SUICIDE À PSA MULHOUSE « Une machine à broyer »

jeudi 2 août 2007.
 

Mario, 55 ans, s’est donné la mort par pendaison, le lundi 16 juillet, dans l’usine PSA de Mulhouse. Cela porte à cinq le nombre de suicides sur l’usine (10 500 salariés), six chez PSA en comptant celui de Charleville-Mézières (Ardennes). Vincent Duse, secrétaire du syndicat CGT, répond à nos questions. Il propose une rencontre de la filière automobile en septembre.

• Que révèlent ces drames ?

Vincent Duse - Mario était un copain. C’est lui qui m’a formé quand je suis arrivé dans l’usine. Ces suicides posent la question de l’exploitation du travail chez PSA. 500 emplois ont été supprimés à Mulhouse en moins de trois ans. D’autres menaces existent pour 4 800 postes sur le groupe, mais on ne connaît pas leur répartition par sites. C’est ce que nous appelons le plan « Stress », officiellement la « gestion prévisionnelle des emplois et compétences » (GPEC), avec les méthodes copiées sur Toyota, des chronométrages chaque mois, pour pousser à des gains de productivité. Ce qui aboutit, tous les mois, à un poste supprimé. Tout est mis à plat régulièrement, avec une demande d’implication toujours plus grande des salariés. Eux-mêmes doivent suggérer des améliorations, à tous les niveaux, comme « monteurs polyvalents » dans ce qu’ils appellent les unités élémentaires de production (UEP). Tout le monde finit par contrôler tout le monde. Les salariés finissent par dénoncer tel collègue en arrêt maladie, allant jusqu’à dire que c’est à cause de lui qu’on ne touche pas les primes prévues... L’organisation du travail génère du stress, de la peur. Ils laissent même planer la menace d’une fermeture du site, sans fondement. Ce tableau forme une ambiance pourrie dans l’entreprise.

• Il y a aussi des lettres « culpabilisantes » envoyées aux salariés...

V. Duse - C’est une lettre type envoyée systématiquement à tous ceux qui sont en maladie. Elle leur dit : c’est à cause de vous que nous ne pouvons pas démarrer des installations prévues, ou que nous ne pouvons pas faire de formation. Vous perturbez le travail par « des absences nombreuses et répétées ». Or, l’article 30 de la convention collective locale stipule qu’un employeur peut se séparer d’un salarié qui « perturbe la production », du fait de ses « absences nombreuses et répétées ». C’est une machine à broyer les gens et à casser les résistances. Mais cela ne signifie pas que les salariés qui se sont suicidés aient tous reçus ce genre de courrier.

• Comment réagissent les salariés ?

V. Duse - Il y a certes la peur, la résignation. Les dépressions nerveuses ont explosé : plus de 150. Mais les salariés disent : on ne pourra pas continuer à travailler dans ces conditions. Nous organisons, le 13 septembre, une réunion de la filière automobile, appelant à un plan d’urgence et de résistance. Avec Peugeot, Renault, les sous-traitants, etc. Il faut mener une bataille juridique pour la reconnaissance des suicides comme accidents mortels du travail, ce que PSA refuse. Le DRH [directeur des ressources humaines, NDLR] a trouvé choquant que « certains », de façon « dogmatique », puissent « utiliser » la mort pour dénoncer les conditions de travail, alors que PSA, depuis des années, « œuvre pour l’amélioration des conditions de travail ». Mais ces morts ne sont pas que des problèmes « privés ». Nous voulons une enquête indépendante sur les conditions de travail à PSA, avec des personnes ou des organismes extérieurs à l’usine. Par exemple, la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), des médecins, etc.

Propos recueillis par Dominique Mezzi


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