L’aléa de trop OU L’HISTOIRE DE L’INCAPACITÉ DES ÉTATS LIBERAUX À FAIRE FACE

lundi 13 avril 2020.
 

L’idée n’est pas de sous-estimer la gravité du coronavirus mais de montrer comment les politiques libérales menées dans la plupart des pays, nous amènent à une situation où on compte les morts par dizaine de milliers et, où un tiers de la population est confiné, faute d’équipements.

Au départ, un virus qui se propage rapidement et qui provoque une maladie, le Covid-19. Cette maladie nécessite des soins particuliers en cas de complication qui amène le patient le plus atteint en réanimation pour une assistance respiratoire longue. Toute la bataille que mènent aujourd’hui nos pays c’est comment faire face à cet afflux de malades alors que les structures hospitalières sont exsangues. Les médias, en boucle, nous racontent la catastrophe qui s’abat sur le monde. Cette catastrophe n’existe que parce que depuis des années, les gouvernements ont détruit méthodiquement nos services publics. « L’hôpital public » est toujours doté par des fonds publics mais il est géré comme une entreprise privée avec pour objectif la réduction des coûts. Ceci se faisant essentiellement par une gestion en flux tendu ce qui a permis la suppression de milliers de lits, la fermeture d’hôpitaux dits périphériques et la réduction d’embauches de personnel de santé (notamment en ne rendant plus les carrières attractives).

Chaque année, l’hôpital « tangue » lorsqu’il arrive un évènement aléatoire qui génère un flux de patients plus importants sur une période donnée. Nous l’avons vu, par exemple, lors de la canicule où des gymnases ont été transformés en morgues. Le discours alors, est de nous faire oublier l’incapacité de l’état à s’adapter faute de moyens mais de nous faire compatir à une catastrophe. L’explication donnée n’incrimine pas l’État, pourtant garant de l’intérêt général, mais les comportements individuels qui n’auraient pas été « à la hauteur » de la situation. Lors de la canicule il s’agissait d’enfants égoïstes qui ne se préoccupaient pas de leurs anciens. Dans le cas du coronavirus c’est l’indiscipline des « gaulois réfractaires » aux règles. « Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt »… Les « sages » seraient les tenants de l’idéologie dominante libérale mais, nous ne sommes pas les idiots qui regardons le doigt. Le seul coupable n’est pas le virus, ni les citoyen.ne.s indiscipliné.e.s mais les gouvernements successifs qui depuis 30 ans nous gouvernent avec pour seule boussole la liberté économique. Le pire est à venir, le mépris de la planète de ces gens-là va accélérer la survenance de ces « aléas » qui deviendront des catastrophes.

Le coronavirus est un virus animal transmis à l’homme, un ensemble de virus que l’on appelle les « zoonoses ». La déforestation, le développement des surfaces agricoles, le commerce d’animaux sauvages, la consommation d’animaux sauvages et parfois même la consommation de carcasses infectées amènent le virus à l’homme. Ceci est rendu possible par le chamboulement de l’écosystème, par l’activité humaine. Il s’agit donc bien d’un virus écologique soumis à l’impact de la mondialisation auquel s’ajoutent les conséquences du réchauffement climatique.

Ce virus nous renvoie directement à la question de quelle organisation de société pour notre avenir ? Et naturellement du rapport de forces idéologiques et de liens géopolitiques. C’est dans ce sens qu’il est nécessaire d’analyser une situation politique. Il n’est surtout pas question de se prodiguer du jour au lendemain en docteur de médecine, mais d’analyser cette situation d’un point de vue politique. C’est le rôle de chaque citoyen.ne et celui de l’intérêt public.

Vous remarquerez que le gouvernement appelle à la solidarité mais refuse d’accepter la proposition de La France insoumise de rétablir temporairement (le temps de la « guerre sanitaire ») l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune. En même temps, il n’hésite pas à grignoter les congés payés de la grande majorité des Françaises et des Français. Il nous dit que tous les moyens seront mobilisés « quoiqu’il en coûte », mais refuse jusqu’à présent de faire appel aux réquisitions des cliniques privées et des anesthésistes-réanimateurs libéraux. C’est d’ailleurs ces derniers qui le demandent dans un communiqué daté du 21 mars et intitulé « réquisitionnez-nous ».

Ainsi, c’est bien un débat politique qui est en cours et deux visions de société qui s’affrontent. D’un côté, le libéralisme à outrance qui essaye de sauver les meubles sous l’eau, et de l’autre, un début de construction humaniste, répondant à l’intérêt commun.

Derrière les mots rassurants des tenants de la politique néolibérale, c’est un véritable diktat des libertés individuelles et des inégalités encore plus flagrantes qui nous attend à la sortie de cette crise si aucune expression ne fait face. Inutile d’aller chercher bien loin, reprenez le livre de Naomi Klein sur la stratégie du choc où elle expose la division d’une société néolibérale en deux parties après un désastre. Pour rappel, elle retrace plusieurs exemples sous différentes formes :

– Les dictatures de Pinochet au Chili, de Soeharto en Indonésie et celle de la Bolivie où les réformes ont été conduites par la force après des coups d’État et l’élimination de toute forme de contestation pour mettre en place ce libéralisme à outrance ; – Les pays de l’Est après la chute du mur de Berlin où « les libéralisations » ont suivi la chute en Pologne et en Russie au début des années 1990 ; – Le gouvernement de Margaret Thatcher au Royaume-Uni et le résultat désastreux que nous voyons aujourd’hui dans les services publics britanniques ; – Les politiques qui ont été pratiquées aux États-Unis depuis 1990, et plus particulièrement sous l’administration Bush avec la privatisation progressive de la sécurité aux États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001, la guerre en Irak ou l’ouragan Katrina. Laissant à chaque fois une partie de sa population dans l’extrême pauvreté ; – Même onde de choc au Sri Lanka après le tsunami de 2004 où les hôteliers du monde se sont partagé des territoires jusque-là préservés ; – Idem après la crise asiatique de 1997.

À chaque fois, comme à Bagdad, on voit émerger la séparation de la population en deux avec une sorte de zone verte, riche et protégée des dangers, et une ou plusieurs zones rouges, dangereuses et misérables.

En France, « les Chicago boys » avancent leurs pions. L’État d’urgence sanitaire se couple avec la menace de nos libertés. Le coronavirus arrive dans un contexte de forts mouvements sociaux et de revendications populaires. Dans de nombreux pays, c’est dans la rue que le peuple essaie de se faire entendre et de crier ses souffrances. La saignée de l’hôpital public, les coupes budgétaires dans l’éducation nationale, l’absence d’augmentation de salaire partout face aux revenus en hausse des entreprises du CAC40, face au CICE et les licenciements pourtant concomitants, le non-respect du salarié marchandisé, etc. Autant de colères non entendues, mais surtout réprimées dans les violences policières depuis plus d’un an, à coups de matraques, de gaz lacrymogènes, de LBD, de gardes à vue. Des blessé.e.s et éborgné.e.s, en veux-tu en voilà.

La calamiteuse gestion de la crise sanitaire a de quoi nous inquiéter. Rien n’a été fait au départ, puis le confinement est survenu permettant la loi d’urgence sanitaire. La gouvernance se fait par ordonnances. Ces ordonnances viennent tout bonnement casser le Code du travail. Cette attaque du Code du travail est la plus violente depuis 75 ans ! Semaine de 60 heures, sans heures supplémentaires, sans congés payés sauf si le patron en fait grâce, sans augmentation de salaire et même avec des diminutions de salaire, sauvetage de l’économie oblige même si l’ISF, lui, n’est pas rétabli pour participer à l’effort de crise !

Dans la situation de peur face au virus qui sévit et au confinement, personne ne peut vraiment réagir. L’autoritarisme des gouvernants se propage au rythme effréné du virus. Et l’espoir pour les oligarques d’avoir à disposition une main-d’œuvre corvéable à souhait prend forme. Pour Jean-Luc Mélenchon, l’état d’urgence est déjà une atteinte à la démocratie. Ces mesures soi-disant provisoires risquent ensuite de passer dans le droit commun tout comme l’état d’urgence terroriste, prétendument exceptionnel. Il nous faut urgemment planifier, réquisitionner et même nationaliser ce qui doit l’être. C’est maintenant qu’il faut coordonner tous les moyens et retrouver notre souveraineté et indépendance de production. Un pôle du médicament doit être mis en place. Nous avons perdu toute indépendance dans le domaine.

La fraternité, l’entraide, la gratuité, le service public, l’État doivent être mis au goût du jour en opposition à l’égoïsme social, au profit, à la cupidité, à la concurrence libre et non faussée. Notre programme l’Avenir en commun en fait toutes les propositions.

Les luttes écologiques et sociales doivent être liées. La rupture avec le productivisme capitaliste est primordiale pour établir une planification écologique et industrielle, car le capitalisme vert n’existe pas. Le partage des richesses est essentiel pour le bonheur et le bien-être de chacun. L’intérêt général doit être notre préoccupation de base. Pour cela, nous proposons de relocaliser les productions, de favoriser l’agriculture paysanne pour une souveraineté alimentaire. Arrêtons le grand déménagement du monde via des accords de libre-échange écocides qui tuent aussi les hommes. Nous proposons de redonner de la valeur au travail et du respect à la force productive. Non, l’austérité n’est pas un mode de vie salvateur, c’est au contraire un mode de vie destructeur et assassin.

En conclusion, nous pouvons dire que le confinement n’est pas la panacée. L’urgence aujourd’hui pour limiter le nombre de morts est de planifier la sortie du confinement et de convertir notre industrie pour la fabrication de millions de tests, de millions de masques, et de milliers de respirateurs.Le droit démocratique d’opposition et de proposition doit être préservé, c’est une priorité absolue contre la dérive autoritaire largement entamée. Et comme l’a dit Jean-Luc Mélenchon la semaine dernière, dans un échange téléphonique avec Daniel Mermet pour « Là-bas, si j’y suis » :« Devant l’incurie des gouvernements néolibéraux et leur intrinsèque bêtise, les gens vont souhaiter leur départ. Ce qui est devant nous est incroyablement sans précédent que tout ce que nous pouvons imaginer ».

Pas de retour en arrière, et construisons le monde écosocialiste de demain, dès aujourd’hui.

Claudio Calfuquir, Sandrine Coquerie, Hélène Le Cacheux


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