La CIA, une organisation terroriste et totalitaire (1) Ses « bijoux » cachés et malpropres

mardi 29 janvier 2008.
 

La plus grande qualité des dirigeants américains est de savoir mentir mieux que personne n’a su mentir depuis plusieurs millénaires. Ainsi, dans les années 1968, la CIA a commandité, organisé, mis en application des plans de liquidation individuelle de dizaines de milliers de militants politiques tant en Asie qu’en Amérique latine ou en Afrique.

Le grand capital avait besoin de casser la puissante aspiration démocratique qui montait alors de partout, par quelque moyen que ce soit. Ce moyen, ce fut l’assassinat au saut du lit, au détour d’une rue, devant les enfants.

Dans le même temps, ces serviteurs et "communicants" du capital financier américain devaient jurer sur la Bible que le pays à la bannière étoilée était le meilleur garant international de la démocratie, des droits de l’homme, de la veuve et de l’orphelin.

Ainsi, William Colby, directeur exécutif et chef des opérations de la CIA déclara le 29 janvier 1972, dans une lettre adressée à Lloyd Sherar, directeur du magazine de Los Angeles Parade : « Je peux déclarer, et sous serment si nécessaire, que la CIA n’a jamais effectué d’assassinat politique ni na jamais provoqué ou suggéré que de tels assassinats aient lieu. Peut-être suis-je trop sensible, mais jose espérer que vous porterez cela à la connaissance de vos lecteurs. » Remarquez bien la touche de psychologie individuelle made in USA "peut-être suis-je trop sensible".

En 2007, une partie des archives de la CIA, nommées "les bijoux de famille", ont été rendues publiques. Elles dévoilent vingt ans d’activités illégales et de coups tordus aux quatre coins du monde.

L’article ci-dessous a été redigé à partir d’informations et d’ujn texte extraits de L’Humanité.

Commençons par ce William Colby, si tendre. Il avait été précédemment, pour le compte de la CIA l’organisateur de l’opération Phénix, un gigantesque programme terroriste d’assassinats politiques de civils vietnamiens soupçonnés d’être des « communistes », qui coûta la vie à au moins quarante mille per- sonnes. Aujourd’hui, la lettre de Colby, ses différents brouillons et l’ échange de correspondances avec le directeur de Parade, dont un journaliste avait osé écrire que la CIA « a utilisé l’ assassinat politique comme une arme » constituent les derniers documents de cette série officiellement appelée « les bijoux de famille » de la CIA.

Ces fiches ont été rendues publiques le 26 juin dernier par l’actuel directeur de la CIA, Michael V. Hayden, quinze ans après la demande déposée au nom de la loi sur la liberté d’information par le centre de recherches indépendant, « National Security Archive ».

LES RÉVÉLATIONS DE « GORGE PROFONDE »

Les « bijoux de famille » rassemblent, selon ses initiateurs, des notes de synthèse toutes marquées du tampon « secret-regard uniquement »- « des récapitulatifs d’actions menées par le passé » (de mars 1959 à mai 1973 - NDLR) qui « entrent en conflit avec les dispositions de la loi sur la sécurité nationale de 1947 » et « gardent un potentiel d ’affolement actif », si elles étaient rendues publiques, affirme une note datée du 16 mai 1973 du directeur de la sécurité de l’agence Howard J. Osborne.

Il s’agissait par conséquent de maintenir au fond du placard des secrets totalement impubliables. On était alors en pleine crise de destitution du président Richard Nixon, pris la main dans le sac après l’arrestation, le 17 juin 1972 de cinq « plombiers », des agents de la CIA envoyés cambrioler le siège du Parti démocrate dans l’immeuble du Watergate, à Washington. Révélations après révélations dans la presse, avec de mystérieuses sources comme ce fantôme surnommé « Gorge profonde », le délire policier et la paranoïa de surveillance planétaire d’un régime englué dans la guerre du Vietnam furent l’objet de commissions d’enquêtes du Congrès américain, contraint d’agir face à une opinion effrayée par les révélations quotidiennes d’horreurs commises en son nom par le pouvoir.

L’histoire des actions des services et polices secrets est, par définition, celle de l’illégalité et du crime, commis au nom de la raison d’État. On a pour habitude de stigmatiser les régimes autoritaires, précisément du fait de l’omniprésence dans le système de gouvernement des polices secrètes et autres escadrons de la mort. Mais lorsqu’il sagit de régimes prétendant, au nom de la dé- mocratie, tuer, torturer, violer, renverser des gouverne- ments démocratiquement élus, le scandale est d ’autant plus révoltant.

UNE AGENCE NÉE DE LA GUERRE FROIDE

Les États-Unis, fondés sur le principe du moins de gou- vernement possible, n’avaient pas de services de renseigne ment central jusquen 1947, année au cours de laquelle fut votée la loi sur la sécurité nationale (National Security Act), créant tout à la fois un secrétariat (ministère) à la Défense, un état-major interarmes et l’Agence centrale de renseignement - CIA. Ce service n’avait, selon la loi, que le droit de « regrouper et évaluer » le renseigne- ment. Il lui était, intrinsèquement interdit d’espionner les citoyens américains. Les législateurs états-uniens étaient en effet très réticents.

Le texte législatif - toujours en vigueur - précise que l’agence de renseignement « n’aura ni pouvoir de police et d’inculpation judiciaire, ni fonction de sécurité intérieure ». Mais une clause passée inaperçue à l’époque, a ouvert la voie à la légitimation de toutes les exac- tions : la CIA pouvait être appelée à fournir aux insti- tutions de renseignement et d’investigation déjà exis- tantes, telles le FBI (Bureau fédéral dinvestigation) par exemple, « des services supplémentaires d’intérêt com- mun ». Pire, elle avait été habilitée à protéger « les méthodes et sources de renseignement de toute divul- gation non autorisée ».

En fait, l’implication intérieure de la CIA en a fait dès les premières années une véritable police politique se- crète incontrôlable, selon le principe du « pas vu, pas pris ». Écoutes téléphoniques, ouverture de courrier, interrogatoires clandestins, menaces en tous genres, chantages et effraction de domiciles de citoyens « sus- pects d’activités antigouvernementales », étaient dès les années 1950 devenus l’une des activités centrales de l’agence, toujours sous l’autorité directe des présidents successifs des États-Unis.

Rivale du FBI, la CIA se retrouvait aux côtés de la po- lice d’État avec une même obsession : l’anticommunisme et la chasse à tout ce qui pourrait paraître subversif, comme par exemple le syndicalisme - déjà souvent noyauté par un assemblage nauséabond de mafieux, d’agents doubles ou triples et de dirigeants corrompus comme par exemple Jimmy Hoffa le patron du syndicat des camionneurs - ou encore, à partir des années 1960, la lutte pour les droits civiques des Afro-Américains et celle contre la guerre du Vietnam.

Les « bijoux de famille », ce sont plus de 700 photoco- pies numérotées et souvent presque illisibles - au moins une centaine ne sont que des pages blanches ou occultées - d’un vrac composé de notes diverses sans ordre apparent, de bordereaux d’envoi, de pièces sans queue ni tête comme celles portant sur un obscur différend financier - environ 15000 dollars - avec le FBI, ou encore sur le nombre de timbres à payer pour l’envoi de lettres du président Johnson.

L’ÉTAT, TORTIONNAIRE ET TERRORISTE LÉGAL

Ce sont des documents fastidieux à lire, tant leur style est cimenté dans la langue de bois bureaucratique. Mais un travail de décryptage et de recoupement, notamment avec les révélations des commissions d’enquête parlementaires du début des années soixante-dix - constituées après la révélation du Watergate - permet de cerner le caractère véritablement criminel de lagence de renseignements. Et c’est dans ce sens que les « bijoux » sont en réalité des déchets ultimes à partir desquels on peut reconstituer une histoire de l’infamie.

Les « bijoux de famille » nous rappellent aussi le courageux combat, dans les années soixante-dix, de citoyens et d’élus états-uniens contre l’arbitraire. Voir « The American Police State - The government against the people », de David Wise, First Vintage Books Edition, February 1978. Sans doute l’ouvrage le plus complet sur les turpitudes de la CIA et du pouvoir états-uniens de 1947 à 1976.

Voici par exemple la fiche concernant l’acte qui a permis d’empêcher la formation d’un Etat congolais qui aurait pu demander un droit de regard sur ses richesses naturelles, convoitées par les grandes entreprises capitalistes :

Qui a commandité l’assassinat de Lumumba ?

Comment les agents de la CIA voulaient se débarrasser du leader congolais.

« En novembre 1962, M. (...) indiqua à M. Lyman Kirkpatrick qu’un jour M. Richard Bissell (directeur des opérations - NDLR) lui a ordonné d’assumer la responsabilité d’un projet impliquant l’assassinat de Patrice Lumumba, alors premier ministre du Congo. Selon (...), le poison devait en être le vecteur, puisqu’on lui avait indiqué de voir le Dr Sidney Gottlieb en vue de se procurer le vecteur approprié. »

La fiche nº 465 des « bijoux de famille » est la seule indication précise quant au complot d’assassinat contre Patrice Lumumba. Le nom occulté est sans doute celui de Larry Devlin, chef de l’opération Congo. Sidney Gottlieb était le chef du bureau des services techniques, connu comme étant le spécialiste des poisons, des drogues, des virus et des gadgets vicieux en tous genres. Selon la commission Church, le poison devait être placé « dans de la nourriture ou sur une brosse à dent » du dirigeant congolais, ou sur tout ce qui pourrait « entrer dans sa bouche ».

L’opération ne fut pas réalisée, Patrice Lumumba ayant été, selon la version officielle, battu à mort le 17 janvier 1961 après avoir été capturé par les nervis du futur dictateur zaïrois Mobutu. Pour la commission d’enquête sénatoriale, les indices collectés « impliquaient raisonnablement que le complot pour assassiner Lumumba avait été autorisé par le président Eisenhower ». Les assassins anonymes de Patrice Lumumba auraient donc pris de vitesse la CIA, et Washington n’aurait donc pas été impliqué.

Ce n’est pas ce que raconte John Stockwell, le responsable, de décembre 1975 au printemps 1977, du détachement spécial Angola, chargé de mener une guerre clandestine contre le Mouvement populaire de libération de l’An- gola (MPLA). Dans son récit (1) publié après sa démission - par dégoût moral des tâches qu’on lui imposait -, il évoque « un officier qui s’était adressé en 1965 à (sa) promotion » et avait évoqué « une aventure à Lubumbashi, traînant dans la ville après le couvre-feu avec dans le coffre de sa voiture le corps de Lumumba, essayant de décider ce qu’il fallait en faire ». Évoquant Larry Devlin, son ancien chef et « célèbre éminence grise du programme Congo au début des années 1960 » où il a « joué de nouveaux gouvernements comme on bat des cartes », Stockwell indique que cet agent de haut vol, à sa retraite, a investi dans des « ressources minérales zaïroises » grâce à son amitié avec Mobutu, pour une valeur d’un demi-milliard de dollars.

Devlin n’a ja- mais reconnu devant la commission Church avoir directement présidé à l’assassinat de Lumumba. En fait, comme dans d’autres occasions, les agents de la CIA n’ont pas plongé directement leurs mains dans le sang. Comme l’explique Stockwell, « des fonctionnaires de la CIA ont discuté de la menace que constituait Lumumba avec d’autres politiciens congolais. Ces derniers ont fait le reste ». Et, précise-t-il, « finalement nous avons appris qu’il a été tué, non pas avec notre poison, mais battu à mort, vraisemblablement par des hommes qui étaient loyaux à d’autres portant des pseudonymes de l’agence et qui en percevaient un salaire ». Par sa mort, Lumunba « est devenu un martyr éternel, et en installant Mobutu à la présidence du Zaïre nous nous sommes compromis avec l’autre côté, le côté perdant en Afrique centrale et australe ». M. M. (1) In Search Of Enemies (« à la recherche d’ennemis »), de John Stockwell (Éditions W. W. Norton, New York, 1978).



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