Une nouvelle Afrique est possible !

dimanche 17 mai 2020.
 

Des mouvements sociaux africains et des groupes de la société civile alliés se sont réunis au cours des dernières semaines pour réfléchir aux impacts et aux implications des crises sur eux et pour construire une analyse et un appel sur un ensemble initial de demandes à nos gouvernements et institutions africains. La quinzaine de réseaux

http://www.europe-solidaire.org/spi...

Des mouvements sociaux africains et des groupes de la société civile alliés se sont réunis au cours des dernières semaines pour réfléchir aux impacts et aux implications des crises sur eux et pour construire une analyse et un appel sur un ensemble initial de demandes à nos gouvernements et institutions africains. La quinzaine de réseaux (voir plus bas) demandent maintenant plus largement d’appuyer cette déclaration et de la faire sienne (voir aussi ci-dessous). Ils recherchent des appuis provenant d’organisation (s) et réseaux africains, d’organisation (s) et réseaux alliés en dehors de l’Afrique et de personne (s), basée (s) en Afrique et à l’extérieur de l’Afrique. Il est possible aussi de participer à d’autres travaux en l’indiquant dans le même formulaire. La date limite de connexion est le lundi 18 mai 2020.

La pandémie de COVID-19 est peut-être le plus grand événement mondial de ces dernières décennies. La crise met en évidence et exacerbe les inégalités existantes du système socioéconomique néo-libéral et patriarcal mondialisé. Déjà, dans nombre de nos pays africains, les effets en cascade des politiques d’isolement se transforment en crises sociales et économiques profondes dont les plus vulnérables sont et seront à nouveau les plus touchés. Nos populations luttent contre un accès limité aux soins de santé, contre la perte d’emplois et de revenus, contre les coupures d’électricité et d’eau, contre les difficultés à payer les factures et même contre le risque d’expulsion lorsque le loyer ne peut plus être payé. Dans toute l’Afrique, une crise alimentaire majeure pourrait se profiler, car les marchés informels sont fermés et les moyens de subsistance sont touchés.

En ce moment de crise, nous, soussignés, mouvements sociaux africains, organisations de la société civile et alliés, saluons les travailleurs du monde entier, infirmières, médecins et autres personnels de santé, sur les marchés et dans les supermarchés, les nettoyeurs de rues, les ramasseurs de déchets et les éboueurs, les travailleurs domestiques et les soignants, les transporteurs, les camionneurs, les travailleurs du secteur alimentaire, les paysans, les producteurs d’aliments, ceux qui nous fournissent de l’énergie et tous ceux qui doivent travailler quotidiennement pour nourrir leur famille, pour le travail courageux et les sacrifices qu’ils font pour nous permettre de rester à la maison afin d’endiguer le virus.

À la croisée de la crise climatique et de la crise de Covid-19, l’Afrique et le monde doivent se forger une nouvelle trajectoire

Malheureusement, la crise climatique ne s’arrêtera pas tant que le monde se concentrera sur la crise sanitaire de Covid-19. Les deux crises sont causées par les humainset trouvent leur origine dans la façon dont nos systèmes politiques et économiques traitent la Terre et sa population, mus par la soif de profit. La crise climatique ravageait déjà notre continent et tant d’autres régions du monde lorsque la terre a été plongée dans la pandémie sanitaire de Covid-19. L’Afrique australe est toujours sous le choc des cyclones dévastateurs Idaï et Kenneth de l’année dernière, et doit faire face à des impacts climatiques débilitants tels que sécheresses, inondations, élévation du niveau de la mer, etc. L’augmentation prévue des températures mondiales pour l’Afrique est un présage d’effondrement humain, sociétal et écologique.

Les sociétés transnationales (STN), en collusion avec les gouvernements africains et d’autres élites, opérant en toute impunité et au mépris des populations et de la planète, sont parmi les principaux responsables des crises énergétique, climatique, alimentaire et écologique actuelles. Leurs activités ont eu un impact sur les moyens de subsistance des communautés locales en s’emparant des terres et en capturant les ressources naturelles, et ont pollué notre air, notre eau, nos terres, nos corps et nos communautés.La plupart des profits qu’elles génèrent sont souvent transférés illicitement hors de la région et se retrouvent dans de nombreux paradis fiscaux du monde entier. Cependant, alors que le prix du pétrole brut descend en-dessous de zéro pour la première fois de l’histoire, nous affirmons que la fin de l’ère de l’extractivisme, néfaste pour l’homme et la planète, est en vue. Il est temps de dire adieu au développement des combustibles fossiles et à l’agriculture industrielle néfaste.

La crise actuelle a provoqué une baisse temporaire des émissions de carbone et de la pollution en raison de l’arrêt ou du ralentissement de certaines industries, mais cela se fait au détriment des emplois et des stratégies de subsistance des Africains et d’autres personnes qui n’ont pas ou peu de filets de sécurité. Il ne s’agit pas d’une « transition juste » comme nous l’avons demandé avec nos amis du mouvement syndical. Nous voyons également de nombreux gouvernements supprimer ou assouplir les réglementations et procédures environnementales afin de stimuler désespérément les investissements à court terme, ce qui entraînera sans aucun doute une nouvelle dégradation de l’environnement et aggravera le cycle de la crise. Cependant, la façon dont l’air s’est assaini dans certains endroits en confinement est un témoignage remarquable de l’insoutenabilité de l’économie « normale » et du développement « normal ». La planète prospérera si nous choisissons une voie de développement différente, les jeunes verront un ciel bleu clair pour la première fois et des millions de personnes asthmatiques respireront mieux comme nous le constatons actuellement.

Les ajustements structurels, les mesures d’austérité, le démantèlement de l’État et des services publics, la réduction des services sociaux, la privatisation des services essentiels et l’endettement ont fait que les États africains sont les moins préparés à répondre à de telles crises. Cette situation est ancrée dans l’histoire coloniale et post-coloniale de l’Afrique et dans nos relations avec les institutions financières néolibérales comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, qui ont accordé de gros prêts à des taux d’intérêt élevés sur la base de conditions d’ajustement structurel. Nous ne devons pas permettre que ces mêmes pratiques se retrouvent dans nos relations avec la nouvelle Banque de développement ou toute autre institution du même genre. Toutes les conditionnalités relatives au soutien et/ou aux prêts de solidarité doivent être publiques dans le cadre d’une démocratie nouvelle et ouverte.

L’option du « statu quo » n’est plus possible : quel type d’Afrique et de monde devrait sortir de cette crise ?

La réaction rapide des gouvernements et d’autres acteurs à la pandémie de COVID-19 met également à nu la véritable inaction mondiale pour faire face sérieusement à la crise climatique et à d’autres crises. L’analyse est claire : pour faire face à la crise, il faut fondamentalement une volonté politique pour libérer de vastes ressources et modifier les politiques afin de confronter la crise et de réorienter tous les efforts vers son endiguement et sa résolution.

Nous ne pouvons pas revenir à la normale. Nous devons envisager un monde différent, une Afrique différente, afin que ce moment puisse marquer un tournant pour notre région et le monde. La pandémie de COVID 19 montre que nous avons besoin des solutions que nous, en tant que groupes pour la justice climatique à travers l’Afrique, avons indiquées de toute urgence. C’est ce que nous espérons. Le retour au système actuel ne peut être une option. Nous avons besoin de réponses fondées sur de nouvelles formes de régionalisme et de solidarité pour le redressement et la transition, qui soient justes et équitables pour tous, en particulier pour les pauvres et les plus vulnérables. Nous nous engageons et appelons les mouvements et les organisations de la société civile d’Afrique et du monde entier à se joindre à nous dans la lutte pour un monde nouveau.

APPEL À L’ACTION :

Nos demandes pour co-créerun nouvel espoir et une juste reprise pour l’Afrique et le monde

Soutenir les services essentiels, la nourriture, l’eau et le système de santé :

Fournir des équipements de protection à tous les travailleurs de la santé et aux travailleurs essentiels de première ligne, tels que les ramasseurs de déchets et les éboueurs, les travailleurs du secteur alimentaire, les petits producteurs et les producteurs d’aliments de subsistance, etc Les systèmes de santé de toute l’Afrique doivent être entièrement revus et remaniés, et des services de santé gratuits et accessibles doivent être fournis à tous les Africains comme un droit de l’homme. L’Afrique doit renforcer sa propre capacité à développer ses propres remèdes, à produire des médicaments et des équipements sur son territoire pour ses habitants, dans le cadre de la propriété publique et non de la cupidité privée, fondé sur le principe de la souveraineté des peuples, afin que nous ne devions pas tout importer depuis l’extérieur. Tout vaccin développé pour lutter contre le COVID-19 doit être libre de tout brevet et accessible gratuitement à tous les habitants de la planète. Les Africains ne doivent pas servir de cobayes pour tester les nouveaux vaccins proposés, et les tests doivent être approuvés de manière transparente et menés de manière universelle. Tous les États africains doivent reconnaître les paysans, les petits producteurs et les producteurs d’aliments de subsistance comme un secteur essentiel dans cette crise. Toutes les mesures d’urgence mises en œuvre doivent être guidées par la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans (UNDROP).

Les États africains doivent s’engager à donner la priorité aux besoins des communautés en situation de stress hydrique, notamment en déployant des camions-citernes, car l’accès à l’eau est essentiel pour lutter contre ce virus. Il faut imposer un moratoire sur toutes les expulsions et la rétention des services publics pendant la durée de la pandémie, en donnant la priorité aux familles pauvres et les plus vulnérables. Les transports publics à faibles émissions de carbone doivent être développés au niveau local et régional dans toute l’Afrique, afin que nous ne soyons pas dépendants de vols coûteux et polluants et de transports privés comme c’estle cas actuellement.

Réorganiser l’économie, soutenir et redistribuer le travail de soins :

Reconnaître l’injustice de la division sexospécifique du travail et faire pression pour une redistribution et une valorisation du travail de soins dans le maintien de la vie(travail à domicile actuellement assuré en grande partie par les femmes). Les femmes constituent la majorité des travailleurs de la santé. Soutenir les économies locales, en particulier les systèmes alimentaires locaux pour la consommation locale de nourriture.

Instituer une subvention de revenu universel et/ou de base pour soutenir les moyens de subsistance et les familles.

Mettre fin à tous les projets d’exploitation des combustibles fossiles et d’extraction et préserver les droits de l’homme :

Tous les projets de combustibles fossiles, d’extraction et d’agriculture industrielle (en particulier les technologies de modification génétique) doivent être arrêtés pendant et après la crise de Covid, dans tous les pays africains, quel que soitle lieu du siège des entreprises. Les subventions publiques à l’industrie des combustibles fossiles et au complexe militaro-industriel doivent également être arrêtées.

Les processus dirigés démocratiquement doivent examiner et fournir des ressources aux gens et aux communautés touchés par ces projets d’extraction, y compris les travailleurs de ces secteurs.

Les droits de consentement des communautés et leur droit de dire non aux projets nuisibles doivent être respectés et faire l’objet d’une audition démocratique. Les gouvernements ne doivent ni bafouer les lois et les réglementations environnementales qui garantissent la participation du public, ni leurs autres droits de l’homme.

- Surtout, les États africains doivent demander des comptes à ceux qui sont au pouvoir, notamment à la police et l’armée. En outre, les cas croissants d’abus et de violence injustifiable doivent cesser immédiatement pendant et après la pandémie. Des organes d’enquête et des médiateurs indépendants doivent être mis en place pour permettre aux citoyens de s’exprimer librement et en toute sécurité sans que les droits de l’homme ne soient violés. La violence doit cesser.

Mettre fin à l’austérité ; Mettre fin à la crise de l’endettement ; Accepter les aides financières sous forme de subventions et NON de prêts ; Reconnaître la dette climatique

Les financements destinés à soutenir la réponse Covid et la reprise dans les pays africains devraient être acceptés uniquement sous forme de dons, et NON de prêts, et ne devraient pas être assortis d’aucune conditionnalité de type ajustement structurel qui affaiblirait sans aucun doute davantage les services sociaux.

Les mesures d’austérité et d’ajustement structurel doivent être arrêtées. Il faut soutenir les droits de l’homme, la santé, l’éducation et les moyens de subsistance pour tous les Africains et tous les peuples. Toute la dette historique imposée par les institutions financières internationales devrait être annulée avec effet immédiat. Ces dettes ne feront que paralyser davantage les gouvernements dans leur réponse à la crise de Covid.

Il faut reconnaître la dette climatique et écologique, due par le Nord global à l’Afrique et au reste du Sud global. Le soutien financier à l’Afrique ne devrait pas aggraver la crise de l’endettement.

Les États africains doivent prendre des mesures énergiques pour éliminer les fonctionnaires corrompus et les réseaux de corruption qui politisent le soutien aux familles vulnérables pendant cette pandémie, entravent les réponses et utilisent cette crise à des fins immorales pour accroître les avantages personnels.

Soutenir une reprise juste

Les plans de relance doivent d’abord soutenir les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables, sans aucun renflouement des grandes entreprises. Les renflouements ne devraient être accordés qu’aux travailleurs touchés par les fermetures.

Des limites importantes doivent être imposées au pouvoir non contrôlé des entreprises, et les mesures de responsabilité qui leur sont imposées doivent être renforcées.

Une transition holistique et juste doit être la reprise que nous souhaitons construire. Il s’agit notamment d’analyser les causes profondes communes de la crise du Covid-19 et 6de la crise climatique, et les mesures à prendre pour renforcer la résilience de la société. Le climat doit être au cœur de tout effort de reconstruction. Nous avons besoin d’une volonté politique pour sortir de cette pandémie et avoir une économie et une société qui prend soin desgens et de la planète. Il nous faut une transition et une reprise justes.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message