Le pouvoir en Bulgarie reste sourd à la “grande révolte populaire”

samedi 3 octobre 2020.
 

Depuis bientôt deux mois, des manifestants demandent la démission du Premier ministre bulgare Boïko Borissov. Ils dénoncent son système clientéliste et son utilisation de la justice et de la police pour se maintenir au pouvoir.

Que se passe-t-il en Bulgarie ? Coup d’État rampant pour les uns, révolte légitime contre la corruption et l’emprise de l’oligarchie sur l’économie et la justice du pays pour les autres : les opinions divergent selon que l’on se place du côté du gouvernement ou de ses opposants. Une chose est sûre en revanche : depuis 57 jours, le pays est secoué de manifestations quotidiennes, une colère populaire que l’on n’avait pas vu gagner les “pavés jaunes” de Sofia, ce petit périmètre du centre-ville historique de la capitale bulgare où sont concentrées toutes les institutions du pays, depuis les années 2013-2014.

Ne se réclamant d’aucun parti ni mouvement, les manifestants ne demandant rien d’autre que la démission immédiate du chef du gouvernement, Boïko Borissov, et du procureur général Ivan Guechev. Il s’agit d’une “grande révolte populaire”, même si elle a été entachée d’opérations pas toujours très glorieuses, estime le politologue Daniel Smilov sur la section bulgare de la radio Deutsche Welle.. Comme l’action de la police, par exemple, enchérit le quotidien d’opposition Sega, accusée d’implanter des provocateurs au sein des opposants pour pouvoir mieux réprimer les manifestations.

Faiseur de rois

Le feu aux poudres a été mis il y a environ deux mois lorsque Hristo Ivanov, du petit parti anticorruption, non représenté au Parlement, “Oui, la Bulgarie”, a “débarqué” en compagnie de quelques camarades sur une plage publique injustement annexée à la propriété d’Ahmed Dogan, le richissime leader informel de la minorité musulmane du pays, souvent présenté comme le “faiseur de roi” de la scène politique locale. Les “intrus” ont été repoussés sans ménagement dans la mer par des hommes armés qui se sont révélés être des membres du Service national de sécurité, un corps d’élite chargé de la protection des hautes personnalités.

Parallèlement, à Sofia, des magistrats accompagnés par une escouade des forces spéciales perquisitionnaient les bureaux du président, le socialiste Roumen Radev, opposé au gouvernement actuel et descendu dans la rue pour rejoindre les manifestants, désavouant ainsi le gouvernement. C’était le début de la “grande révolte populaire” doublée d’une crise politique.

Un pistolet à son chevet

La principale cible des manifestants reste néanmoins l’homme fort du pays, le Premier ministre conservateur Boïko Borissov. Cet ancien garde du corps, qui préside depuis bientôt dix ans aux destinées de la Bulgarie et de son “système” (on ne parle pas de “régime”), qui favorise certains oligarques proches du pouvoir, transforme le parquet en outil de répression à l’égard de ses opposants tout en se présentant, avec son parti, le GERB, comme le seul garant de “l’avenir européen de la Bulgarie”.

Dans les semaines qui ont précédé la crise actuelle, les médias bulgares ont publié des enregistrements clandestins puis des photos volées – notamment de la chambre à coucher de Boïko Borissov où on le voit dormir avec un pistolet automatique à son chevet, entouré de liasses de billets de 500 euros et de lingots d’or – qui ont fini de ruiner sa réputation (il s’est défendu en parlant de “montages”).

Après avoir longtemps ignoré les revendications des manifestants, il a annoncé à la fin de l’été “comprendre” leur “révolte légitime” et proposé d’organiser des élections afin d’élire une Assemblée constituante qui rédigerait une nouvelle constitution du pays (l’actuelle a été adoptée peu après la chute du régime de Todor Jivkov en 1991).

Une initiative dilatoire, selon la presse libérale, surtout destinée à gagner du temps afin de rester à la manœuvre jusqu’aux élections générales prévues au printemps 2021, précise le quotidien en ligne Dnevnik. D’ici-là, le Premier ministre a exclu de démissionner affirmant que plus que jamais la Bulgarie, son économie et son système de santé très affecté par la pandémie de Covid-19, avait “besoin de stabilité et de prévisibilité”.

Courrier International


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message