L’événement n’a pas fait la Une d’une certaine presse trop occupée à se chercher un Macron de rechange en la personne d’Anne Hidalgo. Qu’importe. Le mouvement compte. Il aura donc fallu deux mois pour atteindre la barre des 200 000 soutiens alors que sur la même durée en 2016 le compteur n’affichait pas encore 100 000 soutiens, moitié moins. Pourtant, la période était autrement plus porteuse en pleine mobilisation contre la loi El Khomry alors qu’aujourd’hui la Covid et les restrictions musellent l’action politique au grand jour.

Bien sûr, cette force reste essentiellement organisée numériquement à cette heure et cela ne suffira pas. Les idées deviennent des forces quand elles s’emparent des masses nous a appris Karl Marx. Mais tout de même, mesurons le chemin parcouru pour une candidature prétendument lancée « pas au bon moment », par un dirigeant politique que les commentateurs disaient hors-jeu. Les batailles rangées entre membres du PS ou d’EELV se mettent en place avec la férocité et la vacuité qu’on pouvait deviner. Dans un contexte d’isolement généralisé et de peur sanitaire décuplant l’archipelisation de la société, un point de regroupement – et un seul – tient le choc et ouvre une perspective.

L’heure est à sa consolidation par l’enracinement du programme l’Avenir en commun, son actualisation, son renforcement. Les fumigènes à disperser sont nombreux : plans de relance bidons, illusionnisme climatique du président, nouvel ami américain avec Biden etc. Les enjeux aussi ont changé de nature : la 6e République, la planification écologique, le partage des richesses ou l’indépendance nationale ne sont plus seulement des propositions solides. Ce sont d’ardentes nécessités quand la pandémie pointe les failles béantes du système de santé, que chômage et pauvreté explosent, que le compte-à-rebours climatique est dépassé, que l’extrême droite a table ouverte dans les médias, que la France est menacée d’affaissement. Les événements à venir autour du contenu programmatique de la candidature Mélenchon sont un point d’appui pour pousser la discussion avec les hésitants.

Que faire d’autre ? Attendre des mois que les sondages choisissent entre Jadot et Piolle ou entre Hidalgo, Hollande et Montebourg ? Tourner en psalmodiant autour du totem Taubira ? Ne pas parler des traités européens, de Constituante, de nucléaire, d’emploi, d’annulation de dette au nom de l’incantation à l’unité de la gauche ? Bref, laissez le champ libre à Macron et Le Pen ? Il n’en est pas question. Les batailles électorales sont d’abord des batailles idéologiques. Elle ne se mènent pas autrement qu’en mettant dans le débat des idées. La force des 200 000 permet de lancer le premier assaut.

Matthias TAVEL