Évasion fiscale : quand le patronat fraude en très très grand

lundi 10 août 2020.
 

Depuis près de trois ans, les 4 000 multinationales des pays membres de l’OCDE sont censées informer des mouvements de leurs capitaux. Elles ne sont que 15 à l’avoir fait, mais cela a suffi pour estimer que 1 150 milliards d’euros se perdent dans des paradis fiscaux.

Après la crise de 2008, il a été beaucoup question de paradis fiscaux et de moraliser le secteur. On a dressé des listes noires, grises et autres, mais l’évasion dont il est question ici se réfugie peu dans les paradis fiscaux classés en liste noire. En effet cette évasion fiscale-là ne concerne que 7 % des 1 150 milliards évoqués.

Le gros de cette somme, soit 72 %, alimente des États européens comme le Royaume-Uni, la Suisse, le Luxembourg et… les Pays-Bas, qui sont autant de paradis fiscaux qui ne figurent pas sur les listes noires, mais jouent le même rôle. Ainsi le Royaume-Uni, qui fait partie de l’OCDE, ne fournit aucune information sur cette activité.

Plus troublant encore : les experts de l’OCDE ont noté que, pour chaque euro d’impôt sur les bénéfices des multinationales payé dans un paradis fiscal, six euros sont perdus pour le reste du monde. Ainsi, sur les 400 milliards d’euros dont l’OCDE connaît tous les mouvements, 125 milliards sont allés aux Pays-Bas, ce qui fait de cet État fondateur de l’Union européenne le meilleur refuge pour l’argent des multinationales. Quand l’État néerlandais empoche 3 milliards sur cette manne, il fait perdre plus de 20 milliards à ses voisins. Cela n’a pas empêché, lors du dernier sommet de l’Europe, ses représentants non seulement de prendre la pose dite frugale, mais aussi de faire la leçon aux États qu’ils considèrent comme « cigales » !

Le ratio est identique au Luxembourg : pour un euro d’impôt payé par une multinationale, ce sont 20 euros perdus par les voisins. Mais le ratio est encore supérieur aux Bermudes, avec 1 pour 24, et aux îles Caïmans, avec 1 pour 112. Les grands gagnants sont les îles Vierges britanniques, où le ratio est de 1 pour 314 !

En tout cas, les conclusions de l’OCDE sont sans appel : tandis que les multinationales européennes les plus riches se frottent les mains de leur astuce fiscale, l’argent manque pour le développement et dans les budgets sociaux des États européens. Ce manque à gagner, évalué à 300 milliards, diminue d’autant les budgets de l’éducation, du logement, des transports ou de la santé, avec les conséquences tragiques constatées lors de la récente pandémie.

Jacques FONTENOY


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