En Birmanie, des blindés contre les manifestants

samedi 20 février 2021.
 

Malgré le déploiement massif des forces de l’ordre, les manifestations se poursuivent en Birmanie. Les enjeux sont forts pour la Chine comme pour les États-Unis, mais aucune des grandes puissances ne peut réellement influencer le cours des choses, estiment des experts.

Des blindés ont été déployés dans les rues des grandes villes par la junte qui s’est arrogé le pouvoir le 1er février, tandis que la dirigeante de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), Aung San Suu Kyi, à la tête du pays depuis 2016, est maintenue en détention au moins jusqu’au 17 février, rapporte le South China Morning Post. L’audience du 15 février durant laquelle elle devait être jugée pour importation illégale de six talkies-walkies a été reportée de deux jours. Le 15, alors qu’Internet était rétabli après huit heures d’interruption, “les forces de sécurité ont tiré des balles en caoutchouc contre la foule à Mandalay” et ont fait usage de canons à eau à Rangoon. Au moins 400 personnes ont été arrêtées depuis le début du mois.

Si elle est en général insensible aux pressions internationales, l’armée birmane est toutefois consciente du fait qu’une répression sanglante “risquerait de précipiter une situation révolutionnaire naissante”, selon un spécialiste des relations internationales interrogé par le journal hongkongais.

Un test pour la doctrine Biden

Ce que pourront faire les États-Unis ou la Chine pour influer sur le cours des choses restera de toute façon très limité, note de son côté le Straits Times. L’histoire récente montre que, dans la protection de leurs intérêts respectifs en Birmanie, les deux puissances n’ont pas réussi à influer grandement sur le cours des choses, argumente la journaliste auteure de cette analyse.

“Plus que l’expression de la compétition entre Washington et Pékin, le coup d’État va être un test pour la doctrine Biden. Les valeurs démocratiques et les partenariats semblent devoir être les piliers de la politique étrangère de la nouvelle administration”, dit l’ancien ambassadeur américain en Birmanie Derek Mitchell, cité par l’auteure.

C’est lorsque les pays Occidentaux lui ont tourné le dos, en réaction à la répression de 1988 contre le mouvement prodémocrate, que la Birmanie s’est retrouvée attirée dans le giron de la Chine, rappelle l’auteure. Mais la libéralisation de 2010 a permis le retour des États-Unis, ce qui a enclenché un mouvement de balancier dans lequel on voit le petit pays “résister à l’influence des deux puissances”.

Les limites de l’influence chinoise

La condamnation du coup d’État du 1er février par Joe Biden a été rapide et très claire. En comparaison, du côté chinois, les déclarations prudentes se sont bornées à rappeler le principe de non-ingérence cher à Pékin.

Aujourd’hui, les généraux de Rangoon voient sans doute Washington comme une menace, et Pékin comme un soutien, mais “leur tolérance à l’influence et à la domination chinoises n’ira pas plus loin”, affirme Sun Yun, chercheuse au Centre Stimson, à Washington. Car si, d’un côté, l’armée birmane a du ressentiment quant à la réponse américaine face à la crise des Rohingyas qui a entraîné l’isolement du pays, d’un autre côté, elle garde en mémoire des décennies d’affrontement avec des minorités armées par la Chine.

Donc, s’ils veulent obtenir un changement dans l’attitude de l’armée birmane, “les États-Unis sont mal outillés : pressions politiques, coalition internationale, sanctions économiques, rien de tout cela n’a une vraie chance” de renverser la situation, selon Mme Sun. “Si la Chine, de son côté, préfère travailler avec les civils de la LND, elle pense ne pas avoir la capacité de précipiter une issue et devoir travailler avec quiconque se trouve au pouvoir.”

Les États-Unis ne voient pas d’autre possibilité que le renoncement des militaires et le retour à un régime de transition démocratique, et la Chine, soucieuse de préserver son principe de non-ingérence, ne voudra pas forcer la main à ces derniers. En somme, aucun des deux grands États ne pourra peser sérieusement sur l’évolution de la situation, conclut l’auteure.

Courrier International


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message