La stratégie folle de Trump pourrait lui coûter la réélection

samedi 17 octobre 2020.
 

Moins d’un mois. C’est le temps de campagne qu’il reste à Donald Trump et à Joe Biden pour convaincre les Américains. Christophe Deroubaix est journaliste (l’Humanité) et auteur de plusieurs livres sur les États-Unis. Un bon connaisseur, sérieux et dont nous recommandons à nos lecteurs de suivre le blog Présidentielles américaines. Pour lui, Trump "tente de se raccrocher aux branches" après sa maladie.

C’est une vidéo qui aurait pu être tournée par l’un des satiristes du Saturday Night Live. Ce n’est pourtant pas l’acteur Alec Baldwin qui apparaît dans les jardins de la Maison-Blanche mais bien Donald Trump. «  Peut-être que vous me reconnaissez, c’est votre président favori  », commence-t-il, avant d’assurer qu’attraper le Covid constituait une «  bénédiction de Dieu  ». Puis de promettre, agité et essoufflé, que le traitement qui lui a été prescrit – qu’il nomme «  remède  » alors que le corps médical insiste sur le fait qu’il n’en existe justement aucun à cette heure – sera disponible gratuitement pour chaque Américain. «  Juste après l’élection.  » Comme il se doit. Selon le New York Times, le cocktail administré coûterait «  plus de 100 000 dollars  ». La promesse de l’hôte de la Maison-Blanche est donc irréalisable, d’autant que ce traitement, encore au stade expérimental, ne recevrait pas l’agrément des autorités fédérales concernées.

Il faut se garder d’une lecture «  grand-guignolesque  » de cet épisode tout comme de sa sortie théâtrale de l’hôpital – apparition au balcon, retrait du masque, salut militaire, torse bombé et mâchoire serrée – en forme de «  moment mussolinien  », selon la formule Joy Reid, commentatrice pour la chaîne MSNBC. La signification est politique  : en chute libre, dans les sondages, Donald Trump tente de se raccrocher aux branches. L’image la plus juste est sans doute différente  : il apparaît «  en torche  », selon la terminologie des adeptes du parachutisme. En l’occurrence, il n’y a rien pour se rattraper.

Déjà régulièrement mauvais ces derniers mois, les sondages sont carrément devenus catastrophiques depuis le premier débat présidentiel, son attitude erratique et surtout son refus de condamner les groupes de suprémacistes blancs. Joe Biden disposerait d’une avance moyenne de dix points au plan national et de près de cinq points dans les «  swing states  ». On connaît la définition des sondages, qui ne sont que des photographies du moment, pas celle du 3 novembre. Sauf que le vote a déjà commencé dans quelques États qui le permettent  : près de 6 millions d’Américains ont déjà voté. D’après les premières indications, les démocrates sont deux fois plus nombreux à avoir voté par correspondance que les républicains. Signe évident de leur mobilisation et de leur volonté de ne pas permettre à Trump d’exécuter un deuxième mandat.

Une telle différence dans les sondages renvoie à un écart de 13 millions à 18 millions de voix au final, selon l’importance du taux de participation. Dans un pays polarisé, les «  swing voters  », qui hésitent entre deux candidats, ne représentent plus qu’une infime portion de l’électorat. La solution pour Trump, dès lors, est de convaincre des millions d’abstentionnistes (souvent de longue date) républicains (donc plutôt blancs et âgés) de sortir du bois électoral. Le site Politico a publié hier un article intitulé «  Le secret le moins bien gardé de Washington  ». Ses premières lignes  : «  Est-ce que c’est fini  ? Voilà ce que tout le monde à Washington pense mais ne veut pas dire à haute voix  : le président Donald Trump va perdre l’élection dans 28 jours et probablement avec une marge importante.  » L’establishment républicain, qui a rallié après 2016 le trumpisme, ne va-t-il pas, dès lors, être tenté de sauver l’essentiel en se concentrant sur le «  verrou  » du Sénat, abandonnant en rase campagne d’une défaite annoncée le faiseur de victoire d’hier  ?


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