Die Linke (La Gauche) : une nouvelle gauche pour une nouvelle Allemagne (par PRS national)

mercredi 5 septembre 2007.
Source : PRS national
 

La naissance du parti Die Linke est aussi celle d’une gauche qui dépasse véritablement les clivages de la guerre froide. Pour mieux comprendre comment s’est construite cette force politique nouvelle, A Gauche s’est replongé dans le passé récent de l’Allemagne, des conditions politiques de la réunification de 1990 au bilan de l’ère Schröder et de la grande coalition CDU/SPD.

La mutation libérale imposée au SPD par Schröder Elue sur un programme de redistribution sociale et de rupture écologique, la coalition SPD-Verts arriva au pouvoir en 1998 en faisant cohabiter la ligne d’accompagnement de Schröder (" améliorer sans tout changer, ce qui peut l’être ") et la ligne de transformation de Lafontaine qui insistait sur " l’opposition entre deux projets de société fondamentalement différents " en rupture avec l’ère Kohl. Mais à la première difficulté de son ministre des finances, notamment face à la banque centrale qui refusait de baisser ses taux, Schröder lâcha Lafontaine qui démissionna du gouvernement et de la présidence du SPD dès 1999. Schröder eut ensuite les mains libres pour opérer la mutation néolibérale du SPD qui se traduisit par une politique d’austérité et de cadeaux fiscaux aux plus riches (le taux le plus élevé de l’impôt sur le revenu passa de 51% à 42% et l’impôt sur les bénéfices de 40% à 25%). Les coupes sombres dans les budgets sociaux aboutirent à une aggravation du chômage qui dépassa le record des 5 millions en 2004. Schröder profita ensuite de son opposition à la guerre d’Irak pour remporter de justesse les élections de 2002 (avec 6 000 voix d’avance au niveau national !). Avant d’annoncer dans son Agenda 2010 un véritable programme de casse sociale dont les chômeurs et les travailleurs pauvres (3,4 millions) furent les premières victimes. Au nom de " la fin du droit à la paresse ", le plan Harz IV, voté avec l’appoint de voix de droite (une partie du SPD refusant de le voter), réduisit à un an toute indemnisation du chômage en obligeant les chômeurs à accepter n’importe quel emploi, y compris payé 1 euro de l’heure, pour conserver leur allocation.

La faillite de la social-démocratie dans la grande coalition

Le SPD a perdu le tiers de ses adhérents depuis 1990, dont 175 000 sous l’ère Schröder. Tout comme ses alliés syndicaux traditionnels : la confédération DGB est passée de 12 millions d’adhérents en 1991 à 7 millions en 2002. Après avoir perdu en 2005 son fief historique de Rhénanie du Nord Westphalie, dirigé par le dauphin de Schröder Peer Steinbruck, le SPD perdit aussi les législatives anticipées de 2005. Mais la direction du parti ne renonça pas à rester au pouvoir en gouvernant avec la droite pour " poursuivre les réformes ". Le programme de grande coalition signé en 2005 par le SPD avec la CDU va ainsi encore plus loin dans la casse sociale. Y figurent pêle-mêle : le passage à la retraite à 67 ans et à 45 annuités de cotisation, le gel des pensions, l’allongement de la période d’essai des contrats de travail de 6 mois à 24 mois (le prédécesseur du CNE/CPE) ou encore la hausse de la TVA de 16 à 19% pour financer des baisses de charges patronales. A ces mesures s’est ajoutée la réforme fiscale concoctée en 2007 par le ministre SPD des finances Peer Steinbruck. Au menu : 30 milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux entreprises dont le taux global d’imposition passe de 39% à 29%. Le seul impôt sur les bénéfices dégringole encore de 25% à 15% ce qui fait désormais de l’Allemagne la championne d’Europe du dumping fiscal. Pire, les revenus de capitaux ne seront plus désormais soumis à l’impôt sur le revenu comme ceux des salariés (avec un taux maximal de 42%) mais à un impôt forfaitaire de 25%. A cette injustice fiscale criante s’ajoute une politique de libéralisation à outrance des services publics avec notamment le choix de la grande coalition de mettre fin au 1er juillet 2007 à tout prix réglementé de l’électricité, ce qui va entraîner une explosion des tarifs.

De 1989 à 2005 : la longue marche du PDS à l’est Les médias ouest-allemands et les dirigeants du SPD n’ont cessé de calomnier le Parti du socialisme démocratique (PDS) depuis sa fondation en 1989-1990. Son histoire est pourtant tout à l’honneur de ses fondateurs, les réformateurs communistes Hans Modrow et Gregor Gysi. Comme avant-dernier chancelier de la RDA, le premier fut l’artisan de l’éviction périlleuse en 1989 du dictateur Erich Honecker et l’organisateur des premières élections pluralistes en mars 1990. Le second, fut, comme avocat à la tête du barreau de Berlin Est, le défenseur des plus célèbres dissidents communistes. En 1989, il obtiendra la reconnaissance du droit de manifestation en RDA, ce qui contribuera aux grandes manifestations qui feront tomber le Mur. Gysi et Modrow s’attelèrent ensuite à construire un nouveau parti communiste démocratique, le PDS, en rupture avec le parti unique SED (95% des adhérents ne viennent pas dans le nouveau parti). Défenseur de l’unification allemande, le PDS ne va cesser de revendiquer l’égalité économique et sociale entre l’Est et l’Ouest. Il acquiert ainsi une forte légitimité populaire à l’Est, empêchant l’implantation durable de l’extrême droite, à l’inverse de beaucoup d’autres pays de l’Est. Aux régionales de 2005, le PDS devient le 2ème parti à l’Est.

2005-2007 : la réunification historique de la gauche allemande

A l’été 2004, des dirigeants syndicaux (notamment d’IG-Metall) exclus ou démissionnaires du SPD créent la WASG (alternative électorale pour la justice sociale) en réaction à la dérive libérale du gouvernement Schröder. Au même moment, les " manifestations du lundi " voient une partie croissante de la population se dresser contre le plan Harz IV. Oskar Lafontaine revient alors de sa retraite politique et déclare devant 20 000 manifestants assemblés à Leipzig en août 2004 qu’" une autre politique est possible à gauche ". Lafontaine propose d’adhérer à la WASG et de s’allier électoralement avec le PDS, à condition que celui-ci s’engage dans la construction d’un nouveau parti de gauche pour toute l’Allemagne. Dès lors, en à peine quelques semaines, les candidats WASG ou PDS labellisés LinksPartei, obtiennent une percée remarquable aux législatives de 2005 en remportant 53 députés et près de 9% des voix. Deux ans seront ensuite nécessaires pour achever la création du nouveau parti Die Linke.

Die Linke enterre les affrontements sanglants entre socialistes et communistes de l’entre deux guerres, mais tourne aussi la page de l’anticommunisme qui a marqué la RFA. Car si tout le monde a trouvé normal que le PDS condamne sévèrement les agissements de la STASI, personne n’avait jamais présenté d’excuse pour la féroce répression anticommuniste qui sévit en RFA pendant la guerre froide : interdiction du parti communiste en 1956, au prétexte que " le marxisme " serait " contraire à l’ordre fondamental libéral et démocratique ", emprisonnement de 10 000 suspects communistes, exclusion de milliers de communistes, adhérents ou simples sympathisants, de la plupart des emplois publics en RFA jusqu’en 1991 (exclusion qui valut à la RFA d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme). En affirmant que le nouveau parti est non seulement l’héritier des communistes et socialistes victimes des nazis, mais aussi des dissidents communistes de l’Est comme des communistes emprisonnés à l’ouest, en défendant l’Etat social menacé par le libéralisme, Oskar Lafontaine contribue aussi à une refondation progressiste de la nation allemande.

Laurent Mafféis


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