Au-delà du trognon budgétaire (Jean-Luc Mélenchon)

dimanche 13 décembre 2020.
 

Nous avons achevé l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2021. J’ai eu l’occasion de critiquer à la tribune l’absence totale de réponse à l’explosion de la pauvreté dans ce budget. J’y reviens ici pour en faire la critique d’un point de vue écologique.

Le texte budgétaire de départ s’illustrait par l’absence de mesures structurantes et d’investissements suffisants pour opérer cette bifurcation. Nous avons donc suggéré par amendements les moyens d’y remédier. Pour bifurquer, il faut d’abord des moyens humains. « Nous sommes en train de pleurer pour huit équivalent temps plein et nous devons tous être conscients du caractère presque absurde de la situation où nous arrivons. Mais si nous en sommes à voter à l’unanimité un tel amendement, c’est parce que nous arrivons au trognon. » Voilà ce que disait Barbara Pompili encore députée lors de l’examen du budget l’année passée.

Qu’y a-t-il au-delà du trognon ? C’est la question que nous avons posée à Barbara Pompili, désormais ministre de l’écologie, pour chaque opérateur dépecé. Parmi eux et pour ne citer que celui-ci, près de 100 postes sont supprimés à Météo-France pour la troisième année consécutive. Le gouvernement prévoit au total d’en supprimer 450 d’ici 2022, soit 1 poste sur 6. Son rôle est pourtant crucial dans la prévision des évènements météorologiques extrêmes. Les obsessions austéritaires du gouvernement menacent notre sécurité. Aucune leçon n’a été tirée de l’accident de Lubrizol. Il manque au moins 200 inspecteurs de l’environnement pour surveiller les sites dangereux. Le nombre de contrôles a diminué de moitié en 15 ans et les accidents augmentent. Mais c’est encore 13 postes qui seront supprimés à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) l’année prochaine. Avec ce qui est prévu pour 2021, 15% des effectifs du ministère de l’écologie et de ses opérateurs auront été supprimés depuis 2017. Qu’y a-t-il après le trognon ? Nous ne savons toujours pas. Barbara Pompili n’a eu d’autre réponse que le silence.

Pour planifier la bifurcation écologique, il faut ensuite investir massivement dans les secteurs clés. Les associations ont par exemple tiré la sonnette d’alarme concernant le train. 3 milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an jusqu’en 2030 sont nécessaires pour respecter les objectifs de développement du ferroviaire que le gouvernement s’est fixé. Tous les amendements au profit d’un véritable plan de relance du fret, des trains de nuit et de protection des « petites lignes » ont été rejetés. Le « plan de relance » prévu par le gouvernement couvre en réalité à peine les pertes de la SNCF résultant du Covid19. Secourir les plus pauvres est aussi le minimum dans une société de « fraternité » que proclame la devise nationale. Dans la mesure de ce qui nous est permis par les règles budgétaires, nous avons proposé une baisse de la TVA sur les transports collectifs publics, une exonération de TVA sur les premiers mètres cubes d’eau indispensables à la vie et une hausse du chèque énergie pour les plus pauvres. Tout a été refusé.

Bifurquer implique également de cesser de subventionner les activités polluantes. Nos demandes de suppressions de niches fiscales relatives au transport routier et kérozène aérien ont été refusées pour la quatrième année consécutive. Imposer des conditions sociales et environnementales aux aides publiques versées aux grandes entreprises est devenu une évidence partagée. La proposition du gouvernement est là une coquille vide. Elle ne prévoit aucune condition sinon la publication tous les trois ans d’un bilan d’émissions de gaz à effet de serre avec un périmètre d’application restreint. Seules les seules aides prévues dans la partie « plan de relance » du budget sont concernées. C’est-à-dire à peu près aucune. Recevoir des milliards pour licencier, verser des dividendes et continuer à polluer reste la bonne affaire du capital à l’ère Macron.

Macron avait promis une reprise « sans filtre » des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat. Nombre d’entre elles ont un lien avec le débat budgétaire. Cela signifie que nos volontés de modifier en profondeur nos modes de production et de consommation convergent. En toute logique, nos amendements à ce budget ont donc mis la majorité à l’épreuve. Au fur et à mesure que nos propositions étaient rejetées, la liste des propositions citoyennes retoquées ou vidées de leur substance s’est mécaniquement allongée. D’après nos calculs, plus du tiers des propositions de la Convention Citoyenne sont déjà abandonnées ou amoindries. Le projet de loi censé les mettre en œuvre est prévu pour mars 2021. On se demande bien ce qu’il restera à y mettre. En attendant, les membres de la Convention Citoyenne ont appris leur disqualification de la bouche même de celui qui les avait convoqués et d’abord encensés. Sur Brut, Macron s’est bien moqué d’eux. Il est vrai que 90% sont compatibles avec l’Avenir en Commun. C’est dire combien celui-ci s’approche du moment où on se demande pourquoi il n’est pas encore appliqué.


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