Le vrai virus, c’est les patrons ! (échos d’Italie)

vendredi 27 mars 2020.
 

L’Italie est le pays le plus touché par le coronavirus. Le dimanche 21 mars, 53 500 personnes étaient infectées, 793 personnes sont mortes, le nombre le plus élevé depuis l’explosion de la pandémie. Samedi soir la décision du Gouvernement d’arrêter tout activité productive non essentielle est arrivée trop tard.

Le Covid-19 est en circulation en Italie au moins depuis mi-février. Il est arrivé en Lombardie d’abord, transporté par le business, le premier infecté italien étant un homme d’affaire. D’ici, l’épidémie s’est diffusée rapidement dans la région de la Vénétie et l’Émilie-Romagne. Pas par hasard. Car les régions les plus touchées par l’épidémie sont aussi celles qui constituent le cœur productive du pays, avec la présence d’entreprises et d’usines la plus élevée et les régions les plus liées aux filières productives transactionnelles. Là, les entreprises et les usines ont pu continuer à produire, en obligeant les salariés à travailler et souvent impunément sans respecter les protocoles de sécurité nécessaires.

Mais partons dès le début. Les premières infections et les premiers décès se sont concentrés à Lodi et à Codogno. Le gouvernement italien a tout de suite réagi en imposant ici le confinement et l’arrêt de toute activité : pendant plusieurs semaines, les militaires ont assiégé les deux villes lombardes.

Fin février, la diffusion évolue : le Covid-19 arrive à Bergamo et à Brescia, deux des villes lombardes les plus industrialisées. Confindustria (l’association patronale la plus importante) publie une vidéo – qui maintenant ferait scandale – en rassurant ses partenaires commerciaux hors d’Italie que l’épidémie est sous contrôle et que la production dans les usines autour de Bergamo ne s’arrête pas. C’était le 28 février, Bergamo avait déjà 103 infectés. Le 20 mars, les infectés dans cette ville étaient 5154, déjà 630 les morts.

Des décrets insuffisants

Depuis la fin février, au fur et à mesure et en partant des foyers du virus au nord du pays, le Gouvernement a décidé d’abord la fermeture des écoles et des universités, ensuite le couvre-feu dans les régions définies comme des « zones rouges ». Enfin le 9 mars, le Premier Ministre Giuseppe Conte signait le décret « Resto a casa » imposant une limitation importante de la liberté de mouvement des personnes dans tout le pays, tandis que, le 11 mars, les activités commerciales non nécessaire étaient arrêtées.

Malgré ces restrictions, l’épidémie s’étendait rapidement dans tout le Nord du pays et arrivait dans les régions du centre et du Sud. Dans les usines, les chantiers, les pôles logistiques, les centres d’appel les salariés continuaient à travailler, souvent sans protections suffisantes. La Lombardie, la région la plus productive d’Italie considérée « l’orgueil de la Nation », était mis à genou et son Système Sanitaire arrivé sur le point d’imploser : les médecins des villes les plus impliquées (Bergamo, Brescia, Lodi) sont obligés à choisir parmi ceux qui doivent vivre et ceux qu’ils doivent laisser mourir.

Pendant les annonces médiatiques, le Gouvernement répète toujours le même mantra : restez à la maison. Car seulement en restant à la maison il serait possible d’assumer une responsabilité collective et de limiter la diffusion du virus. Mais le virus continue à se diffuser sans cesse. Pourquoi ?

Produire à tout prix ? Résistance !

Les raisons sont fondamentalement deux. Premièrement, encore hier on estimait que jusqu’à hier, environ 8 millions de salariés continuaient à travailler dans des secteurs non essentielles. Le 73% des entreprises étaient encore actives, la plupart d’elles concentrées dans les trois régions qui constitue la troisième puissance économique de l’Europe : Lombardie, Vénétie, Émilie-Romagne. « Produire à tout prix ! », c’est le slogan de Confindustria : « C’est indispensable de donner continuité à l’activité productive et à la libre circulation des biens. Interrompre la filière productive aujourd’hui signifie perdre des parts de marché et fermer des entreprises orientées vers l’exportation. ». Dans d’autres secteur les rythmes de travail avaient même augmenté dans ces semaines. Dans la logistique, par exemple, les travailleurs accumulent des heures supplémentaires à cause de l’augmentation de la demande. Le Gouvernement répondait : « Laissons faire ! »

Mais si les décrets qui limitent la liberté de mouvement des personnes ne s’appliquaient pas à la production industrielle, elles ne prévoient pas non plus d’obligations d’introduction de mesures de sécurité pour les travailleurs. Ceci a déclenché leur colère.

Dans nombreuses usines et pôles logistiques ont explosé des grèves spontanées : Amazon, Fiat-Crysler, Fincantieri, Whirlpool, Electrolux, et bien d’autres. Les syndicats étaient obligé de suivre les ouvriers. Leurs revendications sont claires : Des dispositifs de protection individuelle pour tous, la réorganisation des équipes de travail et la réduction du rythme de production pour réduire l’affluence du personnel, des désinfections périodiques des lieux de travail, la réorganisation des lignes de production pour éviter la proximité entre les travailleurs, des congés extraordinaires rétribués pour garder leurs enfants.

Et dans nombreuses usines, les grèves ont réussi : de nombreuses entreprises ont fermées pour quelques jours pour désinfecter les lieux de travail et réorganiser la production. D’autres entreprises ont été obligées à arrêter les activités par l’obstination des salariés organisant des véritables insubordinations massives qui laissaient vides les sites de production.

Les syndicats et Confindustria, par médiation du Gouvernement, le 14 mars signait un accord obligeant formellement les entreprises à respecter les protocoles de sécurité demandés par les syndicats. En outre, dans cet accord, le Gouvernement disposait du chômage partiel de 9 semaines pour les salariés de toutes les entreprises qui décidaient d’arrêter la production.

Mais malgré les débrayages et les accords, la production ne s’est pas arrêtée. La plupart des entreprises continuait à s’en ficher et ne voulait pas réduire leurs activités ou bien ne pouvait effectivement pas garantir des conditions de sécurité adéquates.

Comme le Gouvernement n’intervenait pas, Potere al Popolo a dénoncé ce scandale et appelait à la grève générale. Entre temps, le syndicat indépendant Si Cobas organisaient des grèves surtout dans le secteur de la logistique. L’autre syndicat indépendant , L’union syndicale de base USB, a proclamé la grève générale pour le 25 mars. Pour ce qui concerne les trois principaux syndicats Cgil, Cils et Uil, ils ont opté pour l’attente, en craignant de nuire l’économie nationale, voire les entreprises et les patrons.

Le décret du Gouvernement imposant l’interruption de toute production et activité non essentielle est arrivée le soir du samedi 21, décidément trop tard. Le jours d’après, l’Italie se lève avec 53.500 infectés (25.500 seulement en Lombardie) et 4825 décès (3095 en Lombardie). Une décision tardive, donc, mais surtout insuffisante, excluant nombre d’entreprises envers lesquelles l’État continue à n’imposer que formellement le respect des protocoles de sécurité. Une décision hésitante, à laquelle Confindustria s’est opposée. Elle publiait hier après-midi une lettre par le biais de son président Vincenzo Boccia en demandant au Gouvernement de réviser la liste des activités considérées ‘essentielles’, avec pour résultat : le décret est suspendu jusqu’au 25 mars afin de recueillir les retours des industriels.

Un système de santé démantelé

La deuxième raison pour laquelle le virus continue à se diffuser concerne l’état du système de santé national et les insuffisantes mesures prises pour protéger les travailleurs de la santé. Le système sanitaire italien a été démantelé massivement et aujourd’hui il n’est pas à la hauteur de la crise actuelle.

En dix ans, l’austérité a enlevé 37 milliards d’Euro aux finances publiques destinées à la santé. Entre 2007 et 2015, 14.938 emplois à temps plein et 4.676 emplois à temps partiel ont été coupé (médecins, infirmières, personnel technique etc.).

La protection des travailleurs de la santé est totalement insuffisante. Les tests se font que pour la diagnose et pas pour la prévention. Si une personne est testé positive au virus, elle est forcée de continuer à travailler jusqu’à que des symptômes surviennent. Dans beaucoup de structures sanitaires, ils sont obligés de travailler sans dispositifs de protection individuelle (masques, gants en latex, etc.). En date de 19 mars, 3.559 travailleurs de la santé résultaient positifs au Covid-19, il s’agit d’une augmentation de 930 cas en 48 heures.

Que faire ?

En tant que Potere al Popolo, on est en train de jour le rôle du mégaphone des revendications des travailleurs des différents secteurs en lutte pour le respect de leurs droits et pour l’introduction de dispositif de protection contre le virus. Comme énoncé avant, nous demandons aussi la fermeture de la production dans les secteurs qui ne sont pas directement liés à la lutte contre le virus et qui ne sont pas vitaux pour la vie quotidienne, car aussi le dernier décret ne suffit pas du tout pour limiter la diffusion du virus.

Mais nos activités politiques et sociales ne se limite pas à des revendications politiques. Pour répondre aux besoins sociaux des classes populaires, nous avons ouvert un « téléphone rouge » de dénonciation des abus des entrepreneurs envers les salariés. Ceci nous permet d’offrir un soutien juridique concret aux salariés et une structure organisationnelle des luttes à long terme. Puis, nous avons lancé un « service de courses alimentaires » pour des personnes qui n’ont pas la possibilité de bouger pendant cette situation d’exception (surtout les personnes âgées des quartiers populaires) et pour ceux qui ont perdu leur revenu car licenciés à cause de la fermeture des activités (surtout migrants et travailleurs irréguliers).

Ces types d’aide mutuelle sont aujourd’hui fondamentaux, non seulement pour reconstruire un lien entre les classes populaires qui aujourd’hui payent le prix de la crise et organisation politique capable d’être expression des revendications populaires, mais aussi, en moyen terme, pour être prêt à affronter les crises économiques et sociales qui survivrons la crise du coronavirus.

Une crise prolongée

Le cas italien montre la nécessité d’investissements publiques massives dans le Système Sanitaire National pour augmenter le personnel sanitaire et renforcer les infrastructures, les laboratoires, les services d’émergence respiratoire ; il montre aussi les responsabilités des classes dirigeantes se vouant depuis trente ans au libéralisme économique et aux valeurs du libre marché, du profit, des services privés ; il montre enfin que la principale mesure à prendre pour faire face à cette crise sanitaire est de ralentir au mieux l’épidémie en arrêtant le plus rapidement possible toute activité non essentielle.

La crise sanitaire a simplement accéléré une autre crise vers laquelle on est en train de se diriger, notamment une crise économique au niveau global. Les Gouvernements sont déjà en train de s’organiser. En Italie, Confindustria propose la constitution d’un comité extraordinaire entre forces politiques, industriels, banquiers. Ce comité devrait porter le nom « comité pour la défense du travail ». Ironie ou provocation ? A l’horizon on peut déjà entrevoir les premiers signes de mesures qui iront déverser les coûts de cette crise sur les salariés et les couches populaires. À nous l’effort difficile de lutter pour que la vie et la dignité de là majorité des peuples soient défendus contre le profit privé d’une minorité d’élites.

Par Maurizio Coppola et Marco Morra


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