Police, fascisation de policiers et violences policières

lundi 24 avril 2023.
 

La mort de George Floyd aux États-Unis le 25 mai 2020, tué à la suite d’une « interpellation » par des policiers suprémacistes et ouvertement racistes, a suscité une immense et légitime émotion dans le monde entier, notamment en France où se posent de nouveau avec acuité trois questions (en particulier dans le cadre actuel de « l’affaire Adama Traoré ») :

- > celle du poids des discriminations en général, et du racisme dans le cas présent, en France ;

- >celle de la place de la police et des policiers au sein de la société française, notamment au regard des violences croissantes perpétrées par des « forces de l’ordre » (ou plutôt du désordre) à l’encontre de nombreux manifestants ;

- > enfin, et en lien avec le rôle de la police et des policiers, celle de la traque de toutes les formes de délinquance, et non les seules formes constamment évoquées par les médias serviles de l’oligarchie euro-capitaliste et fascisante de notre pays.

Disons-le d’emblée, nous refusons deux positions aussi stériles que caricaturales, qui ne permettent pas d’aborder dialectiquement le problème. D’un côté, entendre parler de « police républicaine » au sein de laquelle il n’y aurait pas de racisme et qui ne commettrait jamais de violences fait largement sourire – pour ne pas dire davantage... – les militants communistes du PRCF, qui ont déjà eux-mêmes subi les charges répressives des « forces de l’ordre » lors de manifestations comme le 1er mai 2019 à Paris (avec coups reçus et dégradation du matériel au passage...), confirmant de fait un stade avancé de la fascisation à laquelle contribuent aussi bien les euro-gouvernements austéritaires et répressifs que l’extrême droite fascisante dont les idées se diffusent de manière exponentielle parmi certains syndicats policiers. Mais d’un autre côté, scander que « tout le monde déteste la police » et que « la police est raciste » par essence revient à discréditer l’ensemble des travailleurs d’une institution au sein de laquelle opèrent aussi des gardiens de la paix – et non simplement des « forces de l’ordre » – soumis à des pressions et à une réelle instrumentalisation politique, l’image de celles pratiquées par le Sinistre de l’Intérieur Castaner et par le fascisant préfet de la police de Paris Didier Lallement, spécialiste en provocations et en violences gratuites envers tous les manifestants progressistes pacifiques ; avec le risque, au passage, de renforcer davantage les positions des policiers racistes et fascisants opérant au sein même de la police...

C’est pourquoi la présente analyse, qui tiendra compte des différentes composantes que sont la police institutionnelle, les policiers et les violences policières, tendra à montrer que s’il y a incontestablement une fascisation galopante au sein de l’institution police – fascisation que le PRCF ne cesse de dénoncer et de combattre depuis des années, y compris au sein de la police – portée par nombre de dirigeants, de représentants de syndicats et de policiers, il existe malgré tout encore des gardiens de la paix eux-mêmes parfois victimes desdites violences (y compris racistes), et que par conséquent l’une des solutions ne peut résider que dans un soutien aux travailleurs honnêtes et intègres au sein de la police, mais aussi dans une implacable épuration et une redéfinition du rôle de la police pour lutter contre toutes les délinquances, y compris celle qui n’est que trop rarement combattue, à savoir les délits et crimes commis par les représentants de l’oligarchie euro-capitaliste et fascisante de notre pays.

Un constat très inquiétant : la fascisation croissante de l’institution policière Jusqu’au début juin 2020, Emmanuel Macron, comme l’ensemble de ses prédécesseurs, était catégorique au sujet des violences policières :

« Ne parlez pas de répression ou de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un État de droit »[1]

Emmanuel Macron

répondait-il en mars 2019 à des Gilets jaunes venus demander des comptes à celui qui, quelques mois auparavant, entouré de sa cour d’affidés, prenait la défense du barbouze Benalla en se fendant de son désormais célèbre « Qu’ils viennent me chercher ! » Sentant le vent tourner, et face à une réalité moins reluisante pour la « police républicaine », Jupiter a révisé (partiellement) son jugement sur le sujet à la suite des manifestations contre le racisme et les violences policières qui se sont multipliées en France, et notamment après celle du 2 juin dernier devant le Palais de Justice de Paris, en exhortant le gouvernement Philippe à

« faire aboutir rapidement le travail, engagé en janvier dernier, qui consistait à faire des propositions pour améliorer la déontologie des forces de l’ordre » [2].

Emmanuel Macron

« Déontologie » ... Comme si l’institution police ne souffrait pas de tares structurelles historiques démultipliées depuis plusieurs années, et qui ont déjà produit leurs effets par le passé. Un passé dont le fascisant Lallement a une lecture toute particulière, en témoigne ce message envoyé aux fonctionnaires de la Préfecture de Police de Paris le 2 juin 2020, message dans lequel il affirme notamment :

« La police de l’agglomération parisienne n’est ni violente, ni raciste : elle agit dans le cadre du droit pour la liberté de tous. Je ne laisserai pas salir une institution dont le rôle dans les grands moments de l’histoire de ce pays a été essentiel. » [3]

D Lallement

Ces « grands moments », il est en effet utile d’en rappeler un certain nombre :

La féroce répression antisyndicale et antisociale contre les travailleurs en grève le 1er mai 1906 à la suite de la catastrophe de Courrières (plus de 1 500 mineurs morts du fait d’un coup de grisou et de la fermeture de la mine par les propriétaires) ;

La chasse aux pacifistes (essentiellement socialistes et syndicalistes) opposés à la grande boucherie de 1914-1918 ;

Le matraquage croissant des communistes dans les années 1930 – avec en point d’orgue l’interdiction du PCF en septembre 1939 –, au même titre que la traque croissante des étrangers et des juifs (en dépit de l’exception du Front populaire en 1936) ;

La collaboration – mis à part d’honorables exceptions comme le Réseau Honneur de la police au sein même de la Préfecture de Police de Paris – avec l’Allemagne nazie dans la lutte contre les résistants (surtout les communistes), les juifs, les « métèques », etc., sous le régime de Vichy ;

La féroce répression envers les travailleurs en grève à l’automne 1947 puis en 1948 ;

La sauvage répression dans le cadre des opposants à la guerre d’Algérie, notamment les communistes assassinés au métro Charonne le 8 février 1962 – après une ratonnade en règle contre les partisans du FLN algérien à Paris le 17 octobre 1961 ;

Les Violences policières [4] perpétrées lors des grandes manifestations de Mai 68 ;

La mort de Malik Oussekine le 6 décembre 1986, suivie plus récemment par celles tout aussi tragiques de Rémi Fraisse, Adama Traoré, Zineb Redouane, Steve Calico ou encore le livreur Cédric Chouviat, mort à la suite d’une interpellation pour délit routier. Le média en ligne Basta ! a recensé 676 morts dues à des policiers entre janvier 1977 et décembre 2019 en France !

Et ces dernières années, la répression accrue des euro-gouvernements envers tous les opposants syndicalistes, progressistes et Gilets jaunes refusant la destruction du Code du travail, des services publics, des retraites par répartition, et plus généralement de toutes les conquêtes sociales et démocratiques arrachées de haute lutte.

Ce récapitulatif non exhaustif renvoie de fait à un problème structurel concernant la police, ainsi résumé par le sociologue Fabien Jobard au moment de l’affaire Benalla-Macron :

« la police française a une tradition de protection, voire d’obsession de l’État, qui se tourne vers lui plutôt que vers les citoyens, et qui est plus préoccupée voire obsédée par la notion d’ordre public plutôt que par celle de paix publique. Mais elle n’a pas besoin d’un Alexandre Benalla pour ça. On est de toute façon dans une opération de maintien de l’ordre et, par définition, une opération de maintien de l’ordre n’est pas une opération de police de proximité ou autre, c’est une opération au cours de laquelle on va protéger l’ordre public et protéger les intérêts du gouvernement face aux contestataires. »

Fabien Jobard – sociologue

Et d’ajouter en remontant aux années 1970 (ce que l’on retrouvait également dans les années 1930 et sous Vichy) :

« Il y a une quinzaine d’années, on a assisté à un retour d’un vocabulaire politique que l’on avait sûrement oublié, qui était celui des années 1970 : un vocabulaire très guerrier, martial, viril. Avec notamment Nicolas Sarkozy, qui, par le passé, a fait des démonstrations de virilité dans sa “reconquête des quartiers” etc., en tant que “premier flic de France”, alors que non : justement, à l’époque, en tant que Ministre de l’Intérieur, il était une autorité au-dessus de la police. » [5]

Et parmi les institutions policières, la Préfecture de Police de Paris s’est « signalée » historiquement par sa propension fascisante si ce n’est fasciste, l’atteste le « pedigree » d’un certain nombre de ses responsables historiques : Jean Chiappe, fasciste notoire proche de la pègre corse de Paris, qui complotait pour abattre la IIIe République au point d’être l’un des instigateurs de la tentative de putsch du 6 février 1934, tout en matraquant abondamment les communistes, la CGT et les travailleurs en lutte ; Amédée Bussière, collaborateur fanatique qui fréquentait la Gestapo de Paris (dirigée par les sinistres Bonny et Lafont) et travaillait de concert avec René Bousquet et le responsable au Commissariat aux questions juives, Louis Parquier de Pellepoix ; Maurice Papon, qui s’était déjà « illustré » pendant la Deuxième Guerre mondiale à Bordeaux avant de récidiver à Paris en 1961-1962 ; et bien entendu l’actuel locataire Didier Lallement, qui multiplie les provocations et assume pleinement sa lutte contre les manifestants, à l’image de cette phrase lourde de sens prononcée à l’encontre d’une Gilet jaune en novembre 2019 :

« Nous ne sommes pas du même camp »[6].

D Lallement

Des « forces de l’ordre » fascisées au service de « l’ordre » euro-capitaliste

Il serait toutefois erroné de réduire la fascisation à la seule institution policière, et ainsi occulter la dimension proprement fascisante et raciste d’une partie (croissante) des policiers, pratiquant la discrimination systématique lors des contrôles au faciès, utilisant un langage ouvertement raciste à l’encontre des citoyens d’origine étrangère (souvent africaine ou nord-africaine) et des étrangers, matraquant tous les manifestants opposés aux contre-réformes successives des euro-gouvernements, etc. À tel point que l’actuel Défenseur des droits Jacques Toubon pointe une « discrimination systémique » opérée entre 2013 et 2015 par les policiers composant le Groupe de soutien de quartier (GSQ) dans le 12e arrondissement de Paris ; parmi les faits reprochés :

« agressions sexuelles aggravées », « séquestrations et arrestations arbitraires », « discrimination » ; il en va jusqu’à l’usage d’insultes assumées comme « sale Noir », « Libanais de merde », etc. [7]

Rien de nouveau malheureusement au sein d’une institution qui compte son lot de « policiers » de plus en plus séduits par les « idées » du prétendu « Rassemblement national » et exprimant par eux-mêmes leurs odieux préjugés. Mais faut-il s’en étonner lorsqu’au sein même de certains syndicats policiers comme Alliance et Force ouvrière (FO), les représentants desdits syndicats expriment sans retenue toutes leurs pensées ? Ce fut ainsi le cas en décembre 2017 de Luc Poignant, représentant du syndicat SGP-FO qui s’exprima en ces termes dans l’émission C dans l’air sur France 5 :

« D’accord, Bamboula, ça ne doit pas se dire... Mais ça reste encore à peu près convenable »[8].

Luc Poignant – responsable SGP-FO Police

Inutile de préciser que ce genre de propos est loin d’être isolé – bien au contraire – parmi nombre de « policiers » ... Des propos dont sont victimes tout autant des policiers eux-mêmes, comme cela a été le cas à Rouen où des gardiens de la paix ont été confrontés à des « policiers » suprémacistes blancs s’en donnant à cœur joie : « nègres », « bougnoules », « sales juifs » ; avec, en outre, la profération de menaces larvées :

« ce pays mérite une guerre civile raciale bien sale, il faut qu’ils crèvent ces chiens »[9].

Policiers de Rouen

Or l’évolution d’une partie des « policiers » est terriblement inquiétante et témoigne de cette fascisation dont sont victimes non seulement les citoyens d’origine étrangère et les étrangers, mais aussi les syndicalistes de combat, les travailleurs en lutte, les lycéen(ne)s et les étudiant(e)s – que l’on se souvienne de cette interpellation monstre à Mantes-la-Jolie dont la photo rappelle ces « grands moments de l’histoire » dont est si fier Lallement [10] –, les avocats et les pompiers matraqués par le pouvoir, sans oublier les retraités, les cheminots, les personnels de santé... et les Gilets jaunes constamment gazés et éborgnés à longueur de temps (à l’image de Jérôme Rodrigues). Car si les violences policières, réelles et croissantes – n’en déplaise aux syndicats fascisants, à la macronie, aux faussaires « Républicains » (la bande à Ciotti, Estrosi, Wauquiez et Cie) et le RN –, ont une connotation raciste, elles sont davantage l’expression de la violence de classe des euro-gouvernements successifs et des serviles dirigeants nommés à la tête de l’institution policière, tous estimant que les « plans de sauvegarde de l’emploi » (autrement dit, de licenciements), la destruction des retraites par répartition, de la SNCF et du Code du travail, le chômage massif, la précarité effrayante, le fichage généralisé des citoyens, etc., ce n’est pas de la violence... contrairement à une insulte, une banderole qui dénonce le « macronavirus » (et voilà rétabli le « crime de lèse-majesté » !) ou un malheureux jet de pierre de la part d’une soignante envers des CRS bien équipés.

En somme, la radicalisation touchant la police est le symbole de la décrépitude de « l’ordre » euro-capitaliste, ou plutôt du désordre généralisé par l’application dogmatique de la « concurrence libre et non faussée » dans l’ensemble de la société, désordre favorisant une fragmentation croissante en séparatismes de tous ordres... à commencer par celui de l’oligarchie bourgeoise euro-capitaliste, comptant sur les « forces de l’ordre » pour assurer sa domination et conserver l’ensemble de ses privilèges (non encore abolis). Mais elle révèle également une évolution dans le rapport de force entre les forces politiques euro-capitalistes désemparées par la multiplication des contestations et la réalité de violences, délits et crimes multiformes (qu’il n’est pas question de passer sous silence et qui seront évoqués plus bas) et des « policiers » qui ne cachent plus leurs menaces de sédition, si ce n’est plus... Ou quand l’État bourgeois décrépi est de plus en plus sous la coupe de la police en voie de fascisation...

Cette radicalisation au sein de la police se traduit d’abord par la nette domination des syndicats Alliance et FO, confirmée par les élections professionnelles de décembre 2018 : alors que le taux de participation des personnels travaillant pour le compte du ministère de l’Intérieur s’élève à près de 82% (contre 50% pour le reste de la fonction publique), FO (arrivée en tête) et Alliance ont recueilli 2/3 des suffrages exprimés – contre moins de 2,5% pour la CGT et à peine 0,5% pour Vigi... [11] Une évolution d’autant plus inquiétante lorsque l’on connaît les liens affirmés entre des cadres d’Alliance et le RN, à l’image de l’accueil chaleureux que reçurent Marion Maréchal(-Le Pen) et Gilbert Collard en mai 2016 lors d’un rassemblement visant à dénoncer la « haine anti-flics » (une réalité évoquée plus bas) [12] ; un RN pour lequel plus de la moitié des policiers vote désormais [13]... La radicalisation se traduit aussi par des manifestations illégales de policiers radicalisés, exprimant des revendications politiques comme en octobre 2016 ou menaçant les libertés publiques : des policiers se rassemblent devant la Maison de la Radio pour protester contre le projet de Castaner d’abandonner la « clé d’étranglement » (fatale à Cédric Couvait) lors d’une interpellation, des policiers parfois en service... [14]

Lors des élections régionales de 2021, 67% des policier·ères actif·ves ont affirmé avoir voté pour le Rassemblement National selon le Cévipof.

En bref, superstructure visant à assurer la stabilité et l’hégémonie de la bourgeoisie – ce que le réactionnaire Max Weber nommait le « monopole de la violence légitime » ... pour les intérêts de sa classe – et de l’ordre euro-capitalistes comme l’avaient déjà démontré Marx et Engels, l’institution policière se fascise de plus en plus vite (sans que cela soit une nouveauté), tel le poisson pourrissant à la fois à la tête et à la base tout en prenant en tenaille des collègues intègres qui sont aussi des travailleurs désireux d’accomplir leur mission de service public de gardien de la paix.

L’autre réalité de « la » police : un engagement progressiste malgré un quotidien difficile et un climat délétère Car on aurait tort d’oublier ce versant qui constitue la réalité de nombre de policiers – tentés par les mensongères promesses du RN –, à savoir celui de travailleurs épuisés opérant dans des conditions matérielles et humaines détériorées... et de surcroît subissant des injonctions, des pressions et des manipulations de la part de supérieurs et collègues avides de se poser en « forces de l’ordre » (euro-capitaliste) et de « réaliser du chiffre ». De même convient-il de ne pas oublier que des policiers restent attachés à une conception progressiste du service public et de leur mission, dont la fonction s’avère nécessaire pour lutter contre tous les délits et crimes commis – à commencer par l’oligarchie bourgeoise souvent épargnée –, dont les conséquences sont particulièrement néfastes pour le quotidien des classes populaires (dont les citoyens d’origine étrangère et les étrangers).

Ce difficile quotidien, les syndicats CGT-Police et Vigi le rappellent dans des analyses révélant les conditions de travail dégradées : 23 millions d’heures supplémentaires cumulées impayées [15], désinvestissement de la puissance publique dans le financement de l’immobilier et de l’équipement, plusieurs dizaines de suicides chaque année [16], et ce sans compter l’exposition à des dangers aussi importants que les attentats ; à quoi s’ajoutent les humiliations et insultes pour les gardiens de la paix d’origine étrangère de la part de leurs collègues, comme ce fut le cas à Rouen. N’oublions pas que les travailleurs que sont les policiers se sont engagés dans la lutte contre la contre-réforme des retraites [17], eux-mêmes étant concernés par la désintégration programmée du système par répartition né au moment de la Libération.

Au-delà des conditions de travail qui se dégradent constamment, un certain nombre de policiers partagent également une conception progressiste de leur métier, contre la logique réactionnaire et fascisante écrasant l’institution policière actuellement. C’est ainsi que la CGT dénonce et condamne la militarisation croissante du « maintien de l’ordre », ce que la répression envers les Gilets jaunes a largement démontré – au même titre que la violence exercée envers les manifestants défendant la SNCF, le Code du travail ou les retraites par répartition : en mars 2019, la CGT-Police publie un message dont le titre explicite parfaitement le processus accéléré de fascisation :

« Militariser le maintien de l’ordre fait le socle d’un gouvernement totalitaire »,

CGT Police

avec des propos on ne peut plus clairs sur la stratégie du gouvernement Philippe et de Macron d’utiliser l’armée pour taper sur les Gilets jaunes :

« Le gouvernement, déjà coupable d’avoir instauré un état d’urgence permanent par transposition des dispositions de la Loi de 1955 dans le droit commun et d’attenter aux libertés fondamentales dans la future Loi « anti-casseur » vient de franchir un cap qui mène tout droit au totalitarisme. [...] Nous sommes entrés dans une phase violente d’affrontement de classe. Plus ce gouvernement adoptera une militarisation de la gestion des mouvements sociaux, plus les casseurs se radicaliseront. » [18]

Cela se traduit également par la lutte contre les comportements inacceptables et les violences policières – y compris racistes – perpétrées par des « policiers » fauteurs de troubles, comme le montre le récent communiqué de la CGT-Police du 25 juin 2020 dénonçant, outre le cas de Rouen, la suspension du policier ayant

« mis en lumière l’implication de sa hiérarchie dans les violences portées à l’encontre de Geneviève LEGAY [militante d’Attac de 73 ans qui fut molestée par la police à Nice au printemps 2019] »

et le harcèlement d’un CRS de Perpignan qui a eu le courage de dénoncer la présence au sein de l’infirmerie de sa caserne... d’un portrait d’Hitler (preuve s’il en est de la fascisation...) [19]. Et Anthony Caillé, secrétaire national de la CGT-Police, de dénoncer le fait que le Sinistre Castaner banalise et nie le racisme opérant au sein de la police et les violences policières, tout en déplorant l’absence de sanctions réelles envers les responsables [20]. De son côté, Vigi a également clairement condamné la multiplication des violences perpétrées par un nombre croissant de policiers en des termes explicites – bien que la « minorité de policiers » soit numériquement importante... :

« Notre organisation syndicale lutte contre les dérives et dysfonctionnements au sein de la Police Nationale, qui se traduisent par des délits comme le racisme, des agressions sexuelles, du harcèlement moral au travail, de la discrimination syndicale, des violences illégitimes, des faux en écriture publique, des détournements de fonds en bande organisée, de la fraude aux élections professionnelles, etc.Malheureusement plutôt que de vouloir lutter contre la minorité de policiers en prenant des sanctions et en la dénonçant à la Justice, comme le prévoit l’article 40 du code de procédure pénale, Christophe Castaner a préféré fermer les yeux et faire taire les lanceurs d’alerte. Pire, il donne des promotions à des personnes mises en cause pour des crimes et délits ! En parallèle le ministère de l’Intérieur refuse d’appliquer les décisions de Justice quand il est condamné, comme nous vous l’avions déjà écrit le 25 janvier 2019. » [21]

ViGi

L’indispensable transformation de la police : passer du « bras armé de la bourgeoisie » à l’instrument des citoyens et des travailleurs Aborder la question de la police et des policiers doit donc combattre le double écueil du sécuritarisme fascisant qui détruit les conquêtes sociales et démocratiques – souvent arrachées de haute lutte contre une police servant de bras armé à la bourgeoisie –, mais aussi de l’infantile « tout le monde déteste la police » souvent accompagné d’un angélisme traduisant l’absence de réaction et l’impunité en tout genre à l’égard de délinquants et criminels ; faut-il d’ailleurs rappeler que la Commune de Paris « une police municipale qui poursuit les malfaiteurs, au lieu d’une police politique qui poursuit les honnêtes gens », « une milice nationale qui défend les citoyens contre le pouvoir, au lieu d’une armée permanente qui défend le pouvoir contre les citoyens » (26 mars 1871), et qui poursuivit les meurtriers, voleurs et autres délinquants de droit commun, tout en luttant contre le système de la prostitution ? Il n’en demeure pas moins que le fossé se creuse entre la population – plus spécifiquement les classes populaires victimes des discriminations, humiliations, violences policières, propos racistes, etc. – et la police de l’État euro-capitaliste, un fossé teinté de méfiance et de défiance, pour ne pas dire parfois une rupture totale avec le « bras armé de la bourgeoisie » prête à assurer le « maintien de l’ordre » au profit de l’oligarchie au pouvoir.

Cet acoquinement structurel, terriblement néfaste pour des travailleurs sur lesquels charge la police quand ces derniers se battent pour sauver leurs emplois et pour lutter contre la désindustrialisation sciemment organisée par les délinquants mafieux industriels et financiers, débouche sur une grande impunité non seulement à l’encontre des « délinquants en col blanc », mais également au sein de la police en cas de comportements délictueux. Notons cependant que des progrès (très légers) sont accomplis y compris dans ces cas de figure, comme le signalent la multiplication des procédures à l’encontre du personnel politique euro-capitaliste – à l’image de François Fillon ou Jérôme Cahuzac – d’une part, les sanctions et jugements envers les policiers délinquants d’autre part, comme c’est le cas à Rouen [22] ou à Saint-Denis où a lieu une opération « mains propres » à l’encontre de policiers impliqués dans un trafic de stupéfiants [23]. Mais ces quelques coups d’éclat demeurent largement minoritaires, comme le déplorent fort justement Vigi et la CGT-Police, et de fait persiste une forte impunité au sein de la police, impunité couverte et assumée par les autorités policières à l’image de la directrice de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) Marie-France Monéger-Guyomarc’h qui, auditionnée le mercredi 25 juillet 2018 au sujet de l’action des services dont elle est en charge au moment de l’affaire Benalla (métamorphosé en « policier » le 1er mai 2018), dit :

« ils ont relevé que les violences étaient légitimes puisqu’elles étaient dans le cadre d’un maintien de l’ordre avec usage de la force, euh..., et donc ils ont relevé que l’usage de la force, pardon, était légitime, ils n’ont pas détecté de violence illégitime puisque, encore une fois, il s’agissait d’une action de police faite par ce qu’ils pensaient être des policiers » [24].

Marie-France Monéger-Guyomarc’h – patronne de l’IGPN

Voilà pourquoi le « coup de balai » doit être impitoyablement mené au sein de la police envers tous les « policiers » coupables de violences policières, de délits de toute sorte (dont les insultes et violences racistes), de la sauvage répression envers les forces progressistes, etc. Mais ce coup de balai doit s’accompagner d’un soutien total aux policiers agissant de manière intègre comme de véritables gardiens de la paix, traquant toutes les formes de délinquance pour peu qu’ils obtiennent les moyens nécessaires, y compris financiers... moyens que la « laide UE » bloque au nom de la « lutte contre les déficits » et de la « règle d’or budgétaire », véritable camisole de force étranglant les services publics.

Car il est évident que si les policiers en faute doivent être châtiés, une police réellement au service des citoyens et des travailleurs doit être implacable face à la délinquance : en d’autres termes, il n’est pas question de céder à un angélisme qui rendrait impuissante l’action des policiers contre les incivilités, nuisances et actes délictueux en tout genre dont sont principalement victimes les quartiers populaires : le simple – et hélas trop fréquent – cas des voitures incendiées la nuit de la Saint-Sylvestre est un exemple parmi d’autres (trafics en tous genres, violences physiques, dégradation de biens et bâtiments, affrontements entre bandes rivales, etc. : une insécurité réelle pour une partie des citoyens, souvent de classe populaire). Mais pour que l’efficacité soit au rendez-vous, toutes les formes de délinquance doivent être éradiquées sans exception, pour ne pas se retrouver avec une police et une justice au service presque exclusif de la classe actuellement en place et qui épargnent presque totalement les fraudeurs fiscaux, les corrompus, les trafiquants proches d’intérêts puissants, les organisateurs volontaires du désordre public, etc., se rabattant essentiellement vers les actes de délinquance sévissant dans les quartiers populaires (et qui, répétons-le, doivent aussi être éradiqués). Or ces puissants disposent d’une réelle impunité, à l’image d’un Balkany pouvant sortir de prison, être reçu comme un roi sur le plateau de la fascisante chaîne C-News (où Éric Zemmour a désormais son propre moment d’antenne...) et bénéficier du soutien des prétendus partisans de la « sécurité » de droite (de fait, partisans de l’impunité de leurs amis de classe), comme le révèle ce « savoureux échange » :

« “On a vraiment été chercher la petite bête pour me détruire”, continue un peu plus tard Patrick Balkany au sujet de ses condamnations, évoquant brièvement son pourvoi en cassation. “Vous avez eu un traitement particulier, c’est tout à fait indubitable (...) Malheur à qui scandale arrive. Quand il est cité en correctionnelle, on veut sa peau”, corrobore Gilles-William Goldnadel.

Et quelques minutes plus tard, alors que la discussion s’était éloignée de la personne de Patrick Balkany pour en venir à l’actualité, les chroniqueurs de “L’heure des Pros” en sont venus à la question policière et judiciaire. L’occasion pour Ivan Rioufol et Gilles-William Goldnadel de regretter l’absence d’intervention de l’État face aux manifestations contre les violences policières et la “frousse” des autorités face aux banlieues.

“N’oubliez pas non plus une chose quand vous parlez des banlieues : pourquoi ils sont devenus les rois (les délinquants, ndlr), c’est parce que ça fait quand même longtemps qu’on dit aux commissaires de ne pas aller là-bas, de les laisser tranquilles, il faut les laisser faire leurs trucs...”, renchérit l’ancien maire de Levallois-Perret. Et Gilles-William Goldnadel de conclure sur cette question de la sécurité en expliquant face à Patrick Balkany que pour lui, la question de la délinquance serait réglée “si les peines de prison étaient exécutées”. » [25]

Et au-delà se profile l’indispensable transformation radicale de la police pour en faire l’instrument au service des citoyens et des travailleurs, et non le bras armé de la bourgeoisie que Lénine avait déjà critiqué dans L’État et la Révolution : analysant le rôle central de l’appareil répressif de l’État – en centrant son analyse notamment sur l’armée, analyse toutefois extensible à la police dévolue au « maintien de l’ordre » euro-capitaliste, Lénine affirme :

« Le pouvoir d’Etat centralisé, propre à la société bourgeoise, est apparu à l’époque de la chute de l’absolutisme. Les deux institutions les plus caractéristiques de cette machine d’Etat sont : la bureaucratie et l’armée permanente [...], les « parasites » sur le corps de la société bourgeoise, des « parasites » engendrés par les contradictions internes qui déchirent cette société, mais très exactement qui « bouchent » ses pores vitaux. »[26]

Lénine

La nécessaire transformation de la police peut s’appuyer sur l’exemple de la Commune de Paris, analysé par Marx comme une expérience traduisant le début de l’extinction de l’État :

« Le premier décret de la Commune fut donc la suppression de l’armée permanente, et son remplacement par le peuple en armes. La Commune fut composée des conseillers municipaux, élus au Suffrage universel dans les divers arrondissements de la ville. Ils étaient responsables et révocables à tout moment. La majorité de ses membres était naturellement des ouvriers ou des représentants reconnus de la classe ouvrière. La Commune devait être non pas un organisme parlementaire, mais un corps agissant, exécutif et législatif à la fois. Au lieu de continuer d’être l’instrument du gouvernement central, la police fut immédiatement dépouillée de ses attributs politiques et transformée en un instrument de la Commune, responsable et à tout instant révocable. Il en fut de même pour les fonctionnaires de toutes les autres branches de l’administration. Depuis les membres de la Commune jusqu’au bas de l’échelle, la fonction publique devait être assurée pour un salaire d’ouvrier. Les bénéfices d’usage et les indemnités de représentation des hauts dignitaires de l’État disparurent avec ces hauts dignitaires eux-mêmes. Les services publics cessèrent d’être la propriété privée des créatures du gouvernement central. Non seulement l’administration municipale, mais toute l’initiative jusqu’alors exercée par l’État fut remise aux mains de la Commune. » [27]

Karl Marx

Une police sous le contrôle des citoyens et des travailleurs – et non de l’oligarchie euro-capitaliste corrompue et délinquante –, épurée de ses éléments racistes et fascisants, luttant contre toute forme de délinquance pour assurer la sécurité publique et la paix civile et non le « maintien de l’ordre » bourgeois, et qui ne saurait être un obstacle à la seule « violence » légitime qui existe, celle de l’insurrection populaire lorsque ses droits fondamentaux sont violés : autant de disposition déjà présentes dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 24 juin 1793, dont voici des extraits :

Article 8. – La sûreté consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés.

Article 9. – La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l’oppression de ceux qui gouvernent. [...]

Article 15. – La loi ne doit décerner que des peines strictement et évidemment nécessaires : les peines doivent être proportionnées au délit et utiles à la société. [...]

Article 30. – Les fonctions publiques sont essentiellement temporaires ; elles ne peuvent être considérées comme des distinctions ni comme des récompenses, mais comme des devoirs.

Article 31. – Les délits des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais être impunis. Nul n’a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens. [...]

Article 35. – Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »[28]

Face à l’euro-dissolution de la France et de la République, l’euro-démantèlement des services publics (dont celui des forces de police en tant que gardiens de la paix), l’euro-destruction des conquêtes sociales et démocratiques par le biais de la répression policière tous azimuts, l’euro-arasement des libertés publiques par une bourgeoisie euro-capitaliste fermant les yeux devant la fascisation galopante au sein de la police, il est plus que jamais nécessaire de soutenir les policiers progressistes au service du bien commun, luttant pour la sécurité de toute la population, tout en la plaçant sous le contrôle populaire et démocratique des travailleurs et des citoyens ; et ce, sans jamais céder à la pression des forces fascisantes militant pour la répression raciste et anti-populaire, et des forces gauchistes appelant « tout le monde à détester la police ». Dès lors, la sécurité et la tranquillité publiques ne seraient plus l’affaire du « monopole de la violence légitime » bourgeoise, mais progressivement d’un pouvoir populaire opérant dans le sens d’un progressif « dépérissement de l’État ».

4 juillet 2020 https://www.initiative-communiste.f....

[1] https://www.francetvinfo.fr/economi....

[2] https://www.lemonde.fr/politique/ar....

[3] https://www.mediapart.fr/journal/fr....

[4] Sous-titre du court-métrage Paris Mai 68 coréalisé par les cinéastes Hedy Khalifa et Charles Matton.

[5] https://www.lesinrocks.com/2018/07/....

[6] https://www.huffingtonpost.fr/entry....

[7]https://www.francetvinfo.fr/faits-d....

[8]https://www.francetvinfo.fr/faits-d....

[9]https://france3-regions.francetvinf....

[10]https://www.lemonde.fr/police-justi....

[11]https://www.interieur.gouv.fr/Archi....

[12]https://blogs.mediapart.fr/jean-mar....

[13]https://www.liberation.fr/checknews....

[14]https://www.liberation.fr/checknews....

[15]https://www.lejdd.fr/Societe/heures....

[16]https://www.liberation.fr/checknews....

[17]https://cgtpolice75.fr/2019/12/11/r....

[18]https://cgtpolice75.fr/2019/03/22/m....

[19]https://cgtpolice75.fr/2020/06/25/l....

[20]https://cgtpolice75.fr/2020/06/12/c...

[21]https://vigimi.fr/f/actualites-fr/e....

[22]https://www.lefigaro.fr/flash-actu/....

[23]https://www.la-croix.com/France/Sec....

[24]https://www.bfmtv.com/mediaplayer/v....

[25]https://www.huffingtonpost.fr/entry....

[26] Lénine, L’Etat et la Révolution, Paris, Éditions sociales, 1972 [1917 pour l’édition originale], p. 44.

[27] Karl Marx, La guerre civile en France, Paris, Éditions sociales, 1971 [1871 pour l’édition originale], p. 62-63.

[28]https://www.conseil-constitutionnel....


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