Mises à pied, bavures, morts collatéraux et vies épargnées : les autres chiffres du Covid-19

dimanche 10 mai 2020.
 

Depuis le début de la pandémie du coronavirus, nos vies sont rythmés par le décompte des entrées et des sorties des services de réanimation, du nombre de personnes infectées par le virus et de celui des décès. Mais il est d’autres données, moins médiatiques (et très provisoires), que voilà.

7 MISES À PIED

Qu’ils soient soignants, inspecteur du travail ou éboueur, ils n’avaient qu’une seule exigence : que chacun travaille en sécurité, avec l’équipement nécessaire, afin que la santé des travailleurs ne soient pas mise en danger par le Covid-19. Pour avoir demander cela, ils ont été mis à pied.

Le 16 avril, Anthony Smith, inspecteur du travail, a été mis à pied par le ministère du Travail, sans que l’on sache bien pourquoi. Sur le site Rapports de force, on lit : « Décidée par le ministère du Travail, cette suspension à titre conservatoire tombe le jour même où une action en justice était lancée par l’inspecteur du travail. En référé, il demandait à un juge de sommer une entreprise d’aide à la personne de protéger ses salariées des risques de propagation du Covid-19 en leur fournissant masques, surblouses et charlottes. Or les gestes barrières sont les seules préconisations, a minima, du ministère du Travail. Dans un communiqué le ministère a jugé les exigences de l’inspecteur Anthony Smith comme des "faits considérés comme fautifs". Une langue de bois qui cache mal un manque d’arguments. "Au-delà de la mise à pied, ça nous semble surtout une manière de faire un exemple et de faire régner la peur", ajoute Sabine Dauménil », syndiquée à la CGT. Une plainte a été envoyée à l’Organisation internationale du travail. Sur Reflets, on lit : « Laetitia P., aide-soignante au Centre hospitalier d’Hautmont (Nord), s’est vue notifier samedi 4 avril une mise à pied pour une durée de quatre mois maximum. La direction lui reproche des faits de "menaces" et d’entretenir un "climat de crainte" dans l’établissement. » Également représentante syndicale Sud Santé et déléguée au CHSCT, il lui est précisément reproché d’avoir demandé à ce que les soignants bénéficient du matériel adéquat après qu’un premier cas de Covid-19 ait été déclaré dans le centre.

Fin mars, à Toulouse, dans l’Ehpad de la Cépière, deux soignants ont été mis à pied après avoir demandé plus de protection pour le personnel. Là encore, la direction les accuse d’avoir « instiller la peur chez les soignants et les résidents », témoigne l’un d’eux à La Dépêche, où l’on lit ceci : « L’un d’eux a dû quitter son poste en plein service, escorté par la police. »

Le 26 mars, on lit dans le journal La République du Centre : « Une salariée de l’entreprise de Saint-Ay, CIRETEC, a été mise à pied, à titre conservatoire, parce qu’elle aurait demandé plus de mesures de sécurité concernant le coronavirus. La direction réfute totalement cette hypothèse. »

Dans l’enquête de Médiacités Lyon, on apprend que deux éboueurs du principal opérateur privé de collecte de déchets de la Métropole lyonnaise ont été mis à pied après s’être… serré la main. Or, selon les salariés, la direction n’a pris aucun mesure pour assurer leur protection.

7 BAVURES

C’est le recensement effectué par le site rebellyon.info, pour la seule période du du 8 au 15 avril :

Le 8 avril à Béziers : Mohamed, 33 ans, est mort au commissariat de Béziers vers 23h30.

Le 10 avril à Cambrai : deux hommes trouvent la mort après avoir voulu échapper à un contrôle de police.

Le 10 avril à Angoulême : Boris, 28 ans, prend la fuite après un contrôle de police. Pris de panique, il stoppe sa voiture au milieu d’un pont et saute dans l’eau. Il n’en ressortira pas vivant.

Le 15 avril à Rouen : un homme, âgé de 60 ans, est décédé en garde à vue.

Le 15 avril à la Courneuve : un jeune de 25 ans reçoit cinq balles, dont trois en pleine tête. Selon les policiers, l’individu se serait jeté sur eux et ils n’auraient eu d’autres choix que de lui tirer dessus.

À cette liste, il faut ajouter le décès d’un adolescent de 14 ans qui, fuyant un contrôle de police, a trouvé la mort au volant à Clermont-Ferrand fin avril, ainsi que celui d’un homme de 43 ans retrouvé mort dans une cellule du commissariat d’Albi.

Pour rappel, en France, il y a en moyenne un peu plus d’un mort par mois entre les mains de la police et/ou des gendarmes.

Rebellyon recense également trois faits de violences policières et rappelle que l’Association de lutte contre les violences policières a déjà enregistré sept plaintes contre les forces de l’ordre.

9000 DÉCÈS À DOMICILE LIÉS AU COVID-19

Selon MG France, syndicat des médecins généralistes, 9000 personnes seraient mortes du Covid-19 à domicile entre le 17 mars et 19 avril. De plus, selon l’Insee, le nombre des décès hors hôpital ou Ehpad a bondi de 26% début avril en France. Le nombre officiel de décès à domicile lié au Covid-19 sera connu au mois de juin, a fait savoir le ministre de la Santé Olivier Véran.

27 SOIGNANTS DÉCÉDÉS

27, ce sera le minimum, selon un décompte de l’AFP. Mais toujours aucun chiffre officiel, pas plus que l’on ne connaît le nombre de soignants admis à l’hôpital pour le Covid-19. Le 16 avril, le site medscape.com, qui publie les noms des personnels soignants décédés, décomptait 7 morts pour la France, contre 97 pour l’Italie et 85 pour les États-Unis.

45% DE CRIMES ET DÉLITS EN MOINS, 36% DE VIOLENCES INTRAFAMILIALES EN PLUS

Selon le le service statistique du ministère de l’Intérieur, depuis le 17 mars, les crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie reculent en moyenne de 45%, jusqu’à -51% pour les vols sans violence. A contrario, les violences intrafamiliales ont bondi de 36% dans la zone de la préfecture de police de Paris pendant la première semaine du confinement.

+184% DES DEMANDES POUR UNE IVG TARDIVE

Sur le site Les Nouvelles News, on lit qu’un rapport du Planning familial constate « une augmentation de 330% des difficultés concernant des dysfonctionnements dans la prise en charge des personnes. [...] Au final "les femmes viennent globalement moins avorter alors qu’elles en ont toujours le même besoin" dit le rapport. [...] Autre chiffre inquiétant : sur trois semaines le numéro vert a reçu 54 demandes pour une IVG à l’étranger ou une IMG en France, contre 19 demandes en 2019, soit "une augmentation de 184% des demandes pour une interruption de grossesse au-delà de 12 semaines de grossesse." » En parallèle, selon le Fonds des Nations Unies pour la population, le confinement priverait 47 millions de femmes d’accès à la contraception, lesquelles risqueraient 7 millions de grossesses non désirées.

50.000 MORTS COLLATÉRAUX AU ROYAUME-UNI

Outre-Manche, le professeur Karol Sikora, spécialiste du cancer, estime que l’épidémie de coronavirus pourrait entraîner 50.000 décès par cancer, faute de détection précoce, de suivi et de traitement, soit quasiment autant que les morts liées au Covid-19. En moyenne, le Royaume-Uni déplore chaque année 165.000 décès suite à un cancer, 148.000 pour la France [1]. À noter qu’en France, depuis le confinement, on constate dans certains établissements une baisse pouvant aller jusqu’à -50% du nombre de patients pour les cancers, les AVC ou les infarctus.

11.000 VIES SAUVÉES EN EUROPE GRÂCE À LA BAISSE DE LA POLLUTION

11.000 personnes « auraient dû mourir » à cause de la pollution en Europe. Confinement oblige, les émissions de CO2 ont chuté de 40% et celles de particules fines de 10%. Pour rappel, la pollution de l’air tue chaque année 400.000 personnes en Europe.

1 GARDE À VUE, SIX AUDITIONS LIBRES ET 1 VISITE À DOMICILE POUR DES BANDEROLES « MACRONAVIRUS »

Pour avoir affiché à sa fenêtre une banderole « Macronavirus, à quand la fin ? » [2], une Toulousaine a passé plusieurs heures en garde à vue, accusée d’« outrage à personne dépositaire de l’autorité publique », avant d’être relâchée. Quatre jours plus tard, six de ses colocataires sont à leur tour convoqué au commissariat, cette fois-ci pour une audition libre. L’histoire faisant grand bruit, de nombreuses personnes font de même. Un autre Toulousain recevra le week-end suivant la visite des policiers à son domicile, lui enjoignant un choix assez clair : soit il retire sa banderole, soit il vient au poste. D’autres pressions du même genre ont eu lieu un peu partout en France, concernant d’autres messages.

Loïc Le Clerc et Sébastien Bergerat


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