Alexis Vernier (tête de liste à Sotteville les Rouen, 30000 h) : « La gauche doit se réinventer »

vendredi 28 février 2020.
 

Sotteville-lès-Rouen, deuxième ville de la métropole rouennaise, compte 30 000 habitants. Un collectif de citoyennes et citoyens vient d’annoncer sa candidature aux municipales. Il est soutenu par la quasi-totalité de la gauche et des écologistes. Nous avons rencontré Alexis Vernier qui conduit cette liste de rassemblement.

D&S : Qui es-tu et comment ce rassemblement s’est-il constitué ?

Alexis Vernier : J’ai 31 ans. Je suis ingénieur dans le public. Je me suis engagé en politique il y a cinq ans environ en rejoignant la France insoumise. Pour expliquer la genèse du rassemblement initié sur la ville, il faut remonter aux législatives de 2017. Après la victoire de Macron, notre groupe Insoumis de notre circonscription décide de soutenir la candidature du maire PCF de Saint-Étienne-du-Rouvray. Nous nous retrouvons avec Ensemble !, EELV, la GDS et le PCF à mener une campagne commune. Je suis unitaire chaque fois que c’est possible, car je ne supporte pas la division entre personnes qui partagent tant de valeurs communes. Cette campagne législative, nous la gagnons. Le candidat Hubert Wulfranc est élu. La députée-maire PS de Sotteville-lès-Rouen est battue. En quelques mois, c’est la seconde fois. Elle a soutenu Manuel Valls à la primaire et c’est Hamon qui l’a emporté.

D&S : Comment expliques-tu cela ?

AV : La défaite de Luce Pane – la maire de Sotteville-lès-Rouen – s’explique par les politiques qu’elle a soutenues. Elle a été de toutes les trahisons de Valls, Macron, Hollande : le CICE, la réforme des retraites, la loi El Khomri et même la déchéance de nationalité. Sa défaite aux législatives est une sanction contre la politique qu’elle a soutenue. Sur la ville, elle ne devance que de 200 voix le candidat que nous soutenons qui recueille presque quatre fois plus de voix que celles que recueille habituellement le PCF. Notre belle campagne unitaire a permis de conserver la force propulsive du score de la France insoumise aux présidentielles, puisque Mélenchon avait déjà fait 28 % à Sotteville.

D&S : Et les municipales ?

AV : Nous commençons à discuter très tôt en 2019. Un premier accord est conclu entre PCF, la FI, la GDS, Ensemble ! et le NPA au mois 5d’avril. Nous voulons proposer une politique sociale, écologique et démocratique sur la ville et sur la Métropole de Rouen. Mais ce rassemblement ne vient pas de nulle part. Depuis deux ans, nous nous croisons régulièrement avec de nombreux habitants pour réclamer le retour en régie de la restauration municipale que la commune a confié au privé depuis des années. Nous gagnons cette bataille. En même temps un collectif s’est créé pour revendiquer l’ouverture d’une nouvelle école. Il y a dix ans, la municipalité a fermé une école. Un non sens car en une décennie, il y a 419 enfants de plus à Sotteville ! Une nouvelle école est une priorité et la Mairie semble privée de dynamique pour engager ce chantier. Bataille contre le compteur Linky, accueil de migrants, luttes sociales diverses vont permettre de tisser des liens... et il y a une histoire de gauche sur la ville avec des réseaux, une habitude de travailler ensemble et de jouer collectif.

D&S : Comment la greffe a-t-elle prise avec les organisations politiques ?

AV : L’action commune d’abord avec des objectifs concrets ! C’est loin d’être anecdotique. Ensuite, il a fallu lever pas mal de suspicions, mais c’est partout pareil. Si nous étions tous d’accord, il n’y aurait qu’une seule formation politique ; or ce n’est pas le cas. Il faut donc constamment trouver des positions de compromis pour progresser tous ensemble, en ménageant toutes les sensibilités. Et l’idée que les combats quotidiens devaient déboucher sur une construction politique sur la ville a vite convaincu. Finalement, EELV et Génération.s nous ont rejoints début janvier. Les discussions ne sont pas toujours simples, mais nous avons depuis quatre mois préparer un projet de seize pages avec nombre de propositions, sorti trois tracts... Nous allons rentrer dans le dur avec la composition de notre liste et le lancement des deux mois de campagne. L’immobilisme et le sectarisme de la maire sortante ont aidé à cimenter le rassemblement réalisé.

D&S : De façon plus générale, comment vois-tu la situation politique ?

AV : Je vois bien que c’est compliqué. Tout d’abord, il faut que la gauche intègre pleinement la composante écologique dans son logiciel. Cette aspiration prend de l’ampleur, mais cela se vérifie surtout chez les nouveaux partis de gauche, comme la France insoumise ou Génération.s. Les autres prennent des positions écologistes quand EELV fait de bons scores, avant de les remiser lorsque cette formation baisse. Ce n’est pas possible de fonctionner au gré des élections, l’urgence est trop vive pour cela ! Ensuite, la gauche est trop morcelée. Nous sommes plusieurs à penser dans ce sens, mais comme disent parfois des « anciens », « l’union est un combat ». Cela ne peut pas se réaliser à n’importe quel prix et sur n’importe quelle base. On le constate par les mouvements sociaux et écologistes : il existe une base sociale pour de grands changements. Cessons d’être timorés ! Surtout, il faut de la volonté, de la patience, de l’opiniâtreté. Il faut que chacun se rende compte du danger de mort que guette notre camp, car, divisés, nous sommes extrêmement faibles et risquons la disparition pure et simple. Même sur notre agglomération, c’est difficile. Alors que la REM danse en duo avec le Rassemblement national, tout se passe comme si on devait reproduire toujours les mêmes erreurs. La gauche doit se réinventer et sortir de l’ornière dans laquelle elle se trouve. Elle doit saisir toutes les dimensions contemporaines. Celles de l’urgence sociale, de l’urgence écologique et de l’urgence démocratique. C’est ma conviction profonde et je sais qu’elle est partagée par beaucoup. D’une certaine manière, nous n’avons pas d’autre choix que de nous rassembler.

Propos recueillis par Jean-Claude Branchereau, et publiés dans le numéro de janvier 2020 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).


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