Devant qui aurait-on à répondre ? Hier devant Dieu. Aujourd’hui devant le Peuple. La Ve République, condamnée à la dérive du pouvoir présidentiel sans garde-fou, convient parfaitement à un illuminé.

Le projet de réforme du régime des retraites était dans les cartons de la campagne électorale du candidat. N’avait-il pas réussi une première fois à dompter les cheminots ? Et le grand Bla-bla national n’avait-il pas prouvé une belle capacité d’enfumage ?

A présent son honneur est une nouvelle fois en jeu. Il ne reculera pas, dit-il. Alors qu’à l’extérieur, au loin, on entend le bruit des canons qui se rapproche, une étrange et futile partie de billard s’est donc engagée (1) . Le véritable enjeu n’est certes pas dans le salon mais sur le champ de bataille où notre Général, tant attendu, reste cependant absent, trop absorbé, trop distrait par sa partie. Il retarde son départ de ce salon. Il ne peut quitter la table de jeu sans avoir gagné. Honneur en jeu ?...Et bien sûr il perd la bataille, la vraie.

Peu importe finalement que ledit projet, mal ficelé, ne vale pas un calot, ou qu’au contraire il coûte encore plus cher que le régime actuel. Seul compte la forme, une victoire apparente sur les syndicats... et l’Honneur.

Confusion et enfumage, les deux mamelles de la macronie.

Certes tout le monde a compris aujourd’hui que tout a été fait pour rendre le projet gouvernemental confus. Nous ne ferons pas l’impasse sur une explication de texte et ce quelque soit les lacunes des sources. Remarquons d’emblée le caractère irrationnel du discours de l’Exécutif, subissant le flot du questionnement, discours se réduisant simplement à ce qu’on lui fasse confiance .

« Réformer le régime des retraites » n’a rien de nouveau sous le soleil déclinant du libéralisme. D’ordinaire on ne faisait pas dans les fioritures. On allongeait simplement la durée des cotisations « nécessaires pour une retraite pleine ». C’est bien ce que comptait faire la droite LR et Fillon avant que le brave châtelain ne soit abattu en plein vol. Rappelez-vous : l’ancien premier ministre de Sarkozy, faraud, se faisait fort d’affronter sans peur deux millions de manifestants...

Mais Macron, au départ, lui, veut un projet plus grandiose, qui marquera la postérité. Et, malheureusement, il faut bien dire, de même que Landru est devenu célèbre, si cet objectif était atteint, sa renommée serait encore mieux établie... !

Au départ le candidat à la présidence se garde bien d’insister sur les contingences budgétaires qui grèveraient à court terme tous les régimes de retraite. Argument mal étayé qui sera avancé un peu plus tard. Non. Le système actuel est trop imparfait, injuste...nous disait le bienveillant Président. Il voulait surtout le bien de tous, une meilleure justice sociale ! Un ingénieux système à points, universel, n’est-il pas la meilleure solution ?

On connait la suite.

Les futurs retraités se méfient. Comment le leur reprocher ? Ils se doutent bien qu’on cherche encore une fois à les duper. Et malgré toutes les flatteries et garanties, ils refusent obstinément de sortir du terrier...

Le rapport Delevoye, fumeux, imprécis, donnait quand même les grandes lignes de ce nouveau régime des retraites. Un enfant de 10 ans, si on lui donne les informations disponibles, est capable de comprendre qu’un tel projet permet simplement, dans l’ensemble, de faire baisser la retraite de chacun. Mais avec Macron et le calamiteux Delevoye ne vaut-il pas mieux croire que savoir !

Le génial – lui aussi ! - Haut-commissaire démissionnait cependant, s’étant révélé pour le moins un conseiller intéressé, imprévoyant (!)... mandaté par une dizaine d’organismes ou institutions.

Patatras !

De son côté, par ses projections et recommandations le COR - Conseil d’Orientation des Retraites - n’arrangeait pas les affaires du gouvernement en expliquant que « l’aggravation du déficit du système de retraites ne serait pas dû à une hausse des dépenses mais plutôt à une baisse des ressources allouées au système de protection sociale.

Les experts anticipent notamment que la part des recettes issues du régime de la fonction publique d’Etat (FPE), qui représente une part non négligeable du financement, serait en baisse ces prochaines années, passant de 2,3% du produit intérieur brut à 2% en 2030 par exemple.

La diminution prévue des effectifs dans la fonction publique péserait naturellement sur le recettes du système de retraites. Quant aux dépenses de l’Argirc-Arrco, les dépenses resteraient relativement stables passant de 3,5% du PIB en 2018 à 3,6% en 2030. Ce régime serait proche de l’équilibre dans tous les scénarios. L’organisme en charge de l’évaluation et du suivi des retraites prévoit également une baisse des versements de l’Unédic et de la CNAF. » (2).

Quant à l’argument selon lequel le système actuel ne serait plus viable du fait de la baisse irréversible du nombre de cotisants, il ne tient pas si l’on considère que, depuis longtemps, chaque métier, avec l’évolution du travail, se transforme, fonctionne avec de moins en moins d’employés, disparaît même alors que la productivité et la rentabilité, elles, ont augmenté de façon exponentielle. Une telle transformation est prévue et le financement des retraites des mineurs, par exemple, secteur avec moins de mille actifs côtisants aujourd’hui, est assuré.

Comme pour ce qui concerne le déficit budgétaire, qui ne devait pas dépasser les 3% du PIB, le budget des retraites, lui, ne devait pas dépasser, lui, les 14% dudit PIB. D’où viennent ces chiffres ? Qui établit ainsi ces lois d’airain ?

Bref, on finit par comprendre que la réforme du système des retraites n’a rien d’urgent et que finalement le régime actuel resterait viable, peut même, selon la CGT, être amélioré.

La révolte gronde alors de plus en plus.

Confisquer les caisses autonomes de retraites !

Alors qu’au départ on avançait des raisons « systémiques » on en revient vite à des raisons paramétriques » entendez budgétaires.

L’un des aspects les plus incongrus et scandaleux du projet de retraite gouvernemental est la confiscation des caisses autonomes de certaines professions, fonctionnant en toute indépendance, permettant même à certaines d’entre elles d’abonder dans le système général en versant, comme celle des avocats, 100 millions par an. A cette caisse il faut ajouter, celle des kinésithérapeuthes, celle des pilotes de ligne, etc..

Comme pour le reste, comme pour ce qui concernait certains régimes spéciaus, en premier lieu ceux afférents aux forces de maintien de l’ordre, le gouvernement a fait mine de faire marche arrière. Mais le plus souvent on en resté à de bels pawols...

Le régiment des fromages mous, droit dans leurs bottes avec punching ball en boomerang

Certes les déclarations de l’Exécutif restent teintées de détermination. Mais en réalité...

Voyons ce qu’il en est à un moment T . Nous choisissons ici, afin de pouvoir faire encore des comparaisons début janvier, l’article publié dans le JDN (Journal du Net) du 17/12/2019 de Justine Gay :

[Mise à jour du jeudi 12 décembre 2019 à 12h03] Ce mercredi 11 décembre, Edouard Philippe a détaillé les contours du futur système universel à points, à l’origine d’un mo uvement de grève dans les transports parisiens. Voici ce qu’il fallait retenir de la présentation du Premier ministre :

La première génération concernée par les nouvelles règles de calcul des droits à la retraite sera celle née à partir de 1975, avec une entrée en vigueur en 2025. Les générations nées à partir de 2004, qui fêteront leurs 18 ans en 2022, cotiseront directement pour le système à points, où "chaque euro cotisé conduira à l’acquisition du même nombre de points pour tous les assurés"

Le calcul ne se fera plus sur les 25 meilleures années pour les salariés ou les six derniers mois pour les fonctionnaires. Pour compenser la baisse mécanique des pensions des enseignants, le gouvernement prévoit de revaloriser leurs salaires à compter de 2021 sur une période de 10 ans

Dans le futur système, "chaque naissance intervenue après l’entrée en vigueur du système universel de retraite donnera lieu à l’attribution d’une majoration de 5% des points acquis par les assurés au moment du départ à la retraite et d’un supplément de 2% de plus pour les familles de trois enfants et plus", a déclaré Edouard Philippe. Cette majoration pourra bénéficier, au choix, à la mère, au père ou être partagée entre les deux

L’âge légal de départ à la retraite est maintenu à 62 ans Toutefois, pour inciter les Français à travailler plus longtemps, un âge pivot est instauré : à partir du 1er janvier 2022 un malus sera appliqué à ceux qui prendront leur retraite avant cet âge.

L’âge pivot augmentera progressivement jusqu’en 2027 pour atteindre 64 ans et ne devrait porter que sur les années travaillées à partir de 2022. Ceux qui choisiront de continuer à travailler au-delà auront, à l’inverse, droit à un bonus de 5%

Les régimes spéciaux disparaissent, mais leur fin est étalée dans le temps. Les premiers concernés sont ceux qui peuvent commencer à partir à la retraite en 2037.

Dans le détail, la réforme des retraites s’appliquera à partir de la génération 1985 "pour les fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux dont l’âge légal" de départ est de 52 ans. C’est notamment le cas des conducteurs de la SNCF et de la RATP. Pour ceux dont l’âge légal de départ est 57 ans, la première génération concernée par le "système universel" est celle de 1980 : pompiers, policiers municipaux, agents de maintenance de la RATP et de la SNCF…

La notion de trimestres disparaît aussi mais le dispositif carrières longues est maintenu : ceux ayant validé 5 trimestres avant 20 ans pourront partir 2 ans plus tôt. Idem pour ceux qui sont en incapacité de travailler à cause d’un handicap ou qui sont éligibles au dispositif pénibilité, lequel sera étendu aux fonctionnaires et aux salariés des régimes spéciaux

La retraite minimale sera revalorisée à hauteur de 1 000 euros dès 2022. C’est le levier du minimum contributif, qui bénéficie aujourd’hui à plus de 4,8 millions de retraités, qui sera actionné. Il est actuellement fixé à 980 euros par mois. "Une personne ayant fait toute sa carrière au Smic percevra 1 000 euros net de retraite en 2022, puis 85% du Smic en 2025".

Vagues promesses où l’on ne donne aucun chiffrage ! On verra bien après. Faites nous confiance !

La méthode Coué est bien la seule qui soit vraiment appliquée avec constance par le gouvernement.

La magouille de l’Exécutif réside dans le projet à terme de mise en place d’un nouveau système par capitalisation. Si l’on ne fait pas disparaître d’un coup le régime par répartition actuel, on l’affaiblira néanmoins au point que l’épargne sera quasi obligatoire – pour ceux qui en ont les moyens ! - pour assurer ses vieux jours.

On pourra toujours compter sur un Parlement inexistant, pour agir sur le point du nouveau système comme sur un levier pour baisser lesdites tretraites. Même chose pour les nouveaux plans d’épargne retrauites que vous proposera votre banquier...s’il juge que vous en êtes dignes !

Mais ledit exécutif, comme beaucoup l’ont compris aussi, n’est pas à une maladresse près. Dans le bourdonnement de la confusion qu’il a laissé se développer, il dépose son importante petite crotte : « l’âge pivot » de 64 ans. Ceux qui commençait à travailler tôt devrait attendre 62 ou 64 ans pour ne pas être trop désavantagés....Dans son culot, encore imbu de lui-même, le démiurge s’était dit que les « fromages mous » allait suivre...

Re Patatras !

La base rechigne, veut continuer la grève à la SNCF et Laurent Bergé finit par dire, âge-pivot à l’appui, qu’il n’est pas d’accord. La base de l’Unsa se cheguevarise... Mais où va t-on ? A la vérité ça craque de toute part et même ma concierge râle en faisant avec son balai des moulinets de plus en plus menaçants

Suppression des régimes spéciaux ? Certes. Mais automatiquement des régimes spécifiques. apparaissent. Comment faire autrement ? Comment tenir compte de la pénibilité ?

Les danseuses de l’Opéra de Paris continueront donc de prendre leur retraite à 42 ans et les aiguilleurs du ciel à 57 ans. Mais là c’est une loi européenne. Les riches prennent souvent l’avion et....

Forces de l’ordre, gardiens de prison, routiers, pompiers, électriciens, tout le monde vient ou viendra frapper au guichet. Le Président avait pourtant prévenu pendant le « grand blabla » : on sait où ça commence, on ne sait où ça s’arrête ! Même si le sujet des retraites est une question sérieuse, on glisse vers la farce !

Mais la cerise sur le gâteau vient du coût estimé de cette Réforme. A bercy on en a la tête qui tourne ; sans doute plus de 15 milliards d’euros ! Bien plus, évidemment, que si on se passait de telles lubies pour en rester au stat quo.

Tout ça pour ça !

Et du coup la CGT, Philippe Martinez, lui-même, aux yeux de certains, imprévisibles, nantis, finit par passer pour un type raisonnable ! Après tout...

II. OU TROUVER DES RESSOURCES ?

Pourquoi les investissements manquent-ils ?

A travers cette problématique des retraites, un élément fondamentale semble manquer : le budget et les ressources à prévoir pour le financement. Personne n’en parle. Bon sang mais c’est bien sûr !

Et c’est peut-être là qu’apparait l’aspect le plus clownesque de ce projet de réformes des régime de retraites : personne n’évoque le budget ! La charrue avant les bœufs... Surréaliste ! Gérard Larcher ne manque pas de faire remarquer alors que ledit projet ne pourra être pris en considération s’il n’est pas chiffré !

Le candidat Macron, lui, avait bien évoqué les nécessaires investissements dans « l’économie réelle ». Mais que reste t-il de ses discours, de ses promesses, d’un bla bla devenant légendaire ?

Où sont-ils ces grands travaux roosveltiens impulsant le nouveau démarrage économique ? La construction d’habitats à échelle humaine, intégrant les économies d’énergie, le respect de l’environnement n’est-elle pas une nécessité où l’Etat serait stratège ? La prise en charge des personnes âgées ?....

Etat stratège … Las !

Que font nos géniaux capitaines d’industrie français ? Gagner de l’argent se résume t-il à moins payer les salaires, à gratter de ci delà, à chercher les réductions de charges, à cacher son pognon dans les paradis fiscaux ?

Où sont les profits aujourd’hui envisageables ?

Pour financer les retraites – ou autre chose - logiquement il faudrait penser budget et production de richesses.

Mais aujourdhui le système capitaliste ne remplit plus ses promesses comme cela avait pu être le cas dans le passé, jusque dans les années 1960. Cette évolution doit être prise en compte. Elle dépasse la volonté des « politiques ».

On a fini par admettre que les crises qui affectent le système capitaliste surviennent régulièrement et sont de plus en plus fortes. Mais jusqu’à présent elles n’avaient jamais été symptome mortel. Tout au contraire ; chaque crise se trouvait surmontée par une nouvelle extension, de nouveaux champs d’exploitation.

Ainsi la crise de 1929 provoque le New Deal aux Etats-Unis promesse d’un nouveau démarrage. Et en France, la politique sociale du Front Populaire représente un jalon pour que se développent après-guerre des infrastructures (routes, bâtiments...) préparant la prédominance de l’industrie automobile et l’équipement de ce que l’on a appelé la société de consommation.

On a pu dire ainsi, qu’après s’être équipé lui-même au XIXe siècle (mines, chemins de fer, industries lourdes) le Capital a équipé le Travail. Les ouvriers, d’abord simples producteurs de leur force de travail, sont devenus, avec l’assentiment de la gauche (« le progrès ») , acheteurs, consommateurs.

La remise en cause du modèle de la société de consommation.

Les crises pétrolières de 1973 et 1979 mettent fin à la vision progressiste keynésienne. Les profits deviennent difficiles et l’on n’est pas sûr que les dettes puissent être acquittées. On en revient donc à un libéralisme pur et dur remettant en question cette économie de consommation de masse « à crédit ».

A présent on n’en est plus à cette archétype, mais plutôt, avec la rétractation de l’économie, à la seule consommation d’une élite.

Dans un tel monde les démunis sont relégués, condamnés à être dépecés jusqu’à l’os.

On n’a plus besoin des pauvres, pas même de leur force de travail, qui, dans une telle société en crise, devient inutile. Mais après tout, on en revient presque au schéma de la société capitaliste du XIXe siècle où ce n’était qu’une minorité bourgeoise, moteur de l’économie, qui consommait. Rien de mortifère en principe, si ce n’est la morale...

Et puis il reste les croyances. Comme nous l’avons déjà dit, le système s’était toujours remis des crises. Cette confiance qu’on avait en lui, était devenu inébranlable. La faillite du capitalisme d’état révélée à travers l’effondrement du bloc soviétique en 1989, l’oubli des crises passées...

Les moindres doutes étaient levés dans ce meilleur des mondes. Cette confiance irrationnelle empêchait toute réflexion sérieuse, décervelait les traders et les soit-disant « économistes ». Ils ne virent rien venir – sauf rares exceptions tout à fait inaudibles – en 2007- 2008. Ou plutôt ils n’accordèrent à cette crise pas plus d’importance qu’aux autres, comptant sur un rééquilibrage naturel, comme le prescrivaient les mannes du libéralisme.

Le piège de l’économie « des services ».

De nouveaux produits apparaissaient sur le marché avec les « services », l’informatique, la communication (internet) qui devaient devenir les nouveaux eldorados. Mais cette « production », même si elle était vouée à envahir tous les aspects de la société, restait instable, aux rendements imprévisibles.

Elle n’était pas basée sur des biens matériels, comme jadis les mines ou l’automobile et toutes ses infrastructures, permettant une spéculation « réaliste »... mais sur du virtuel, sur du vent, ne tenant que par le fil ténu de la confiance.

Sur le marché de « l’économie réelle », il restait certes la production d’ordinateurs et de portables. Mais c’était bien insuffisant pour constituer un nouveau marché, un moteur économique comparable à la bagnole de jadis. Et ce d’autant plus que ces produits, contenant une obsolescence programmée, finissaient par dérouter le consommateur qui s’oriente de plus en plus vers le recyclage.

Patatras ! On eut donc la crise de la Net-Economie de 2001...

Certes les succès de FaceBook restent impressionnants. Mais à présent une onde de méfiance subsiste.

Pourquoi et où investir ?

La solution la plus raisonnable pour gagner de l’argent, devant cette absence de perspectives, ne réside t-elle pas dans la spéculation financière ? Faire du pain ou spéculer sur les prix des farines ? Au risque, en brassant ainsi du vent, de subir une nouvelle crise encore plus forte que celle de 2008. Mais que faire d’autre ?...

Faute de nouveaux marchés porteurs, le système est donc entré dans une phase où la valorisation du capital est devenu impossible. Nous savons bien, hélas, que les jaunets de notre bas de laine vaudront moins, en cas de nouvelle crise, qu’un kilo de carottes.

Voilà pourquoi on n’investit pas dans de grands travaux ou la fabrication en grand de balais de toilette. Car l’argent que l’on aura emprunté pour investir ne pourra être remboursé par le profit tout à fait aléatoire généré par notre investissement. Qui paiera les loyers ou l’acquisition de nos habitats écologiques fraichement construits ? Les locataires ? Mais eux-mêmes d’où vient leur revenu ? Faire fonctionner la planche à billets ? Demandez à l’Allemagne ! Chômage, baisse de revenu... on retrouve le schéma entêtant de la crise des subprimes de 2008.

Cette voie sans issue est celle du capitalisme décadent.

Reste l’Utopie, une voie cependant évidente qui nous oblige à franchir le pas, à passer de l’autre côté du miroir...

La Chine, une exception ?

L’investissement dans les infrastructures (routes, constructions...) est impressionnant en Chine. Un simple regard vers l’horizon donne parfois le vertige. On pense à ces mêmes phases d’investissements en Occident, au XIXe et au XXe siècle.

Mais là encore la machine économique patine.

Les problèmes financiers, auxquels s’ajoutent de graves problèmes environnementaux, sont masqués par l’Etat centralisateur qui table encore sur la puissance du Politique sur l’Economique. Mais ce qui reste du maoïsme sera lui aussi logiquement emporté.

Il sera impossible d’équiper la Chine en bagnoles, même électriques. Et, selon le même schéma qu’en Occident, un potentiel de centaines de millions de travailleurs restera inemployé... Là où nombre de marxistes myopes ne voit qu’ « un volant de chômage utile aux capitalistes » il faut y déceler la conséquence d’une impossibilité d’utiliser ce Travail dans une quelconque production rentable.

Le profit apparaît impossible. A noter que cette problématique a été perçu par les dirigeants chinois qui comptent sur l’Etat pour rectifier de façon autoritaire les dérives . Par le « capitalisme » on arriverait au « communisme ».

Mais tout porte à croire, malgré la spécificité de l’Etat chinois et du mode d’accumulation – Marx avait commencé à écrire sur ce sujet mais c’est resté, je crois, très inachevé – que c’est le capitalisme qui gagne ici.

La remise en question des institutions

Cette décadence du capitalisme n’est pas sans conséquence du point de vue politique et institutionnel. Les lois et règles qui régissaient les vieilles sociétés libérales occidentales s’en sont trouvés affectées. Un peu comme dans les dernières années de l’Empire Romain, où la Pax Romana n’était plus assurée, où la citoyenneté romaine devenait même un repoussoir.

Le système parlementaire se décompose et des intérets particuliers s’immiscent dans nombre de décisions. Des conflits surviennent où le Fort, plus que jamais, refuse d’écouter le Faible.

Les débats avortent car on sait que l’Exécutif, controlant la majorité parlementaire, a déjà décidé des décisions à prendre. Certains droits essentiels, dans une société libérale, ne sont plus respectés comme celui de manifester librement. Les forces de l’ordre commettent des exactions, sont incités à le faire, aidées parfois de supplétifs, sans être sérieusement poursuivies et ce malgré les protestations internationales....

Ce monde est à bout de souffle. Et si l’on comprend qu’il n’y a pas d’issue à l’intérieur du système capitaliste, peut-être y en a t-il une, avec toi, Alice ?

III. DES OBJECTIFS INAVOUES

En Europe la France a des spécifités pour ce qui est de la Protection Sociale. Le système, mis en place après guerre, dans des circonstances pourtant difficiles, a fait ses preuves, semble viable et est encore envié à l’étranger.

Cependant cette Protection Sociale est menacée partout de démantèlement. La menace vient clairement de la politique de l’Union Européenne, des différents traités comme celui de Lisbonne de 2004 qui oblige à mettre sur le marché ce qui dépendait uniquement des services publics.

Face aux tentatives des gouvernants de droite ou de gauche pour enlever par lambeaux les acquis de cette Protection Sociale, la résistance populaire, en France, reste organisée, réactive.

Un paysage syndical particulier

Le paysage syndical, est quelque peu différent en France de ce qu’il est dans les autres grands pays européens. Certes, le nombre des syndiqués (8%) est relativement bas comparé à celui des salariés.

Il semble minime quand on fait des comparaisons, par exemple, avec l’Allemagne et les pays nordiques. Mais l’influence des syndicats français se manifeste cependant dans chaque mouvement social d’importance.

Surtout le principal syndicat, la CGT – même s’il est concurrencé en nombre d’adhérents par la CFDT – fait figure d’organisation radicale sans équivalent dans le reste de l’Europe. Et ce syndicalisme est difficilement admis par le patronat français ou étranger.

Ce syndicalisme de combat a des racines anciennes. Quelque soit l’idéologie qui l’inspire, Il correspond à une réelle volonté de résistance. A cette CGT, parfois contestée par la base, comme en mai-juin 1968, s’ajoutent d’autres organisations plus petites mais agissant comme des aiguillons, comme SUD ou la CNT.

De même que l’objectif des années 1970 était, sur le champ politique, d’abattre le Parti Communiste, aujourd’hui, les « décideurs » de Bruxelles encouragent Macron, à la « faveur » d’un mouvement social, à casser les reins de la CGT.

Il est plaisant de voir qualifier ladite CGT de « syndicat révolutionnaire » quand on connait l’histoire de l’organisation avec ses manquements voire ses trahisons petites ou grandes comme celle, répétons-le de mai-juin 1968.

La CFDT, planche de salut vermoulue

Le patronat a toujours tenté de se trouver des alliés au sein même du mouvement ouvrier. Ainsi le syndicalisme chrétien (CFTC) a été encouragé pour faire pièce à la CGT. Mais après mai 1968 c’est la CGT-FO, scission de la CGT provoquée par les Américains en 1947, qui fait figure de syndicat réformiste.

La CFDT, héritière de la vieille CFTC, après avoir pris des allures gauchistes et autogestionnaires. s’est taille par la suite une place « convenable » en montrant de plus en plus une attitude de collaboration de classes.

Pour être admise comme interlocuteur « acceptable » par le patronat et l’Etat, on n’a reculé devant rien ! Dans les années 1990, en réunions de commissions paritaires, face aux représentants de la CFDT voulant aller toujours au delà des désiratas du patronat, on entendait dans les couloirs les échos directs de l’exaspération des représentants du CNPF (l’ancêtre du MEDEF) agacés de l’attitude plus que conciliante, didactique, des cédétistes....

Aujourd’hui l’Exécutif compte beaucoup sur la CFDT pour briser le mouvement social de protestation contre le projet gouvernemental.

Sauf qu’elle est mal implantée dans les secteurs des transports en grève. De plus, elle et son allié l’UNSA, doivent tenir compte de leur base, déterminée à combattre l’ensemble dudit projet

IV. DE L’ECHEC DES NEO LIBERAUX A L’APPARITION D’UN MONDE NOUVEAU.

Le plan des libéraux, né sous Thatcher et Reagan, avalisant la rétractation de l’économie réelle, pérennisant la spéculation et la fin du keynésianisme, n’a pas résolu la crise systémique du capitalisme.

Il faudrait pouvoir relancer la demande....

Nous n’entrerons pas ici dans les méandres et hésitations de nos « décideurs ». Notons simplement l’inquiétude d’une grande partie de l’oligarchie à l’échelle mondiale. Trop d’inégalités, my friend.

Aux Etats-Unis où le travail est sous-employé, certains secteurs verraient leurs salaires augmentés. Au Royaume-Uni le gouvernement augmente le salaire minimum des plus de 25 ans de plus de 6%.

Peut-on voir une tendance à vouloir augmenter les salaires d’une part et à chercher à toujours gratter du côté de la Sécurité Sociale, à vouloir privatiser plus que jamais.... Un tel schéma suppose donc la généralisation de la « retraite par capitalisation » et la disparition de la retraite par répartition.

Ces politiques libérales, synonimes de misère, sont aujourd’hui partout contestées. Les peuples se révoltent, résolus malgré les répressions, à vouloir remettre le monde à l’endroit. N’est-il pas trop tard ?

La prise en main des outils de production par les producteurs eux-mêmes est la seule solution pour résoudre les problèmes d’exploitation, d’environnement. C’est à la mise en place de cette Res Publica autogestionnaire, de cette Révolution Prolétarienne, que nous devons tous nous atteler, agir chacun selon nos moyens. Dans la solidarité, c’est la somme de toutes nos actions, petites ou grandes, qui changera le monde. Et si l’on prenait sa retraite tout de suite ?

NOTES

(1) On reconnaîtra ici l’allusion à « La partie de billard » dans les « Contes du Lundi » d’Alphonse Daudet...

(2) Retraites : le rapport du COR met le gouvernement en difficulté, La Tribune, 22/11/2019.

Nemo, le 10/01/2020.


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