Jusqu’à quand allons-nous tolérer un tel niveau de violences policières ?

jeudi 23 janvier 2020.
 

La manifestation organisée jeudi 9 janvier à l’appel des organisations syndicales contre la réforme des retraites a été le théâtre d’un déferlement inouï de haine de la part des forces de l’ordre.

Sur le terrain, aux avant-postes des cortèges, sur la ligne de front devrait-on dire désormais, de nombreux photographes ont témoigné d’une brutalité rarement atteinte. À la fin de la journée, les vidéos circulant sur Internet ont confirmé une absence totale de retenue dans le maintien de l’ordre. Cette violence désinhibée, se matérialisant par une débauche de coups de matraque sur des personnes à terre, est d’autant plus ahurissante qu’elle arrive quelques jours seulement après le décès d’un homme, père de famille, à la suite d’une interpellation au cours de laquelle il a été plaqué au sol, selon une technique d’immobilisation interdite sous d’autres cieux.

Jusqu’à quand allons-nous accepter que le droit de grève soit si ouvertement bafoué, alors que le lieu d’exercice d’une de nos libertés fondamentales est devenu un champ de bataille ? Pendant ce temps, le pouvoir assume un discours d’impunité. Pire, de dénégation.

L’effet voulu d’intimidation n’entame pourtant pas la détermination des manifestants. Après un an de répression du mouvement des « gilets jaunes », les rues continuent d’être noires de monde. Que cherche alors l’exécutif ? Sa stratégie du chaos s’inscrit dans une logique néolibérale, immortalisée par Margaret Thatcher, associant marché sauvage, État policier et démocratie faible. Chaque semaine, en France, se rejoue la bataille d’Orgreave, explique Romaric Godin, en référence à cette journée du 18 juin 1984 dans le Yorkshire au cours de laquelle la répression s’est abattue sur les mineurs. Pourtant victimes des charges policières, les grévistes ont été désignés, dans un renversement narratif, comme les fauteurs de troubles, « ennemis de l’intérieur ».

En donnant carte blanche aux forces de l’ordre, le gouvernement espère faire dégénérer les manifestations et, enfin, décrédibiliser le mouvement. Dans son livre La Société ingouvernable, une généalogie du libéralisme autoritaire, le philosophe Grégoire Chamayou explique comment le monde des affaires, pour rendre irréversible sa domination, entend « se rendre soi-même ingouvernable pour mieux gouverner les autres ». Pour défendre les intérêts minoritaires des puissances de l’argent, Emmanuel Macron n’hésite pas à brutaliser les droits sociaux les plus élémentaires, comme le constate Edwy Plenel. Ce faisant, il ouvre la voie à toutes les régressions, y compris politiques, au risque de renforcer l’extrême droite à l’horizon 2022. On le comprend, la victoire de la mobilisation actuelle dépasse largement l’enjeu des retraites. Elle est l’occasion – ultime ? – pour la société de reprendre ses droits face à une présidence hypertrophiée.


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