L’ONU dénonce les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par la Turquie au Rojava

dimanche 4 octobre 2020.
 

Kidnappings, torture, viols des femmes et des fillettes, féminicides, meurtres... un rapport de l’ONU dévoile enfin les exactions systématiques commises par la Turquie et ses islamistes dans les régions kurdes occupées du Rojava, dans le nord de la Syrie.

Alors que les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par la Turquie et ses terroristes islamistes durent depuis plus de deux ans dans le canton d’Afrin et depuis près d’un an à Serkaniyê, la communauté internationale va-t-elle mettre fin à l’occupation turque dans le nord de la Syrie tout en sanctionnant la Turquie ainsi que les terroristes auteurs de ces horreurs ?

Un article du Monde signé par le journaliste Allan Kaval nous révèle que l’ONU a préparé un rapport* détaillé sur les crimes systématiques commis au Rojava par la Turquie. On y lit que le viol des femmes et des enfants kurdes est devenu une arme de guerre entre les mains de la Turquie.

« Un jour d’hiver, dans un centre de détention installé dans une ancienne école de la ville occupée d’Afrin, les miliciens stipendiés par la Turquie de l’Armée nationale syrienne (ANS) ont hurlé à leurs prisonniers kurdes l’ordre de sortir de leurs cellules. Ils les ont réunis dans le hall du bâtiment pour une occasion spéciale, quelque chose de différent des tortures et humiliations routinières auxquelles ils sont habituellement soumis. Une jeune fille mineure capturée dans cette région kurde syrienne venait d’être arrachée de sa cellule et amenée devant eux. La jeune fille était kurde et, sous les yeux des détenus rassemblés, les geôliers l’ont violée, puis violée encore, les uns après les autres, en les forçant à regarder son supplice. »

Le rapport de l’ONU reconnait également que la Turquie change la démographie des régions occupées en y installant, à la place des Kurdes chassés, des Arabes emmenés d’autres régions. La confiscation et le pillage des biens appartenant aux Kurdes est également une des politiques anti-kurde que la Turquie a mis en place au Rojava.

En plus des Kurdes, les Yézidis et d’autres minorités ethniques et religieuses des zones occupées sont également victimes des mêmes crimes. Les mercenaires de la Turquie les forcent à se convertir à l’Islam sunnite radical prôné par l’Etat islamique et les Frères-Musulmans notamment, tandis que les lieux de culte des Yézidis, chrétiens ou alévis sont détruits et pillés.

L’article du Monde conclu ainsi : « Entre les lignes, c’est bien du statut de puissance occupante régi par les conventions de Genève auquel il est fait référence. La commission note par ailleurs que les autorités turques n’étant pas intervenues alors que des exactions documentées étaient commises par leurs alliés locaux, Ankara « pourrait avoir violé [ses] obligations ». Le travail de documentation des enquêteurs de la commission et le début de qualification juridique des faits offrent une perspective aux victimes mais, dans les régions kurdes occupées par Ankara au nord de la Syrie, l’impunité règne toujours, sous le drapeau turc. »

Le rapport de 25 pages de la commission d’enquête publié aujourd’hui documente les violations et les abus continus par presque tous les acteurs du conflit contrôlant le territoire syrien. Il met également en évidence une augmentation des modèles d’abus ciblés tels que les assassinats, la violence sexuelle et sexiste contre les femmes et les filles, et le pillage ou la confiscation des propriétés privées appartenant aux Kurdes et aux minorités autres que les Arabes sunnites. La souffrance civile est une caractéristique constante et personnelle de cette crise.

À la suite de la publication en juillet d’une enquête spéciale sur Idlib et ses environs, le présent rapport se concentre sur les violations commises loin des épicentres des hostilités à grande échelle au cours du premier semestre 2020.

Près d’une décennie après le début du conflit, les disparitions forcées et la privation de liberté continuent d’être instrumentalisées par presque toutes les parties pour susciter la peur et réprimer la dissidence parmi la population civile ou simplement comme extorsion à des fins financières. Le rapport documente une multitude de violations liées à la détention par les forces gouvernementales, l’Armée nationale syrienne (ANS ou SNA en anglais), les Forces démocratiques syriennes (FDS), Hay’at Tahrir al-Sham et d’autres parties au conflit.

Dans le cas des forces gouvernementales, les récents cas de disparition forcée, de torture, de violence sexuelle et de décès en détention constituent des crimes contre l’humanité, conclut le rapport. Le recours continu à ces pratiques odieuses a également exacerbé les tensions avec les communautés des gouvernorats du sud, comme Dar’a et Suwayda, et a conduit à de nouveaux affrontements au cours de la période considérée.

À Afrin et dans les environs, le rapport explique comment le SNA a pu commettre les crimes de guerre de prise d’otages, de traitements cruels et de torture, et de viol. Dans la même région, des dizaines de civils ont été tués et mutilés par de gros engins explosifs improvisés, ainsi que par des bombardements et des attaques à la roquette. Des hommes, des femmes et des enfants sont morts en achetant des produits d’épicerie sur des marchés bondés. Le pillage et l’appropriation de terres privées par la SNA étaient monnaie courante, en particulier dans les zones kurdes. Non seulement des individus ont été attaqués, mais aussi des communautés et des cultures entières. Les images satellites montrent à quel point des sites du patrimoine de l’UNESCO inestimables ont été détruits et pillés.

L’aggravation de la crise économique, l’impact des sanctions et la pandémie du COVID-19 ont encore réduit les chances des Syriens d’atteindre un niveau de vie adéquat, note le rapport. Les conditions de vie à travers le pays restent déplorables et dans certains cas se dégradent. Dans de vastes étendues de zones contrôlées par le gouvernement, les obstacles au retour sont omniprésents, les civils étant délibérément empêchés de rentrer chez eux et d’exercer leurs droits patrimoniaux et autres droits économiques et sociaux.

« L’augmentation spectaculaire du nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire en Syrie au premier semestre 2020 est profondément préoccupante. Tous les obstacles à la fourniture de l’aide humanitaire doivent être levés », a déclaré la commissaire Karen Koning AbuZayd.

S’agissant de l’internement à long terme d’individus prétendument associés à l’EIIL dans le nord-est par les FDS, la Commission a estimé qu’un tel confinement équivalait à une privation illégale de liberté dans des conditions inhumaines. Tout en reconnaissant les vastes complexités de la situation, la privation de liberté des civils ne peut se poursuivre à perpétuité, concluent-ils. La Commission invite les États membres à reprendre leurs ressortissants en République arabe syrienne qui seraient associés à l’EIIL, en particulier les enfants avec leur mère.

« Toutes les parties en Syrie détiennent des civils sans aucune preuve ni procédure régulière. Tous ceux qui sont arbitrairement privés de liberté doivent être libérés. La communauté internationale peut et doit faire plus, en particulier en ce qui concerne les camps du nord-est où ils peuvent avoir un impact immédiat s’ils ont la volonté politique d’agir », a déclaré le commissaire Hanny Megally.

Le rapport se termine par un certain nombre de recommandations, dont la principale est que toutes les parties doivent rechercher un cessez-le-feu durable à l’échelle nationale, conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. La Commission souligne que la libération immédiate et à grande échelle des prisonniers de tous les établissements est essentielle pour sauver des vies. Alors que la Commission a toujours demandé instamment de telles libérations sur la base de conditions de détention odieuses et inhumaines, l’urgence est encore plus grande maintenant étant donné que les prisons surpeuplées sont des terrains propices au COVID-19. La Commission exhorte également le Gouvernement à prendre d’urgence des mesures globales pour révéler le sort des personnes détenues ou disparues.

« J’exhorte toutes les parties au conflit à tenir compte de ces recommandations, notamment en ce qui concerne la réalisation d’une paix durable. Pendant près d’une décennie, tous les appels à protéger les femmes, les hommes, les garçons et les filles ont été ignorés. Il n’y a pas de mains propres dans ce conflit mais le statu quo ne peut durer », a exhorté le président de la commission d’enquête, Paulo Pinheiro.


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