Manon Aubry lance une grande campagne contre l’impunité des multinationales : #QuiCommande

samedi 27 février 2021.
 

Interview exclusive de Manon Aubry pour l’insoumission : l’eurodéputée insoumise nous dévoile sa grande campagne contre l’impunité des multinationales qui violent les droits humains et détruisent l’environnement. #QuiCommande

Bonjour Manon ! Le 9 mars va avoir lieu un vote important au Parlement européen contre l’impunité des multinationales qui violent les droits humains et détruisent l’environnement. Est-ce que tu peux nous expliquer le problème ?

A l’heure actuelle, de nombreuses entreprises multinationales maximisent leurs bénéfices (et les dividendes à leurs actionnaires !) en cherchant la main d’oeuvre la moins chère et la plus exploitée possible tout en saccageant la planète. Ce business modèle repose sur un vide juridique qui leur permet de déléguer leurs activités les plus néfastes pour les gens et l’environnement à des tiers (par exemple à des filiales, à des sous-traitants ou à des fournisseurs) : en gros, elles laissent les autres faire le sale boulot pour ne pas être tenues responsables. Très souvent, et grâce à la mondialisation, ces tiers opèrent dans d’autres pays, là où les droits des travailleurs et de l’environnement sont les plus fragiles. Mais en délocalisant la production, elles délocalisent également leur responsabilité juridique. Les juges ne les tiennent jamais pour responsables, parce que l’exploitation sociale et environnementale est réalisée par d’autres et ailleurs. Autrement dit : pas vu, pas pris. Pourtant, ce sont elles qui organisent leurs chaînes de production et qui en tirent le principal bénéfice : elles sont donc aujourd’hui complices de crimes en toute impunité !

Les lecteurs de L’insoumission ont peut-être en tête des exemples de ces crimes, comme l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en 2013. Ces catastrophes sont-elles fréquentes et pourrais-tu nous en donner des exemples ?

En 2013, un immeuble où étaient entassées des milliers d’ouvrières du textile s’est effondré au Bangladesh. Dans les décombres, on a retrouvé les corps de 1 135 personnes… et les étiquettes de marques célèbres qui exploitaient indirectement ces travailleuses : Carrefour, Auchan, Camaïeu, Benetton, etc. Mais il n’y a pas besoin de remonter bien loin pour trouver des cas similaires. Il y a moins d’un an, un institut australien a révélé que 83 marques se fournissaient dans des camps d’internement chinois organisant le travail forcé de milliers de Ouïghours. On retrouve par exemple Apple, Nike, Volkswagen ou Amazon. Mais ces crimes touchent aussi l’environnement. Pour ne donner qu’un dernier exemple récent, l’ONG Disclose a montré que McDonald’s importe du soja issu de la déforestation et de l’accaparement violent de terres de paysans au Brésil.

Pour apporter une réponse à cette impunité mondialisée, tu t’es battue pour l’adoption d’un “devoir de vigilance” européen. De quoi s’agit-il ?

Le “devoir de vigilance” est une petite révolution puisque pour la première fois des multinationales qui violent les droits de l’homme ou saccagent l’environnement pour fabriquer leurs produits pourraient être punies en Europe. C’est simple : les entreprises seraient tenues de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour identifier, prévenir et faire cesser les atteintes aux droits humains et à l’environnement. Si elles ne remplissaient pas ces obligations (même sans qu’un dommage n’ait lieu), elles s’exposeraient à de lourdes sanctions : amendes en pourcentage du chiffre d’affaires mondial, exclusions des aides et des marchés publics, cessation d’activité, etc. Surtout, les éventuelles victimes pourraient enfin avoir le droit d’accéder à la justice et d’être dédommagées. Ces crimes ne seraient enfin plus impunis et les multinationales ne pourraient plus faire du profit sur le dos des travailleurs ou de la planète !

Ce combat, ça fait longtemps que tu le portes. Est-ce que tu veux nous raconter comment tu en es arrivée à le mettre à l’agenda européen ?

Effectivement, ça fait un moment ! Quand je travaillais à Oxfam avant d’être élue au parlement européen, je bataillais déjà pour l’adoption d’une loi française sur le devoir de vigilance et je continue aujourd’hui à enseigner sur ce sujet. Un texte pionnier a été adopté en France en 2017 et il porte aujourd’hui quelques fruits (des procès en cours contre Total et EDF par exemple), mais il n’est pas assez exigeant. C’est pourquoi dès les premiers jours du mon mandat, j’ai mis à l’agenda du Parlement la proposition d’un texte européen plus ambitieux. La bataille a été très longue depuis, avec le dépôt de plus de 150 amendements, une cinquantaine d’heures de négociations… Nous aurions aimé aller plus loin, comme la responsabilité pénale des patrons (je ne désespère pas de l’obtenir un jour), mais le texte reste ambitieux et nous voilà dans la dernière ligne droite : le vote en assemblée plénière du parlement début mars !

Avec un texte aussi contraignant, tu as dû rencontrer beaucoup de résistance du côté des libéraux et des conservateurs. Est-ce que le texte a des chances d’être rejeté par le Parlement le 9 mars ? Est-ce qu’on peut t’aider à le faire passer ?

Bien sûr, l’opposition a été très rude dès les premiers jours et depuis les lobbys sont hyper actifs en coulisses pour essayer de tuer le texte.. Nous recevons de plus en plus de courriers du Medef européen comme français pour faire voter les députés contre le texte avec les arguments les plus fallacieux : à les écouter, ce devoir de vigilance serait la fin du monde. Je me suis fait un plaisir de prendre la plume pour répondre à leurs nombreux courriers du soir et les tourner au ridicule dans ma série de vidéos parodiques “Très cher lobbyiste”. Mais leur pression sur les députés libéraux est réelle. C’est pourquoi je lance une mobilisation citoyenne à laquelle tous les insoumis peuvent participer pour contrer les lobbys ! Pour cela, il vous suffit de poster une photo de vous sur les réseaux sociaux avec le hashtag #QuiCommande, et la réponse à faire entrer dans la tête des députés, des patrons et des lobbyistes : “c’est nous” ! On compte sur vous pour faire triompher le pouvoir des gens sur celui de l’argent !


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