Tunisie : Retour d’une forte contestation sociale

samedi 4 juillet 2020.
 

À Tataouine, dans le sud tunisien, un mouvement de chômeurs réclame des emplois et l’application d’un plan d’embauches promis par l’exécutif en... 2017. L’intervention brutale des forces de l’ordre n’a pas entamé la détermination des manifestants.

Au départ il y a des promesses non tenues. En 2017, un sit-in avait été organisé par des jeunes chômeurs du gouvernorat de Tataouine. Les manifestants avaient dressé des tentes devant le site de production pétrolière d’El-Kamour.

« Les accords de Kamour sont restés lettre morte, explique Sam Sehili-B-Z professeure émérite de lettres et auteure. Ces accords permettaient aux jeunes de la région de travailler dans les sociétés d’hydrocarbures. » Le gouvernement avait alors promis d’investir chaque année 80 millions de dinars (environ 25 millions d’Euros) pour le développement de Tataouine.

Finalement, rien de tout cela n’a réellement abouti, selon le syndicat de l’Union générale du travail tunisien (UGTT). Seule une partie des milliers d’emplois promis, dans des sociétés pétrolières ou des structures d’entretien de l’environnement, ont été créés.

L’Union régionale du Travail à Tataouine estime dans un communiqué que le gouvernement « a perdu toute crédibilité à cause de ses promesses non tenues et son déni de l’accord de Kamour conclu entre le chef du gouvernement et le secrétaire général de l’UGTT, concernant la tenue d’un conseil ministériel ».

Pour le porte-parole du sit-in d’El Kamour le message est clair : il faut se mobiliser pour « récupérer les richesses accaparées par les lobbies ».

Près de 28% de taux de chômage

Cette ville marginalisée du sud tunisien est en proie à un taux de chômage très élevé. Ces heurts sur fond de crise sociale illustrent le ras-le-bol de la jeunesse dont témoigne Yosra Tounakti, une jeune femme originaire de Tataouine :

La plupart des jeunes essayent de ne pas rester à Tataouine, ils vont vers d’autres villes ou quittent le pays pour trouver du travail. C’est comme ça depuis des dizaines d’années. Moi, j’ai réussi à faire mes études à l’étranger, en France.

L’Union des jeunes diplômés chômeurs recense 9 644 membres et l’Association des chômeurs non qualifiés près de 7 000 sans baccalauréat. Depuis quelques années, les sociétés pétrolières installées dans la région et leurs organismes de sous-traitance sont vus comme une issue par ces jeunes : un moyen de retrouver indépendance, liberté et surtout autonomie financière.

Conflit entre force de l’ordre et manifestants

« Cela fait des semaines que les contestations perdurent, c’est une crise où les violences de la part des forces de l’ordre ont été observées, notamment au travers de l’usage massif des lacrymogènes » , explique la professeure de lettres, Sam Sehili-B-Z.

De nombreux manifestants ont aussi été arrêtés, dont Tarek Haddad, libéré après quatre jours de détention. Porte-parole du sit-in, ce dernier avait déjà entamé une grève de la faim le 18 juin en vu de l’application des accords dont l’objectif est d’obtenir une meilleure répartition des richesses.

Les membres de l’UGTT réclament la libération des manifestants arrêtés par les forces de l’ordre. Les protestataires demandent également la tenue d’un conseil ministériel autour de la mise en œuvre des points de l’accord d’El-Kamour. L’exigence de justice sociale qui mobilise Tataouine n’est pas prête de retomber.

PAR MAEVA CHIROUDA


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