Souverainisme ? Non, république sociale !

samedi 30 mai 2020.
 

Il est néces­saire de dis­si­per quel­ques confu­sions qui ren­dent plus opaque que jamais le débat poli­ti­que tel qu’il existe au moins dans le petit monde média­ti­que. L’actua­lité rend urgente la cla­ri­fi­ca­tion au sujet du « sou­ve­rai­nisme ». Disons-le d’emblée : les amis de la Sociale ne sont pas « sou­ve­rai­nis­tes » mais par­ti­sans de la République sociale. Ce n’est pas la même chose et, peut-être, même pas du tout la même chose.

La sou­ve­rai­neté dési­gne le pou­voir au-dessus duquel il n’existe pas d’autre pou­voir. Le roi était sou­ve­rain, car aucun pou­voir ne pou­vait s’impo­ser à lui. La lutte entre les gran­des monar­chies et la papauté avait cet enjeu. C’est de cette sou­ve­rai­neté poli­ti­que que sont nées les gran­des nations moder­nes. La France, l’Angleterre, l’Espagne, etc. se sont cons­trui­tes poli­ti­que­ment comme nations autour de la monar­chie abso­lue. L’Allemagne s’est cons­truite plus tar­di­ve­ment autour de la monar­chie prus­sienne et l’Italie autour de la monar­chie de Piémont-Sardaigne. Nous voyons clai­re­ment que toutes les nations sont des cons­truc­tions poli­ti­ques et qu’elles n’ont jamais rien de natu­rel. Ceux qui dis­tin­guent la France en disant que la France est une nation poli­ti­que pour­raient dire la même chose des autres nations euro­péen­nes. Après bien des tur­pi­tu­des s’est ainsi formé l’État-nation.

La Révolution fran­çaise opère un coup de force poli­ti­que énorme : elle trans­fère la sou­ve­rai­neté de la monar­chie au peuple ! Vouloir être seu­le­ment sou­ve­rai­niste, c’est tout sim­ple­ment annu­ler ce coup de force. Ce n’est évidemment pas une petite affaire. Je ne doute pas une minute que M. de Villiers soit sou­ve­rai­niste, mais il n’est pas du tout répu­bli­cain, au sens précis de ce terme. Pour que la répu­bli­que existe, il faut un cadre poli­ti­que préexis­tant, celui de l’État-nation sou­ve­rai­neté, car la liberté ne peut exis­ter dans une nation sou­mise à une autre. Mais la sou­ve­rai­neté n’est que la condi­tion néces­saire et non la condi­tion suf­fi­sante de la répu­bli­que libre per­met­tant aux citoyens d’être libres. Parler de sou­ve­rai­neté sans mettre en avant la répu­bli­que, c’est tout sim­ple­ment oublier que le but de toute asso­cia­tion poli­ti­que est de garan­tir l’exer­cice des droits fon­da­men­taux du citoyen.

Qu’est-ce qu’une répu­bli­que ? C’est très sim­ple­ment l’orga­ni­sa­tion des citoyens libres, déci­dant en commun où se trouve leur bien et for­mant ainsi un peuple légis­la­teur. La répu­bli­que, c’est d’abord cela : le peuple, direc­te­ment ou par ses repré­sen­tants, légi­fère. Et le prin­cipe de la loi s’appelle liberté. Car, si le peuple cons­ti­tue une répu­bli­que et paye de ses deniers les frais qu’engen­dre un État, c’est pour que cet État les pro­tège contre toute domi­na­tion. D’où cette deuxième carac­té­ris­ti­que de la répu­bli­que : elle défend la liberté comme non-domi­na­tion. De cela, il découle que le prin­cipe de la sépa­ra­tion des pou­voirs est un prin­cipe sacré, prin­cipe bafoué chaque jour un peu plus dans notre pré­ten­due République fran­çaise actuelle.

Quelle est la ques­tion déci­sive aujourd’hui ? D’un cer­tain point de vue notre État-nation est sou­ve­rain. Personne n’oblige le gou­ver­ne­ment fran­çais à suivre les ordres venus de Berlin ! Il nous suffit de vou­loir être libres pour l’être. Aucune troupe d’occu­pa­tion ne vien­dra nous enva­hir si nous déci­dons de natio­na­li­ser les ban­ques et les gran­des entre­pri­ses stra­té­gi­ques. Nous sommes liés aux autres pays de l’UE par des trai­tés et chaque État reste libre de se déga­ger de ces trai­tés. Quand nous défen­dons la sou­ve­rai­neté natio­nale, c’est d’abord contre notre gou­ver­ne­ment que cette reven­di­ca­tion est dres­sée et non contre l’Allemagne qui sait assez bien défen­dre sa propre sou­ve­rai­neté natio­nale. Alors pour­quoi notre gou­ver­ne­ment orga­nise-t-il la sou­mis­sion de la France, pour­quoi le peut-il en toute impu­nité ? Tout sim­ple­ment parce qu’il n’est pas un gou­ver­ne­ment répu­bli­cain, mais un mons­tre semi-bona­par­tiste. La sou­ve­rai­neté natio­nale est indis­so­cia­ble de la jus­tice sociale. Notre gou­ver­ne­ment, parce qu’il veut en finir avec les ins­ti­tu­tions de jus­tice sociale cons­trui­tes depuis des décen­nies, prend appui sur le gou­ver­ne­ment alle­mand, exac­te­ment comme Thiers s’est mis d’accord avec Bismarck pour exter­mi­ner les com­mu­nards.

Ainsi les com­bi­nes dites « sou­ve­rai­nis­tes » qui occu­pent l’actua­lité sont-elles, dans le meilleur des cas, une erreur de diag­nos­tic et, dans le pire, des opé­ra­tions pour­ries qui ser­vent de miroir aux alouet­tes pour per­met­tre au gou­ver­ne­ment de pour­sui­vre son œuvre des­truc­trice. Ajoutons que lutter pour la sou­ve­rai­neté natio­nale en gar­dant le capi­ta­lisme, c’est une pure et simple escro­que­rie intel­lec­tuelle.

Le 20 mai 2020. Denis Collin


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