Crise : l’Union Européenne pyromane

dimanche 19 avril 2020.
 

Le « plan de sauvetage » européen annoncé le 9 avril aura dissipé un mirage. En mars, le plus violent krach boursier depuis des décennies avait contraint l’Union européenne à un vaste sauve-qui-peut. En quelques jours, les règles de limitation des déficits budgétaires et d’interdiction des aides d’État aux entreprises étaient mises entre parenthèse. Il fallait « rassurer les marchés » paniqués par la récession qui s’annonçait.

Mais voilà nos eurocrates revenus à leurs vieilles habitudes austéritaires. Déjà la signature, en plein crise sanitaire, d’un accord de libre-échange avec le Vietnam avait illustré le fanatisme libéral qui gouverne l’UE.

Les milliards annoncés pour affronter la « pire récession depuis 1945 » sont du même acabit que ceux qui étaient censés « sauver » la Grèce. Ils tueront le malade plus sûrement qu’ils ne le soigneront.

Il en est ainsi de l’intervention de la Banque Centrale européenne. La présidente Christine Lagarde a annoncé un énième plan massif de rachat de dettes. Mais le mandat de la BCE comme l’idéologie de ceux qui la dirige ont imposé que ces rachats soient faits au bénéfice des banques, invitées à vendre à la BCE leurs titres de dettes des États ou entreprises. La BCE en espère un ruissellement pour maintenir des prêts à taux d’intérêt bas. Mais en période de récession et de faible inflation, cela ne fera qu’alimenter la bulle financière là où il faudrait prêter directement aux États pour financer les politiques de lutte contre la crise sanitaire, économique et sociale et investir dans la transformation des économies pour construire le monde d’après. De nombreux économistes ont appelé à des versements directs – parfois sous le nom de « monnaie hélicoptère » – soit au profit des États soit des PME voire des ménages qui se verraient créditer d’une somme d’argent sur leur compte en banque pour absorber le choc. Même la Banque centrale d’Angleterre s’est résolue à prêter directement à l’État britannique le temps de la crise !

Les « 500 milliards » du plan de l’UE suivent le même chemin. De 200 milliards européens promis pour aider « les entreprises », il n’en existe en réalité que 25 apportés par les États au capital de la Banque européenne d’investissement. Et les eurocrates espèrent, par ruissellement, les transformer en 200 milliards de prêts aux entreprises. Des prêts ! Comme si le monde n’était pas déjà saturé de dettes, comme si des entreprises menacées de faillites allaient encore s’endetter, comme si les mieux portantes allaient emprunter pour investir alors que l’avenir est obscurci.

L’autre gros morceau du « sauvetage » concerne le recours au Mécanisme européen de stabilité (MES) pour prêter aux États. Et oui, comme la BCE ne le fait pas mais que c’est nécessaire, il fallait bien trouver une autre manière de faire. Le débat est exactement le même qu’au cœur de la crise grecque quand a été créé ce MES. Les mêmes acteurs radicalisés, Allemands et Hollandais en tête, défendent la même vision. Pour eux, la solidarité européenne n’existe pas et ne doit pas exister. Refusant le recours à la BCE comme les fumeux « corona-bonds » imaginés pour un emprunt collectif des européens, ils ont imposé le recours au MES. S’ils ont consenti que celui-ci prête sans condition, ce sera uniquement pour financer les dépenses de santé et rien d’autre, et dans la limite de 2% du PIB de chaque État soit à peine 36 milliards d’euros pour l’Italie. « Peanuts » dit un diplomate au journal Le Monde. Si les États veulent utiliser l’argent du MES – dont la capacité maximale de prêt est de 410 milliards d’euros – pour relancer leur économie, investir dans la transition écologique ou soulager les souffrances sociales, les prêts seront alors soumis à des « conditions » dont le cas grec donne un aperçu. La Commission prépare sans doute déjà son 64e appel à réduire les dépenses de santé après les 63 recensés entre 2011 et 2018.

Dès le lendemain de l’accord, le ministre français Bruno Le Maire en livrait les petites lignes : « Cet endettement doit être provisoire et nous devons le plus rapidement possible, dès que l’économie pourra redémarrer, réduire cette dette. À la sortie de cette crise il faudra faire des efforts, le redressement sera long et il passera par le désendettement du pays ». Derrière le coronavirus, une nouvelle cure d’austérité se prépare. À mille lieux des exigences de services publics et de reconquête de la souveraineté industrielle et technique posées par la crise.

Matthias TAVEL


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