Stoppons la casse de l’hôpital public français

mercredi 8 avril 2020.
 

La courbe de la pandémie suit une pente ascendante très rapide. Avec six jours de retard, la courbe de la France suit le même chemin que celle de l’Italie. La vague arrive, alors que les personnels soignants sont épuisés et que les hôpitaux risquent d’être submergés, faute de capacités.

Le plus frappant, le plus évidemment scandaleux, est le manque de masques efficaces pour protéger les soignants, les personnes en contact avec le public et la population elle-même.

La pénurie de masques

En 2011, la France disposait d’une réserve d’un milliard de masques chirurgicaux et de 600 millions de masques de type FFP2 permettant de protéger le personnel soignant. Aujourd’hui, même en grattant les fonds de tiroirs, le gouvernement arrive péniblement à trouver 100 millions de masques. Un chiffre dérisoire au regard des 200 000 médecins et des 1,1 million de personnels non médicaux qui doivent eux-aussi être protégés : infirmières, agents d’entretien ou d’accueil, aides-soignants, brancardiers... Sachant, qui plus est, que les masques chirurgicaux ne peuvent être utilisés au-delà de quatre heures, et que les masques FFP2 n’ont pas une durée d’utilisation plus importante et doivent être jetés dès qu’ils ont été touchés et donc contaminés.

Où sont passés ces masques ? Ils coûtaient trop cher : il fallait les stocker et les renouveler tous les trois ou quatre ans. Les pouvoirs en place ont donc décidé de mettre fin à ces réserves alors même que la découverte régulière de nouveaux virus, potentiellement dangereux pour les êtres humains, exigeait qu’elles soient renouvelées.

La pénurie de lits

Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la Santé, le nombre de lits d’hospitalisation complète (avec personnel soignant et matériel) a diminué de 69 000 entre 2003 et 2007, et encore de 4 200 en 2018, alors que, cette même année, le nombre de lits d’hospitalisation partielle (guère utiles pour lutter contre le Covid-19) augmentait de 1 800.

D’autres matériels indispensables à la lutte contre le Covid-19 – du respirateur artificiel au gel hydro-alcoolique – manquent cruellement, eux aussi, aujourd’hui.

Tester massivement ?

Les scientifiques ne sont pas tous d’accord quant à l’utilité des tests de dépistage. Certains estiment que dans la situation française actuelle, il n’est plus utile de tester largement pour comprendre l’évolution de l’épidémie. D’autres ne sont pas du même avis en constatant que la Corée du Sud a réussi à réduire significativement le nombre de cas en pratiquant, notamment, des tests massifs sur sa population.

De toute façon, la France n’a pas eu le choix de sa stratégie : elle ne disposait pas des moyens nécessaires. Il ne lui était possible que de pratiquer environ 4 000 tests quotidiens, alors que l’Allemagne testait 12 000 personnes chaque jour et la Corée du Sud 20 000.

Manque criant de soignants

Emmanuel Macron découvre aujourd’hui que « la santé n’a pas de prix », mais il n’a été capable que d’embauches et d’augmentations dérisoires à la suite de la mobilisation de longue durée des services des urgences et, plus généralement, de l’ensemble des personnels hospitaliers. Le gouvernement ont profité, avec cynisme, du fait que ces derniers ne pouvaient pas faire grève pour ne leur accorder que des miettes.

Emmanuel Macron ne peut pas dire qu’il n’a pas été averti de l’asphyxie de l’hôpital. Il ne peut donc pas s’en tirer en se contentant de tresser des lauriers à ceux qui risquent leur vie en sachant que 20 à 40 % d’entre eux devraient, dans ces conditions, être contaminés par le Covid-19.

Comment en est-on arrivé là ?

Le Professeur émérite André Grimaldi répond clairement à cette question : « Depuis les années 2000, les autorités de santé se sont mises à envisager de gérer les hôpitaux comme des entreprises. Il ne fallait plus parler de “patient”, mais de “client” ; on a adopté la gouvernance d’entreprise jusque dans la terminologie de “Conseil de surveillance” et de “Directoire”. Nous devions passer d’un “hôpital de stock à un hôpital de flux”, tout en finançant les hôpitaux selon leur volume d’activité. On n’avait plus de lits vides et on comptait 400 postes d’infirmières non pourvus à l’AP-HP (Hôpitaux de Paris). N’oublions pas trop vite ce que cette épidémie révèle de l’état de notre politique de santé ! »

La recherche au pain sec

Depuis une quinzaine d’années, les moyens de la recherche fondamentale ont été asséchés par le financement de recherches par projets, à court terme.

Or, la recherche fondamentale à long terme est indispensable. Bruno Canard, spécialiste des coronavirus au CNRS, souligne qu’à chaque fois qu’un virus émerge, on demande aux chercheurs de se mobiliser, alors que « la science ne marche pas dans l’urgence et la réponse immédiate ». Mais les chercheurs, qui se battaient depuis plus de dix ans pour obtenir les moyens d’une recherche dans la durée sur les coronavirus, n’ont pas eu gain de cause et ont dû renoncer à mener à bien ces travaux, pourtant indispensables. On le voit aujourd’hui.


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